Daz Dillinger a 45 ans aujourd’hui ! [Chronique]

Le rap est bien plus qu’une musique. En tant que pilier de la culture hip hop, c’est un véritable mode de vie, une passion qu’on embrasse et qui ne dépérit jamais. La preuve en est, les pionniers du rap sont très nombreux à être encore en activité (quand ils sont encore vivants…), ça montre bien qu’on ne lâche pas le rap comme ça. Même Will Smith, après une très, très longue pause, est en train de revenir avec un  nouvel album. Le rap, ça vous dévore, au point que certains rappeurs français comme Alkpote annoncent leur retraite depuis 5 ans, alors qu’au final, il semble presque plus productif que jamais.

Le rap est une passion pour boulimique, un monde très immersif, encore plus pour les rappeurs : on mange rap, on dort rap, on écoute des instrus tout le temps, on voyage rap (les tournées), on écrit, on fait des séances de studio, un peu comme un sport de haut niveau. Et s’il y a bien un rappeur qui a dévoué sa vie au rap, et qui continue à le faire aujourd’hui, alors qu’il est un peu dans l’ombre, c’est Daz Dillinger. Le rappeur West Coast né à Long Beach a été un membre actif du déferlement de la G-Funk sur le monde, aux côtés de Snoop Dogg, Dr. Dre, Kurupt, Tupac ou encore Suge Knight (à sa manière…).

Avec son groupe Tha Dogg Pound (composé de lui-même et Kurupt), en feat avec la crème de Los Angeles, en solo, ou même en tant que producteur, Daz Dillinger est un artiste complet maîtrisant toues les facettes de son art. Pas suffisamment pour éclipser Dr Dre ou Snoop Dogg, la faute à une aura moins grande, et à la concurrence très forte dans son secteur, ce qui lui a fait un peu d’ombre. Mais même dans l’ombre, il a quelques classiques à son actif, et aussi quelques anecdotes assez croustillantes. A l’occasion de son 45 ème anniversaire, on a choisi de revenir un peu sur le parcours de celui qui se faisait appelé “Dat Nigga Daz” à une époque.

La grande aventure West Coast

Si le monde connaît si bien Daz Dillinger, c’est parce qu’il faisait partie de l’univers West Coast et de tout ce que ça implique : les gangs, les rivalités, les clashs, les réconciliations, et surtout, la bonne humeur et l’hyper productivité. C’est évidemment l’inévitable Warren G qui le présentera à la crème du rap game, comme beaucoup de rappeurs de l’époque, tous proches de Warren. C’est grâce à ses apparitions sur “Doggystyle”, la pierre angulaire du mouvement, qu’on l’a catalogué parmi les étoiles montantes de la West Coast. Mais c’est bien aux côtés de Kurupt, dans Tha Dogg Pound, qu’il s’est inscrit au panthéon du rap.

Leur premier projet, “Dogg Food”, sorti en 1995, est un petit classique de la G-Funk, qui s’était d’ailleurs classé à la première place du top album à l’époque, avec 280 000 ventes la première semaine. L’attente était grande auprès de cette deuxième génération West Coast, qui succède à celle de Dr. Dre. Un projet quasiment intégralement produit par Daz Dillinger lui-même, et sur lequel il fait quelques apparitions rap remarquées, avec son flow à la fois bondissant et très haché. Notamment sur “Dogg Pound Gangstaz”, ou encore sur le single “Let’s Play House”.  Capable de rapper les lyrics les plus thugs, mais aussi les plus mielleux, et incarne à sa manière le parfait Gentleman du ghetto de Long Beach.

Ce premier album du groupe, vraiment très réussi, sera le seul à atteindre ce niveau de notoriété. Les suivants n’étaient pas forcément moins bons, comme l’excellent “Cali Iz Active”, mais la vague était un peu passé, dommage. Mais qu’importe, ils auront fait le principal : participer à la guerre contre l’Est, avec le morceau “New-York New-York” qui aura eu un impact terrible dans cette histoire, vivre l’aventure (et la chute…) de Death Row à fond, et marquer leur époque au point de faire partie du décor, lorsqu’on parle de Los Angeles et de rap. Seulement, il souffrait un peu de la comparaison avec son grand complice Kurput, en termes de kickage et de charisme. Mais ça ne l’a pas empêché de prendre sa part de gloire, ni de se révéler en tant que grand passionné et fin connaisseur du hip hop.

Le boulimique du rap

Car finalement, Daz Dillinger était au début au moins autant un producteur qu’un rappeur. Il a d’ailleurs participé à l’album hyper classique “All Eyez On Me” de Tupac, puis au deuxième album solo de Snoop Dogg, “Tha Doggfather”, en tant que producteur. Il se chargera également lui-même de la production de son premier album. Mais, à cause des problèmes du label Death Row, de la mort de Tupac, et de l’incarcération de Suge Knight, la sortie de “Retaliation, Revenge and Get back” a été retardée jusqu’en 1998… Une attente extrêmement longue qui a achevé sa fanbase, le cantonnant à jouer les second rôles dans les charts… Ou comment définir l’expression “rater le coche”.

Pourtant, Daz Dillinger avait tout ce qu’il fallait : du talent, l’oreille très musicale, un flow, une voix pas trop mal, et même des liens de sang avec Snoop Dogg. Mais cette sortie tardive lui aura valu d’être un peu en retard sur la tendance, en instrus ou en rap, par rapport à la concurrence. Dommage, car replacé dans le contexte du début des années 90, voire jusqu’à 95, 96, ce disque aurait été un classique du genre, mais en 98 il arrive après la bataille. Mais là encore, pas grave, il continue à se faire remarquer, en étant le premier à insulter publiquement Suge Knight dans une diss track (ainsi que Kurupt), avant de finir par s’engager chez Jay-Z, puis de fonder sa propre structure, Dogg Pound Records.

Il peut enfin laisser libre cours à sa folie créatrice. Et il y va à fond, et même plus que ça :ça devient toute sa vie. Daz Dillinger devient une machine, qui a sorti 18 albums solo, rien que ça, mais aussi 4 albums collaboratifs, 3 EP, 5 mixtapes, et 7 albums avec le Dogg Pound. Faites le calcul, on est à 37 albums sur 25 ans de carrière, et ça veut dire une chose : il est complètement amoureux de cette culture. Et même de la musique en général, puisqu’il produira des morceaux pour des artistes hors rap. Si on lui colle l’étiquette West Coast, c’est un peu par facilité, car lui-même est capable de performer sur tous types d’instrus, de tous types d’époques. Ses derniers albums, “Smoke Me Out” et “Dazamataz”  nous le montrent d’ailleurs assez bien, on est plutôt loin des sifflements de la G-Funk, et ça ne l’empêche pas d’être très agréable à écouter. Bref, un rappeur qui n’est finalement pas une star, mais a été capable de sortir quelques classiques, et de faire partie d’une équipe qui a renversé les codes du rap, et participé à la guerre contre la West Coast.  Un vrai boulimique de rap, qui continue encore à créer après 25 ans de carrière. Et ça, ça méritait bien un petit article pour s’en rappeler !

Rémi
Rémi

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