[Dossier] Hip-Hop : Autant de définitions que d’adeptes !

Nous sommes nombreux à nous être penchés sur l’origine du mouvement et ses initiateurs, au carrefour des scratchs frénétiques, des bombes ruinant les murs, des coupoles près du ghetto-blaster et des lascars au micro …

Hip-Hop is everywhere !

Des décennies plus tard le Hip-hop est partout, des métros aux galeries d’art, des parquets du quartier aux championnats de breakdance, des clips à gros budgets jusqu’au rappeur undaground qui tournera furieusement sur les platines des DJ’s pour que les nuques se brisent sur du gros son … Qu’ils soient aux platines, fous de peintures, MC’s, danseurs ou simplement amateurs d’art de rue, chacun y trouve son kif à sa manière ; c’est là toute la richesse du mouvement.

Vouloir imposer une définition unique du Hip-hop serait tyrannique, nous allons donc plutôt directement demander l’avis de ceux qui à leur échelle, se sont activés et/ou s’activent encore pour le mouvement et restent mordus par le double H.

De DJ Enuff et son excellent “My Definition of Hip-hop” sortie en 97 à l’intro coup de gueule “Assumes toi, dis MON rap, MA vision, MA définition” que Wapalek nous balançait avant son mémorable freestyle en 2012, nombreux sont les acteurs du milieu qui vont dans le sens d’une définition propre à chacun.

C’est dans cette optique que nous partons choper un maximum de visions, de Hip-Hop définitionS.

Recueil de visions

Je croise au café un ancien du collectif Zone d’Espoir Prioritaire ( ZEP), ravi de tomber sur lui pendant mes recherches je lui explique ma démarche et lui propose de me donner sa vision du Hip Hop, ce qu’il accepte avec bienveillance et humilité …

Par qui ou quoi as-tu découvert le Hip-Hop ?
Par mon père, il m’a acheté mes premiers CD, d’IAM, de DJ Kheops et d’NTM. Avant il n’y avait pas les mêmes supports qu’aujourd’hui pour diffuser donc j’écoutais la radio, les débuts de Générations, Couvre-feu. En tant que jeune de banlieue on s’identifie vite à cette musique qui décrivait ce que nos anciens avaient vécu. Et c’est en m’identifiant à ça que j’ai commencé à écrire. Puis avec le temps on s’identifie à certains raps plus qu’à d’autres. Je suis né avec le rap.

En tant que rappeur, quelle est ta ligne musicale directrice ?
Les paroles partent et les écrits restent, j’ai toujours tenu à garder ça à l’esprit. Je ne voulais pas retomber sur un vieux texte des années plus tard et avoir honte de ce que j’ai pu écrire à ce moment-là. Alors c’est plutôt un rap conscient avec le côté contestataire du Hip-Hop, comme le punk et le rock avant nous, les mecs étaient là pour gueuler : nous on a pris le relais avec le rap.

Je sais que tu as été en contact avec la Zulu Nation il y a quelques années, tu peux m’en dire plus ?
J’ai été contacté par la Zulu parce qu’on avait une assoce de quartier où on poussait de jeunes breakers.
Je n’étais pas allé au-delà du rap et j’étais plutôt fermé avant cette expérience d’animation, c’est là que j’ai découvert l’ampleur du HH.
La Zulu pour moi c’est l’une des dernières garantes du monde Hip-Hop, attachée à ses valeurs de base, mais les plus jeunes ne la connaissent pas forcément. Alors le jour où cette entité disparaitra, le Hip-Hop continuera-t-il d’exister ? …

Quelle est ta vision du HH d’aujourd’hui ?
Je reste ouvert à ce qui se fait, il m’arrive d’écouter du neuf mais je m’intéresse plus à la musicalité qu’aux paroles quand j’en écoute. Si je veux du lyrics, je reste old school.

La ZEP, tu nous en parles ?
On a eu la chance d’avoir un grand frère qui avait une grande connaissance du Hip-Hop, il nous a fait sa chronologie, nous a parlé de son message mais aussi de l’industrie, nous a appris les temps, les mesures … Il nous a montré tous les aspects du rap et nous l’a vendu comme un art et ça a créé une alchimie chez nous.
On venait de différents endroits, on a fait ça à notre échelle. Et dans les styles la ZEP allait du chill au hardcore et chacun avait son identité au sein du collectif … Le beat on se retrouvait dedans au final.

Merci à toi, un p’tit son pour finir ?
X-men : Retour aux Pyramides.

Dans l’après midi je passe chez un ancien des crews parisiens, actif dans le graf dans les 90’s et 2000’s, quelques questions au fond du canapé arrivent vite …

Par qui ou par quoi as tu découvert le HH ?
Par rapport à mon grand frère, à la fin des années 80, qui écoutait Public Ennemy et De La Soul.

Et aujourd’hui quelle est ta vision du mouvement ?

Pour moi le mouvement est divisé en plusieurs parties, il y a ceux qui sont restés old school dans leur musique et les nouveaux qui veulent améliorer ou transformer le truc. Le break par contre échappe à ça il me semble parce que les mecs n’ont fait que s’améliorer.

Si tu devais définir le Hip Hop en trois mots …
Rap, graff et … lifestyle.

Dans l’ordre ?
Alors ce serait lifestyle en premier, rap puis graf.

Tu as été un membre actif de plusieurs crews de graf parisiens, qu’est ce qui t’as plu dans cette branche du mouvement ?
J’ai été dans plein de crews, les VEP, le 90DBC .. Tu kiffes forcément le côté vandale, sortir une bonne pièce, y’a ce côté création. Tu ponds ton truc à toi plutôt que de subir le Hip-Hop des autres.

Merci à toi, un p’tit son pour finir ?
Ol’ Dirty BastardShimmy Shimmy Ya.

 

Errant sur la toile le lendemain je parviens à contacter Abuz, rappeur mythique du D Abuz System et poids lourd du son old school français : A défaut d’avoir pu le rencontrer en live il a néanmoins accepté de donner de son temps pour apporter sa pierre ( et non des moindres) à l’humble édifice que voici.

J’en viens à ma première question donc : Par quoi ou qui as tu découvert le mouvement HH ?
J ai pris la vague break et smurf a l’époque et ensuite je me souviens avoir découvert le tag par un pote de Créteil. En ce qui concerne la musique, étant passionné de son depuis tout jeune j’ai connu le hip-hop très tôt et en entendant Jhonygo et Destroy man rapper en français j’ai eu l’envie d’essayer.

C’est noté, et quelle a été ta ligne directrice musicale depuis tes premiers pas en tant qu’emcee ?
La créativité, l’originalité, en passer par différentes influences comme le dancehall par exemple … Je rajouterais la sincérité aussi et de garder des lyrics plutôt axés sur les émotions et le ressenti ainsi qu’une ouverture de esprit pour éviter les clichés et le troupeau.
Une réponse plus qu’éloquente ! On entend beaucoup parler de “purisme” dans le mouvement ces dernières années, te définirais tu comme puriste ou as tu un regard plus clément envers la nouvelle génération ?
Non je ne suis pas un puriste, la musique doit évoluer pour vivre. D’ailleurs je peux écouter différents styles de musique ou de hip hop si c’est bon et que ça me touche.
Le mouvement est en constante évolution comme tu le disais plus haut, en tant qu’emcee comment penses tu que le rap évoluera d’ici une dizaine d’années ?
La musique c’est des cycles, on reviendra à du vrai kickage à un moment mais sinon les flows sont de plus en plus chantés et mélodiques il me semble donc ça devrait aller encore plus dans ce sens (avec forcément un contre-courant plus roots) et plus de mélanges car les frontières entre les styles de musique se dissipent peu à peu …
Nous sommes nombreux à connaitre les classiques que tu as laissé, du Syndikat au projet Invasion mais tu es revenu plus récemment avec des morceaux en solo, un track en particulier m’ayant beaucoup parler peux tu m’en dire plus sur “Hors sujet” ?
C’est un rare sujet dont je voulais parler avant d’avoir fait la prod, surtout à une époque internet où tout le monde a un avis ( arrêté) sur tout et croit tout savoir En vieillissant tu t’aperçois que les choses ne sont pas toujours ce qu’on croit. Et qu’il est compliqué de juger, encore plus quand tu n’as pas toutes les données. Mais la vie est bien faite et à un moment tu comprends tes erreurs et tu apprends.

Éloquent .. Merci pour ces réponses enrichissantes Abuz, un p’tit son pour finir ?
Si je devais en choisir un parmis les miens ce serait sûrement un de ceux du dernier projet (“Ne dis pas” ou “Qui“) ou alors une ballade guitare voix chantée sur laquelle je bosse aujourd’hui.

 

Au cours d’une entrevue pour HHC, Busta Flex résumera le hip-hop en quelques mots, sans sentir le besoin d’en faire plus : “Un mode de vie“.

Lors d’une autre entrevue que Kalash Criminel nous accordait la même question lui sera posé, et malgré les vingt ou trente ans qui séparent le jeune sevranais des artistes ci-dessus il résumera : “Le hip-hop à la base je le vois comme un mouvement pour dénoncer, et même si aujourd’hui on est plus trop dans cette optique de passer des messages ce n’est que l’évolution du truc“.

L’entité fédératrice

Au travers de ces témoignages, c’est le Hip-Hop de chez nous qui parle mais aussi plusieurs générations qui se reflètent.

Celle des anciens qui ont découvert le mouvement à ses débuts dans les années 80, celle de la deuxième génération qui commença à officier dans les années 90 et ceux nés dans les années 90 qui sont aujourd’hui pour certains les têtes d’affiche du mouvement musical.

Des pensées reviennent au fil de ces échanges, l’ampleur du Hip-Hop, les possibilités et les ambiances variées qu’il offre, quand certains ont choisi de noircir le papier et de prendre le mic d’autres se sont tournés vers les rames et les murs, mais c’est avec la même volonté de créer, le besoin de s’exprimer est présent à chaque fois.

C’est aussi des valeurs fortes, que le mouvement portait dès ses débuts, que nous retrouvons aujourd’hui ; l’unité notamment ” parce que vu qu’ce sont eux qui parrainent on est mal barré” comme le disait Zoxea sur son morceau éponyme.
La liberté au sein du mouvement et la non-censure ont poussé certains à s’impliquer dans le Hip-Hop pour pousser leur gueulante, représenter la population en se faisant” le haut-parleur de ceux à qui on a coupé le son” comme nous le rappelait Fizzi Pizzi sur le track ” Mémoires d’un ancien“.
Ce côté revendicatif reste très présent dans les propos recueillis mais diffère avec une industrie moins présente sur ce thème, d’où l’impression de certains passionnés qu’il y a un écart, une division au sein du mouvement entre ceux qui ont maintenu un cap engagé et ceux qui ont évolué vers une forme d’art moins axé sur un combat social à la Public Ennemy qui arrivait avec des lyrics comme “We’ve got to fight the powers” ou “Remember there’s a need to get alarmed“.

Mais au-delà des divisions, il y a également des alchimies qui opèrent chaque jour sur la planète Hip-Hop : un auditeur découvre un rappeur qu’il trouve génial, un amateur d’art de rue rencontre un graffiteur, un ancien DJ apprend le scratching à un nouveau, une bande de potes lâche un freestyle de rue pendant qu’un crew de breakers se retrouve sur le rythme …

Et c’est ce vaste paysage artistique qui a fait et fera naître à nouveau, de nombreuses passions et autant d’Hip-Hop definitionS

 

Golem
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