[Dossier] Quand le rap français fait chanter la guitare

Aujourd’hui, nous avons décidé de vous faire un petit état des lieux de l’utilisation d’un instrument trop longtemps délaissé dans le rap français : les guitares. Décomplexés et en recherche de nouvelles snorités, des artistes comme Sofiane, Kpoint et A2h font de la gratte une arme redoutable pour séduire les foules.

La nature du hip-hop a toujours été de capter les courants musicaux du moment et de piocher dedans pour se réapproprier la musique selon ses codes. A ses prémices dans les années 1970, les DJ’s samplaient Funk et soul lors des blocks parties. Peu à peu, notamment dans le rap français, beaucoup de beatmakers se sont mis à utiliser le piano et le violon pour enrichir leurs instrumentales. Parfait pour le rap de rue, mélancolique, voire dépressif, qui a longtemps été le courant le plus répandu dans l’hexagone.

Mais aujourd’hui, les mœurs ont bien changé et le rap s’est diversifié pour casser les barrières des genres. L’arrivée de l’autotune a permis à tout le monde de s’essayer aux mélodies et l’émergence de la trap a fini de briser les tabous du boom bap. Et dans cette ouverture, la guitare vient symboliser tout ce que le rap peut être, entre mélancolie, chansons d’amour et musique festive.

Kpoint et Sofiane : la guitare joyeuse

Il y a bien sûr de nombreux exemples de chansons de rap français où la guitare est l’élément principal. On peut parler de Keny Arkana, Oxmo Puccino ou encore Kacem Wapalek qui en ont tiré d’excellents morceaux dans les années 2000. Mais force est de constater que ce n’est que dernièrement que l’instrument à cordes prend une place prépondérante dans la musique de plusieurs artistes. Et ceux qui dominent la catégorie sont logiquement ceux qui savent en jouer et le mette en avant.

Premier nom cité, Kpoint. 29 septembre 2017, « Rentre dans le cercle » de Fianso. Dans un concept où l’on met généralement la performance en avant, lui débarque avec sa guitare sèche, posé sur son petit tabouret. La prestation envoûte la salle comme les auditeurs derrière leur écran. Combiner rap et guitare, c’est devenu la marque de fabrique du rappeur du 91, qui a intitulé son dernier projet « Trap-n-roll ». Kpoint emmène partout son instrument fétiche, tel un fidèle ami qui ne peut le trahir. Pour nos confrères de Booska-P, il revenait sur cette recherche de nouvelles musicalités : « Le but ultime pour un artiste, c’est arriver à dégager tout ce qu’il a. Si tu restes bloqué dans un simple délire, ce n’est pas bon, il faut mixer nos influences ».

Fin juillet 2018, le clip « Ma 6t a craqué » en featuring avec Ninho fait un carton, tapant les 26 millions de vues. Kpoint et Ninho retranscrivent l’ambiance du titre via leurs paroles  « Le quartier fait chanter la guitare » clament-ils. Et ça fait du bien.

Lui n’en joue pas mais cela ne l’empêche pas de la mettre en avant. Sofiane, touche-à-tout certifié, trouve la formule magique lorsqu’il lâche « Mon ptit loup » en 2017, tube qui cumule 68 millions de vues. Le titre fonctionne très bien grâce à la guitare gitane présente tout au long du morceau, qui sert parfaitement l’histoire contée par Fianso. Produit par l’Adjoint, le résultat est dansant et pourrait coller parfaitement au mot portugais « Saudade », un sentiment complexe où se mêlent mélancolie, nostalgie et espoir.

Sofiane ira plus loin dans sa recherche de sonorités en collaborant avec les fameux Gypsy Kings, pour un morceau fidèle au groupe du Sud de la France. Des rythmiques de flamenco qui évoquent directement la musique latine, et dont on n’aurait jamais imaginé un rappeur poser dessus il y a 5 ans de ça.

A2H et Sopico : quand l’émotion parle

Autre focus, A2H. Artiste multiforme, celui qui est rappeur, ingénieur du son et beatmaker est aussi…guitariste. En toute logique, vu qu’il produit la plupart des sons sur lesquelles il pose, il n’hésite pas à mettre ses talents de guitaristes en avant, comme sur son dernier clip “Blues”. Aussi, le gars de Melun fait toujours le show sur scène avec ses guitare électriques et acoustiques. A2h à un côté rockstar – c’est d’ailleurs le titre d’une de ses musiques – mais se sert autant de son instrument pour calmer le jeu. Se poser et faire une chanson d’amour en guitare voix. Son album « L’amour », sorti récemment, contient d’ailleurs une très belle chanson de ce type. Et petite devinette, qu’y a-t-il de présent sur la cover de cet album ? Des femmes et une guitare. Tout ce qui résume A2H.

Dernier talent, Sopico. Le rappeur du 18ème postait déjà des freestyles acoustiques depuis sa chambre alors qu’il était encore inconnu. Après avoir abandonné quelque temps ce pan de son art, Sopico s’est rendu à l’évidence : la guitare séduit. Et quand on sait en jouer pourquoi s’en priver ? Comme Kpoint et A2h, vous le verrez toujours sur scène avec sa gratte pour des séquences où le temps s’arrête. Après sa performance remarquée sur la chaîne Colors, il a occupé le terrain en 2018 avec ses « Unplugged », une série acoustique dans laquelle il rejoue certains de ses titres. Une manière de sublimer ses textes, de montrer l’importance des silences, d’insister sur des mots. Beaucoup plus difficile à faire sur un beat classique.

Au travers de ces noms qui tiennent aujourd’hui une place importante dans le microcosme du rap français, on se rend compte que la guitare n’a jamais autant été mise en avant. Ce qui ne veut pas dire que n’importe quel rappeur rookie se mettra à jouer des solos à la Jimi Hendrix sur des instrus trap, heureusement d’ailleurs. C’est juste une énième indication que le rap français n’a jamais été aussi pluriel.

 

Sim
Sim

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