Entre purisme et clientélisme : Quel avenir pour le mouvement ?

Une chronique comme celle ci ne saurait commencer en tirant sur les uns et les autres, le mouvement déchaine les passions depuis plus de 30 ans et nombreuses sont les visions qui en découlent. Nous les considérons propres à chacun comme nous le soulignions via notre dossier sur les définitions du Hip-Hop, mais cela ne veut pas dire pour autant qu’un avis en vaut un autre.

Un mouvement scindé ?

Si quelqu’un prétend que le rap est né de la rencontre entre folklore breton et musique traditionnelle aborigène il n’y a aucun ménagement à avoir, cet avis est erroné et rendra difficile tout débat plus poussé sur la question des influences …

Les musicalités sont affaires de goût, certes, mais le hip-hop s’est bâti autour d’un socle commun fédérateur avant d’émerger pleinement et de devenir le vaste univers que nous connaissons aujourd’hui.

Vous nous avez sans doute compris; si les points de vues divergent, ce qui est normal et même plus qu’appréciable au vue du nombre d’amoureux que compte le mouvement, ce sont les avis les plus éclairés qui resteront les plus crédibles. Et bien que quantité d’auditeurs rap ne se reconnaissent ni dans un camp ni dans l’autre les mots fusent souvent bien vite entre partisans du verbe cognant sur boom-bap à l’ancienne et mélomanes ouverts aux mélanges en tout genre; il est alors commun de voir les échanges entre eux s’assommer grâce à des “insultes” prisées comme “Puriste” ou, au contraire “Client“.

Le puriste

Le purisme dans le rap pourrait se définir par une écoute exclusive d’artistes correspondant à certains critères jugés par le sujet comme valides et en accord avec sa définition de ce que doit être l’entité hip-hop. Si le puriste est bien souvent le trentenaire/quadra qui a connu ce qui reste largement appelé “l’âge d’or“, certains plus jeunes ont également repris le flambeau au fil du temps en découvrant les vertus de l’ancienne école. Si la connaissance et l’amour profond du puriste en termes de rap old school ne sont plus à démontrer, son refus catégorique d’écouter du neuf l’enferme souvent dans une époque qui n’est plus la nôtre. Malgré tout l’influence des puristes reste présente dans le rap français, puisque certains artistes rivalisent de clins d’œils pour eux … A leur manière ils continuent donc de façonner une partie du mouvement actuel.

Le client

Nous voici à l’extrême opposé, avec le client ( ou iencli) qui est quant à lui beaucoup plus ouvert sur sa définition du hip-hop. Il écoute de larges palettes de sons aux couleurs musicales très différentes et ne voit absolument pas le problème à parler de rap en désignant un couplet pour son amour d’été sur une instru électro-dance avec la voix saturée par le vocodeur. A ses yeux, ceux qui voient les expérimentaux comme des profanes ne sont que des vieux cons qui n’acceptent pas l’évolution du rap. Après étude, il ressort que ces derniers accepteraient plus souvent la critique si leurs interlocuteurs n’étaient pas au lycée. Vous l’avez compris; on nage en plein cliché, d’où notre intérêt plus grand pour le troisième camp.

Le modéré

On a souvent l’impression que le troisième auditeur a pris le meilleur des deux premiers pour recouvrir le mauvais d’un joli drapé de nuances. Vous ne l’entendrez jamais dire ces fameuses phrases polémiques comme “le rap c’était mieux avant” ou “le rap c’est mieux maintenant”. Il continuera d’errer entre ancienne et nouvelle école pour y retrouver la même étincelle, ou une différente pourvu qu’elle soit tout aussi pétillante.

Et si on mélangeait ce beau monde ?

Si notre choix d’image pour cette chronique s’est arrêtée sur le Demi-Festival de Sète, ce n’est pas un hasard. Nous considérons qu’aujourd’hui beaucoup de rappeurs minimisent les risques artistiques pour continuer de plaire à des profils types comme ceux énoncés ci-dessus, à chacun sa fan-base, à chacun son terrain.

Demi-Portion est à notre sens l’un de ceux ( il est loin d’être le seul mais constitue un excellent exemple) qui portent aujourd’hui l’avenir du mouvement au niveau francophone. Pourquoi ? Et bien parce qu’il est l’un des rares capables de mettre d’accord tout ce petit monde autour d’un disque, comme à l’occasion de la sortie de son album “Dragon Rash” il y a plusieurs années.

Le mouvement a plus que jamais besoin d’indépendants talentueux capables d’émerger pour fédérer et renforcer l’unité plutôt que de participer à la division. Le rap français ne pourra finalement prendre que deux directions lors des années à venir à nos yeux, soit celle de la sectorisation soit celle du grand rassemblement … Et là dessus nous avons autant de raisons d’être inquiets que d’être confiants. Espérons que le hip-hop soit gagnant au final !

Golem
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