Moment of the clarity  : la chanson la plus authentique que Jay-Z n’ait jamais révélée ?

Avant de se consacrer complètement à son label, sa ligne de streetwear, son club et sa marque de Vodka, Jay-Z a lâché un album historique et intemporel. Il s’agit notamment du fameux « The Black Album », qui a plongé les fans et détracteurs dans la vulnérabilité de l’artiste. De manière spécifique, dans cet article, nous nous intéressons au huitième titre Moment of the clarity, un flow nonchalant qui donne une large ouverture sur la vie de Jay.

Jay-Z, l’homme toujours réservé quitte derrière son masque

Tout artiste cherchant à cimenter son image ne saurait se cacher derrière un masque. Lorsque ce dernier exprime sa vulnérabilité, cela contribue en quelque sorte à renforcer ses véritables liens non seulement avec d’autres artistes, mais également avec les auditeurs.

En effet, le rappeur peut paraître plus majestueux, orgueilleux ou du moins insensible de nature face à une réalité touchante de sa vie. Cela ne devrait pas l’empêcher d’être plus proche de ses fans avec une légère ouverture sur sa vie privée.

Pour ceux qui connaissent Jay-Z, l’un des actuels incontournables de l’industrie du rap américain, c’est un personnage qui avait tendance à garder la distance avec ses followers. En termes clairs, dans la plupart de ses sorties musicales, il se forge un statut mystique. Cela se remarque spécialement dans tous ses albums qui ont précédé la sortie de « Black Album » en 2003.

Jay était relativement fermé. Cela ne veut pas dire qu’il était entièrement isolé. Des titres tels que Song cry sur le célèbre opus « Blueprint », Meet The Parents  et Bonnie & Clyde 03 sur « Blueprint », Where have you been et le puissant This can’t be life avec Beanie Sigel et Scarface sur « Roc La Familia ». Certes, sur ces coupes assez profondes du Jigga Man, il révèle certains de ses moments personnels, mais il paraît plus convaincant dans le titre Moment of clarity.

L’artiste offre sa vulnérabilité dans Moment of clarity

Dans l’album ayant précédé le « The Black Album », Young Hov avait déjà révélé des coupes émotionnellement franches. Toutefois, en nous intéressant à Moment of clarity, on se rend compte qu’il y a quelque chose de très fascinant et surprenant. Cette chanson résonne comme un épisode intégral de sa vie. Dans ce single, il évoque à plusieurs reprises sa relation avec son père. Il a également parlé de sa mort en laissant ainsi place à un état d’âme inhabituel à travers les images suivantes :

When Pop died, didn’t cry, didn’t know him that well (Quand papa est parti, j’ai pas pleuré, je ne le connaissais pas très bien)

Between him doing heroin and me doing crack sales (Si ce n’est qu’il prenait de l’héroïne et moi, je vendais du crack)

With that in the eggshell, standing at the tabernacle (Dans la coquille d’œuf vides, devant le tabernacle)

Rather the church, pretending to be hurt wouldn’t work (Plutôt qu’à l’église, jouant à la victime, je ne travaillais pas)

So a smirk was all on my face (Je grimaçais alors)

Like, « Damn, that man’s face is just like my face » (Comme la tête de ces mecs enfoirés, j’avais la même)

So pop, I forgive you for all the shit that I lived through (Alors papa, pour toutes les emmerdes dans lesquelles j’ai pataugé).

Cette façon de traiter la disparition de son père pourrait surprendre des gens dans le game. Beaucoup d’autres rappeurs auraient transformé pareille circonstance en autoglorification obscène en se révélant sombre. Très loin de cette image, le créateur du label Roc La Fella présente toutes ses blessures et perçoit son père comme une victime de son environnement. Plus loin, il précise en ces phases :

It wasn’t all your fault, homie, you got caught (Tout n’était pas de ta faute, mon frère, tu t’es fait chopper)

Into the same game I fought, that Uncle Ray lost (A ce jeu-là, j’ai fait la même erreur que l’oncle Ray a perdue)

My big brothers and so many others I saw (Mes grands frères et tant d’autres que j’ai vu)

I’m just glad we got to see each other (Je suis tout simplement heureux qu’on pourra se revoir tous)

Talk and re-meet each other (discuter et se revoir)

Save a place in Heaven « til the next time we meet forever » (Réservez une place au paradis jusqu’à notre prochaine rencontre)

Jay se livre à une confession dans le deuxième couplet

Jay-Z continue de vider son sac à révélations dans le deuxième couplet que de nombreux fans ont le plaisir à citer aujourd’hui. Il y considère son lyrisme sous une approche hyper commercialisable : «I dump down for my audience and double my dollars (je vous vide mon sac et je double mes dollars) », rappe-t-il. « They criticize me for it, yet they all yell Holla (Ils me critiquent pour ça, mais ils ont tous crié Holla) ».

Par ailleurs, il est aussi intéressant d’entendre l’épouse de Beyoncé se référer à Talib Kweli qu’il place au-dessus de sa musique : «If skills sold, Truth be told, i’d probably be, Lyricly Talib Kweli (Si les qualités se vendaient, si l’honnêteté pouvait être envisagée, je serais probablement comme Talib Kweli, lyriquement parlant)”. Il fait ainsi allusion à son collaborateur Get By Remix comme étant l’As du lyrisme de premier plan à son époque.

Fort de ces interprétations, on peut se permettre d’affirmer que Jay a abordé dans Moment of Clarity des sujets qu’ils ont rarement traités par le passé. Le Jazzy se déplaçait dans le game comme le Magicien d’Oz, un surveillant incontournable cachant sa vraie nature avec un voile imposé. Avant de se retirer donc de l’univers — du moins ce qu’on pensait — il a pris bon jugement de tirer le voile pour vider son sac à révélations.

En parlant si franchement dans ce morceau pour faire voir sa vulnérabilité, il offre un aperçu profond de ce qu’il est en réalité. Même s’il y a quelque chose dans l’album 4 : 44”, il est important de reconnaître que ce titre résonne assez différemment.

Ambro Ola
Ambro Ola
Titulaire d’un diplôme en linguistique anglaise, je suis web rédacteur, content-manager. Je nourris une passion toute particulière pour l’art_ la poésie et la musique en l’occurrence. Bercé dès le jeune âge par les vers renversants des légendes du hip-hop tels que Eminem et Youssoupha, j’ai nourri très vite et mûri en grandissant, une forte affection pour le rap, la parole vivante, qui sait se faire tendre, instructive ou agressive. Retrouvez moi sur Twitter ou Linkedin !

Dans la même rubrique

Recommandé pour toi