Il y a des départs qui sont difficiles à encaisser, et dont le rap game ne se remet pas si facilement. Parce que l’artiste en question représentait quelque chose de l’esprit hip hop, à un tel point qu’il nous est difficile de l’imaginer sans lui. Pourtant, il ne s’agit pas d’un rappeur à proprement parler. Nate Dogg est plutôt un incroyable chanteur, qui incarnait l’attitude West Coast comme peu d’autres artistes.
Nate Dogg nous a quitté le 15 mars 2011 à la suite d’un long combat, après plusieurs attaques cérébrales qui ont débuté en 2007 et ont fini par causer sa mort. Une mort assez horrible, et qui est bien loin de l’image de playboy du ghetto hyper charismatique, avec du soleil dans la voix, qui lui collait à la peau depuis ses débuts dans la musique au début des années 90, aux côtés de Snoop Dogg et de Warren G. Une des plus fines équipes de OG que le rap ait connu. Tous les trois sont membres des Crips, ils ont fait les 400 coups à Long Beach et L.A. , aussi bien sur scène que dans les rues.
Avant d’être tous repérés par Dr.Dre, grâce à Warren G, puis de participer à la seconde vague West Coast, après les premiers coups de semonce tirés par NWA notamment. Ces connexions vont aboutir à des dizaines et des dizaines de collaborations entre tout ce beau monde, car c’est bien connu, Nate Dogg adore bosser avec les autres. Il met à leur service sa voix incroyable et ses textes à la fois hyper gangsta et terriblement joyeux : la West Coast dans toute sa splendeur. Aujourd’hui, on a choisi de s’intéresser à une des premières grosses collaboration entre Snoop Dogg, Warren-G, et Kurupt pour un des plus gros classiques West Coast : “Ain’t No Fun”. Avec Dre à la prod, évidemment.
Nate Dogg, un instrument à lui tout seul
Il faut bien comprendre que les chanteurs ayant eu un poids aussi important dans le rap ne sont pas nombreux, contrairement aux rappeurs qui kickent. Ce qui explique pourquoi autant de gens doutent que Lil Uzi Vert ou Lil Yachty soit du rap. Mais le chant et le rap n’ont jamais été séparés, Nate Dogg en est la preuve. C’est vrai, il a une voix plus belle, il a un talent évident, et lui n’a pas besoin d’autotune pour mettre de la modique dans sa voix. Ça se sent dès les premières notes du morceau : Nate Dogg, c’est de la musique à lui tout seul.
Un véritable instrument qui pourrait nous ambiancer même a capella, tout en restant hyper street. Pas facile de rivaliser, sa voix est un instrument à part entière. Un instrument dont le rap game a abusé pendant ses 15 ans de carrière (il a quasiment arrêté de chanter après ses premières attaques en 2007), à tel point qu’il s’est taillé une solide réputation de hitmaker dans le milieu. Nate Dogg, c’est le gars qu’on invite (ou qui nous invite) pour transformer un bon morceau en un hit classique incroyable. Et sur “Ain’t no fun”, il fait bien plus que chanter : il incarne l’esprit G-Funk, au moins autant que Snoop Dogg.
Car ses paroles, derrière cette voix folle, sont hyper vulgaires et imagées, et ne parlent que de cul, un loisir dont il revendique clairement être le boss, de manière totalement décomplexée. “When I met you last night, baby, Before you opened up your gap, I had respect for you lady, But now I take it all back” ça se passe de traduction. On va passer rapidement sur le “And you even lick my balls”, phase devenue légendaire avec le temps, pour finir avec lui sur “Cause i never met a girl that i loved in the whole wide world” : Nate Dogg est le parfait playboy de Californie, jamais deux soirs de suite avec la même fille, car elles se donnent trop facilement à lui, vu qu’il a beaucoup trop de charme.
Nate Dogg, l’esprit de famille et du partage
Plus que le couplet de Nate Dogg, même si c’est un de ses premiers classiques (et un de ses meilleurs) c’est l’esprit incarné par lui même et ses potes sur ce morceau, qui reflète bien une certaine vison du hip hop. La vraie mentalité de la West Coast incarnée par Warren G, Snoop, Nate, Kurupt et Dre, c’est l’esprit de famille, et du partage. Il y a de vrais liens de sang dans le groupe, mais surtout, des liens d’amitiés solides, qui les pousse à partager.
Nate Dogg a fait du partage sa première valeur, lui qui a collaboré avec absolument tous les rappeurs de son temps. Un vrai qui respecte les valeurs du hip hop. Et sur ce morceau, c’est plus de partage de meufs dont il est question. Snoop le confirme au milieu de son couplet, avec un splendide “So I’mma fuck a couple more times, And then I’m through with it, There’s nothing else to do with it, Pass it to the homie, now you hit it”. Quand vous vous lassez, passez là à un copain. Une meuf fixe, ça coûte bien trop cher.
Un egotrip assez loufoque et inédit, avec une sorte d’ode à l’echangisme entre potes qui ne pouvait naître qu’en Californie. Le refrain est magique : “It ain’t no fun of the homies can’t have none”, chanté par la voix de Nate Dogg. C’est pas drôle si les copains ne s’amusent pas aussi, le tout sur une prod folle de Dr. Dre, ça ne pouvait que cartonner. Et ça a été le cas. Warren G et Kurupt ne sont pas en reste sur le morceau, et eux aussi ont leur équipe de “hoes” à partager. Mais c’est surtout la manière dont Nate Dogg pourrait faire danser n’importe qui avec les paroles Les plus vulgaires possible qui est captivant, et c’est ce qu’on va retenir de ce classique aujourd’hui. Ça, et l’esprit de famille du hip hop incarné à merveille par Nate et ses potes. Repose en paix, légende, tu l’as mérité.