3ème Oeil, l’interview : “Sans prétention, je pense qu’on a marqué une génération.”

INTERVIEW

Le So Fresh Time #14, soirée Hip Hop Toulousaine, accueillait des jeunes emcees locaux, mais aussi des gros noms du hip hop : Swift Guad, 3ème Oeil, Kamnouze et Prince d’Arabee. On a pu échanger avec le 3ème Oeil, groupe Marseillais de la grande époque. Ils nous ont parlé de leur époque dorée, de la manière dont ils ont impacté le rap, ou encore de leur admiration pour Iam. Entretien :

Comment se sont passés vos débuts dans le rap ?

Joe Popo : C’était dans les années 1990’s. Boss One a grandi autour de la génération au dessus, notamment Iam, grâce à son frère qui était un danseur de Soulswing. J’avais déjà un groupe qui s’appelait “GSK”, on faisait des petites guinguettes, des scènes dans le quartier. On s’est rencontré avec Boss parce qu’on avait de la famille en commun.
Au début je regardais Iam avec les grands yeux, et je me suis retrouvé à travailler avec eux.

Les Marines américain ramenaient des cassettes à Marseille, et du coup vous étiez au courant des nouveautés avant même les parisiens, c’est ça ? 

Boss One : Oui, en plus on les voyaient arriver, avec leurs cassettes, leurs postes. Ils étaient trop stylés…

Joe Popo : Je m’en rappelle, petit, mes premiers mots anglais c’était “Mister give me the cap, give me the cap” (rires), et ils nous lançaient leur casquette. C’est bête mais avoir un truc américain ça représentait quelque chose.

Comment s’est faite la rencontre avec Iam ?

Joe Popo : A l’époque on faisait des open mic avec la fonky family au café julien…

Boss One : Et Iam a créé son propre label “Le côté obscure”. Ils ont décidé de faire un “côté obscure tour” et on était dessus. Ça a été le début d’une grande histoire.

Il y a aussi eu le maxi “America”.

Boss One : C’est notre première galette, ça a été fait par kif-kif production, le label d’Imhotep.

Joe Popo : Après ça on s’est vite retrouvé dans Sad Hill, ensuite le “côté obscure tour”, puis la tournée de l’école du micro d’argent, Taxi, un feat sur l’album de Shurik’n. Il y a tout eu d’un coup et tout s’emboîtait bien. On vivait ça avec la naïveté de jeunes de 23ans venant d’un quartier. Quand les gens en fin de concert te disait “on avait jamais vu une première partie comme vous”, ça veut dire qu’on a marqué les gens. Avec Iam, on a quand même travaillé avec le plus grand groupe de l’histoire du rap français.

“On vivait ça avec la naïveté de jeunes de 23ans venant d’un quartier”

Boss One : C’est pas du chauvinisme marseillais de dire ça. Si tu regarde en terme de carrière, en terme de fond. Les albums solos d’Akhenaton et de Shurik’n m’ont choqué.

Joe Popo : Déjà, Akh a fait découvrir l’histoire de Prométhée à beaucoup de gens.

Boss One : Quand t’écoutes “Un brin de haine”, tu te rends compte que le mec s’est creusé le cerveau.

Puis l’album “Hier, aujourd’hui, demain” en 1999 avec “hymne à la racaille”.

Boss One : Oui, on voulait dénoncer ce qui se passait dans nos quartiers et de l’autre côté rendre fier ceux qui y vivent pour piquer un peu les gens qui gouvernent la société.

Joe Popo : On était des militants. Tout à l’heure j’ai croisé quelqu’un qui m’a dit “20 ans après vous avez fait parti de ma vie comme si vous étiez des frères à moi parce qu’ à travers vos textes c’est comme si vous me parliez”. On a fait les choses sans s’en rendre compte, et comme on dit “les précurseurs sont toujours les plus mal payés” (rires). Mais on a pas fait ça pour être payé. Tant qu’on a laissé une trace à une génération, ça nous rend fier.


L’album “Le coeur ou rien” en 2002, avec le recul vous en pensez quoi ?

Joe popo : c’est un album qui a été travaillé par des incompétents, chez Columbia. Tu avais des directeurs artistiques qui voulaient être eux-même des stars. Pour moi, il n’y a pas eu le travail qu’il aurait fallu pour ce projet. Nous on était jeunes, et on comprenait pas trop.

Puis le street album “indomptable”.

Boss One : Je sais pas quoi te dire à propos de ça, limite je m’en rappelle même pas (rires).

Joe popo : En fait, on était pas entouré par des vrais gens ayant des compétences pour gérer des artistes. Mais ces aventures nous ont construis.

Qu’est ce qui fait que vous êtes toujours là aujourd’hui ?

On était juste des passionnés, on avait pas de plan de carrière, on a tout fait à l’instinct. Aujourd’hui on fait juste ce qu’on aime, tu sens que 20 ans après il y a des gens qui écoutent encore. On sait qu’il y a un public. Sans prétention je pense qu’on a marqué une génération.

“on avait pas de plan de carrière, on a tout fait à l’instinct.”

Récemment, vous avez découvert de nouveaux groupes sur Marseille ?

Joe popo : Il y a plein de jeunes qui arrivent et que les gens découvriront avec le temps.
Par exemple Loubar qui arrive à mélanger la trap avec des textes réfléchis.

C’est quoi votre actu ?

Boss One : Pour l’instant on fait pas mal de dates. A côté de ça on fait chacun des projets solos, moi je suis sur l’optique d’un album. J’ai fais aussi la “poignée de punchlines”. A la rentrée on va préparer 2 titres pour le groupe, et après on verra comment ça évolue. Le but c’est vraiment de se faire plaisir.

Joe Popo : Il faut aussi travailler différemment maintenant. Il faut pouvoir remettre l’image du groupe car on a été longtemps absent donc on envoie les sons au compte-goutte, avant de lancer un gros projet.

Pour finir, un message pour ceux qui commencent dans le hip hop ?

Boss One : Soyez-vous même. Ça peut prendre du temps mais il faut pas lâcher.

Joe popo : Innovez sans dénigrer.

Votre Top 5 des rappeurs américains ?

Boss one :                                                       Joe Popo :
Lady of rage                                                      Big Daddy Kane
Rakim                                                               Dr. Dre
Mobb Deep                                                        Snoop Dogg
Eminem                                                            Boss
Notorious Big


Propos recueillis par Mickael Sinixta & Simon Virot

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