Joyeux anniversaire à Big Noyd, l’enfant terrible du Queens!

Vous le savez, l’hyper concentration de MCs forts venant de New-York a rendu plusieurs artistes presque complètement anonymes en France. Parce que les médias musicaux français n’ont pas fait leur travail d’éducation pour le public rap, par exemple, qui s’est donc forgé sa propre culture avec les moyens qu’il avait à disposition. Du coup, on s’est débrouillé comme on pouvait, avec les disquaires qu’il y avait près de chez nous, mais tout le monde a forcément raté un artiste intéressant venu de NYC, tellement il y a eu de nouveaux gros noms dans les 90’s. Imaginez un peu qu’entre Big Pun, Mobb Deep, Nas, Jay-Z, Guru, Rakim, Notorious BIG, le Wu-Tang, Onyx, CNN, et tous leurs proches, ça faisait déjà une belle ribambelle d’œuvres incroyables à écouter.

Et nous, justement, on est un peu là pour ça, vous parler d’oeuvres et d’artistes qui n’ont pas forcément eu le rayonnement qu’ils méritaient. Et à New-York, à l’époque, il y en a énormément. Big Noyd fait partie de cette classe d’artistes un peu sous-estimés qui ont pourtant à leur manière contribué à faire avancer le mouvement Hip Hop. Notamment en défendant une vision un peu “fait maison” de la chose, en y intégrant un esprit de famille, celui qui est si représentatif des MCs du Queens à l’époque. Car Big Noyd, TaJuan Akeem Perry de son vrai nom, fait partie de la grande famille de Mobb Deep, ces fameux “Infamous” dont le nombre de featurings est très élevé dans ces années là.

Il a donc été un des acteurs de premier plan de l’explosion de ce type de rap, sombre, très gangster, parfois même un peu effrayant, mais surtout extrêmement technique et réaliste. Parfois très triste, souvent très dur, et parfois fait avec beaucoup d’insouciance et de spontanéité, le rap de Big Noyd et de Mobb Deep est un vrai petit morceau d’Histoire de la musique. Et comme il a exactement 43 ans aujourd’hui, on a voulu revenir un peu sur sa carrière assez chaotique.

Ecole du Queens

Big Noyd est un pur produit de l’école du Queens, qu’il a d’ailleurs un peu contribué à fonder, ou en tout cas à renouveler. Car sa première apparence notable dans le rap, c’est le morceau “Stopm’Em Out”, en featuring avec Mobb Deep justement, sur leur album “Juvenile Hell”. Chose amusante, il est le seul featuring du projet, car le groupe ne fonctionne qu’avec des gens qu’ils connaissent. C’est ça, cet esprit de famille dont on parlait tout à l’heure. Sur un morceau assez groovy, les MCs nous livrent un bel egotrip où ils décrivent leur mode de vie comme celui d’une meute de jeunes loups sauvages intestables : les plus charismatiques, ceux qui connaissent le plus de monde, qui sont le mieux armés et avec le moins de limites. Le cauchemar de l’Amérique, que Prodigy et Big Noyd incarnent à la perfection à l’époque.

Un esprit de famille qui va être au centre de son premier “album solo”, “Episodes of a Hustla”. On le met entre guillemets, car Prodigy et / ou Havoc sont en featuring sur 7 des 11 titres du projet. Un moment assez symbolique de toute la sphère Mobb Deepienne, en 1996, alors que le groupe mythique venait de gifler le rap US d’une claque dont il ne s’est jamais vraiment remis. Du coup, ils prennent le temps de donner de la force à leurs frères d’armes, ceux qu’ils croisent dans le quartier tous les jours, la famille. Et comme Havoc se charge de la plupart des prods pour ce premier projet de Big Noyd, on a droit à une vraie touche Mobb Deep, sur laquelle le rappeur débute son flow technique, affûté, et ses paroles violentes et explicites. Une sorte de frère de Prodigy, finalement (toutes proportions gardées évidemment), qui donne toute l’ampleur de son talent sur le même type d’instrus East Coast.

7 ans plus tard, en 2003, il nous livrera son album qui a le mieux fonctionné commercialement, “Only The Strong”. On remarque une vraie progression musicale, avec Havoc toujours très présent, mais qui partage la vedette avec The Alchemists. On a le droit à des prods un peu plus récentes, celles du début des années 2000, un peu moins jazzy parfois, mais le rappeur s’y sent très à l’aise. On retrouve donc de très bons titres, comme “Watch Out” ou “All 4 The Luv of The Dough” avec Prodigy. Il sortira ensuite trois autres projets, On The Grind”, “The Stick Up Kid”, “Illustrious”, et “Queens Chronicle”, en 2005, 2006, 2008 et 2010. De bons albums mais beaucoup moins que ses deux premiers, ce qui n’est toutefois ps important. Car si son album était bon, Big Noyd a surtout été une figure emblématique du Queens, faisant partie de la mythologie des rappeurs du quartier.

Thug Life, Infamous, et embrouilles de label

Car Noyd représente le Queens et cette époque magique dans toute sa “splendeur”, avec beaucoup de talent et d’imagination, et également de vieux démons de vie de rue qui l’auront par exemple poussé à être incarcéré à la sortie de son premier album. Peut-être une des choses qui expliquent que le projet ne se soit vend qu’à 30 000 exemplaires selon Prodigy. Un score incompréhensiblement faible au vu de la qualité de l’album. Ceci dit, ce score est un peu anecdotique : il fait partie de la galaxie du Queens et est sous l’aile de Prodigy et Havoc. Même si le public ne suit pas tout le temps, il est dans le game, il y participe à fond, et se fait encenser à chaque apparition “exposée” sur les projets du Mobb Deep par exemple. Le morceau “Right Back At You” en est un bel exemple, et surtout “Give Up The Goods”, les deux sur “The Infamous”.

La légende de Big Noyd raconte même qu’il aurait signé un contrat de 300 000 $ avec Tommy Boy juste grâce à son couplet sur “Give Up The Goods”. On ne sait pas si c’est vrai, mais après tout, à l’époque, plusieurs labels pouvaient se laisser tenter par ce genre de gros coup. Big Noyd, c’était un peu la folie du Queens, avec un tempérament difficile, une vraie attitude, qui lui a valu un beau rôle dans le film “Murda Muzik” tourné par Mobb Deep lors de la sortie de leur quatrième album. On voit Noyd déambuler aux côtés de G.O.D. Part. III et Twin Gambino. Le pitch est simple : l’histoire est celle de dealers de coke qui veulent se ranger pour se lancer à fond dans le rap, poussés par leurs parrains du Mobb Deep. Un vrai film de gangsters rappeurs, avec des fusillades, du cul, du trafic, des doudounes, bref, toute la panoplie. Le tout filmé avec une définition qui nous rappelle que la technologie a vraiment fait un bon en quinze ans…

Voilà, vous aurez compris que Big Noyd n’a as tellement marqué les esprits à lui tout seul. Mais pas besoin de ça pour marquer l’Histoire du Hip Hop, il suffit simplement de faire partie d’une aventure plus grande. Les Infamous du Queens, c’était un peu ça : une grande aventure. Semée d’embûches, pour Big Noyd, qui a dû faire face à de gros problèmes avec ses labels, notamment Landspeed Records, qu est tombé en faillite lors de la sortie de son deuxième album, mais aussi avec son premier label Tommy Boy, avec plusieurs embrouilles mémorables. Du coup, il aura fini par aider à fonder une structure qui lui correspond : Noyd Inc, en 2007. Voilà qui était Big Noyd, un très talentueux rappeur du Queens, qui n’avait peut-être pas l’aura nécessaire pour être une idole comme Prodigy, mais qui arrivait presque à lui voler la vedette sur certains feats. Et ça, peut de gens peuvent s’en vanter. Alors pour toute son oeuvre, on souhaite un joyeux 43ème anniversaire à Big Noyd ! Il a d’ailleurs participé aux concerts de Havoc qui ont suivi la mort de Prodigy, preuve que les années n’ont rien effacé des liens tissés par cette folle aventure des gars du Queens. Et ça, c’est le hip hop.

Rémi
Rémi

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