Donda : critique autour du nouvel opus de Kanye West

Kanye West a sorti son dixième album « Donda » le 29 août 2021. Pour cette sortie mêlant rap avant-gardiste, félicité religieuse et vie identitaire, le rappeur de 44 ans n’a pas changé son fusil. Et pour rappel, ses dernières années ont été marquées par son soutien au côté de Donald Trump, ses idéologies religieuses et sa candidature présidentielle mitigée. On pourra à cet effet déduire que, pendant ces moments, il ne s’est pas suffisamment intéressé à la production musicale (hormis le service du dimanche).

En ce sens, le lancement de ce nouveau disque devrait être la marque d’une nouvelle ère pour le « King of pop » autoproclamé. Cependant, elle est jalonnée de plusieurs pépites relevant des critiques. Tentative d’analyse de « Donda » en quelques grands points.

Kanye West dévoile Donda, une sortie très compliquée

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Donda est sorti au terme d’une série d’attente et de multiples reports de date de lancement. En effet, cette attitude consistant à créer du battage médiatique autour de l’album n’est pas de nature à honorer les fans. Une fois encore, il s’agit tout simplement de la démesure dont l’ex de Kim Kadarshian a toujours fait montre. Pour rappel, il a organisé trois différentes séances de préécoutes devant un public dans des stades pour ce même opus.

En effet, ce qui retient particulièrement l’attention des fans et internautes, c’est le silence spectaculaire de l’homme d’Atlanta. Il n’avait lâché aucun mot. Pour les trois différents événements d’écoute, le rappeur a gardé un masque : pas de visage, pas de mots à dire. Il se tenait juste là à danser, faire de pompes ou s’immoler devant les fans qui découvraient certains de ses couplets.

La seule fois qu’on a pu le voir sans cagoule, c’était avec son ex-épouse. Avait-il peur de verser dans une voie d’autodestruction au sujet des différentes déclarations publiques ou de ses apparitions inhabituelles dans la presse ? Ce fait a de quoi interpeller l’attention de ses fans. Même en étant au cœur du sujet de divorce avec Kim, l’artiste a préféré faire taire tout ce qu’il avait à dire. Peut-être, voudrait-il laisser «Donda », le nouvel album parler à sa place.

Kanye West est un roi de la Com

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La sortie de Donda a réussi à surprendre tout le monde. Plusieurs fois annoncée, West a gagné le pari de « l’As de l’attente » à travers tout son battage médiatique. À ce sujet, Rick Ross a donc raison d’avouer que notre féru du gospel « excelle dans l’art de bien communiquer ». Pour rappel, il avait déjà commencé la promo de cet album dès le 13 juillet sur Twitter. L’artiste a d’abord diffusé un extrait de l’opus.

Il s’agit notamment du titre ayant servi de piste introductive : Donda chant. Sur cette chanson, c’est la voix de sa mère disparue qu’on entend psalmodiant son nom « Donda ». Après ce teasing, les trois séries de reports de la date du déploiement ont été un véritable maillon dans la communication de Kanye.

Kanye West s’est écarté du thème central malgré sa communication

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À l’origine, lorsque Ye annonçait pour la première fois la sortie de l’album en question en 2020, on comprenait qu’il s’agit d’un hommage vibrant à sa mère Donda West. Même s’il a pu tenir sa promesse à travers de nombreux titres de ce disque, certaines de ses collaborations donnent à réfléchir dans l’univers du rap game américain.

En effet, West est un As des featurings et personne ne lui discute ce titre. La preuve, la majorité de ses amis a été présente sur ce disque pour y apporter une plus-value. Il s’agit notamment de Jay-Z, The Weeknd, Travis Scott, Lil Durk, Kid Cudi, Pop Smoke, Lil Baby, Chris Brown, Marilyn Manson ou encore DaBaby. C’est justement son featuring avec les deux derniers artistes évoqués sur le morceau Jail pt II qui laisse une polémique.

À titre informatif, ces artistes en question ont véritablement fait parler d’eux sur les réseaux sociaux pour certaines frasques. Pour DaBaby, il s’agit des propos homophobes et sexistes qu’il a tenus lors de l’un de ses concerts cet été. Ce comportement a conduit à sa déprogrammation de nombreux festivals. En ce qui concerne Marylin Mansou, il est accusé des agressions sexuelles.

Outre la collaboration avec les deux artistes susmentionnés, le featuring de West avec Chris Brown dans le supposé album dédié à sa mère fait naître également une polémique. Sachant très bien que son collaborateur a été condamné pour des coups de blessures sur la diva Rihanna, Ye est mal vu pour l’apparition de Chris Brown dans « Donda ». S’agit-il d’un inconvénient du prolongement répétitif du lancement de l’opus en question ?. Comment peut-on expliquer cette provocation ? Ye veut-il ouvrir une nouvelle réflexion sur la cancel culture ?

Pour certains fans, son objectif serait de faire à nouveau du battage médiatique. D’autres osent signaler que c’est sa personnalité borderline, bipolaire qui lui jouent des tours. Quel que soit le motif, sa mère n’aurait pas apprécié sa décision de faire apparaître des artistes à l’origine de telles controverses dans un opus dédié à sa personne.

Kanye West met toute son identité au sujet de son art dans « Donda »

Sur cette endurance musicale de 108 minutes, Ye n’a pas hésité à associer toute son identité et toute sa personnalité. En effet, on comprend qu’il s’agit d’une longue confession de l’artiste sur la religion, la rupture amoureuse (les références de son ex-épouse Kim sont légion), la souffrance, le jugement des autres, le pardon et la perte d’un être cher.

Ce n’est donc pas pour rien que le rappeur américain a intitulé son album en référence au nom de sa mère « Donda ». « Donda West, sa mère qui est morte en 2007, donne au disque son titre et son ouverture où elle psalmodie elle-même son nom », explique The Times. Pour rappel, la mère lui avait déjà inspiré un disque du même esprit et ce dernier a été le plus touchant du rappeur jusqu’à ce jour. Il s’agit notamment du chef-d’œuvre « 808s& Heartbreak » sorti en 2008.

Donda est une confirmation que la foi l’habite toujours

Le Yeezus ne laisse rien au hasard dans ses actions. Pour rappel, « Donda » a été lancé un dimanche. En écoutant cet album, on se rend compte que ce choix n’est pas du tout anodin. Ye a accordé une valeur inestimable à ses valeurs religieuses. Pour une fois encore, le rappeur désirant devenir Jésus trouve une place majeure à la religion dans nouveau magnum album.

En termes clairs, on y voit des synthés et la production qui côtoient les chœurs et les accords d’orgue de la messe. De même, cette œuvre collective est jalonnée des « alléluias » et des citations bibliques. C’est la preuve que l’ex-kid de Chicago n’a jamais caché sa foi chrétienne. Les titres de ses albums en sont une preuve palpable. Il s’agit notamment de « Yeezus » (2013) et « Jesus is King » (2019). 

Sur cette nouvelle sortie baptisée du nom de sa défunte mère, les paroles mêlant prêche et folie douce sont légion  (« Je parle à Dieu quotidiennement, c’est mon grand pote » ou « J’étais à vendre, mais je ne pouvais pas le dire/Dieu a fait pleuvoir, le Diable a fait l’enfer»). Pour confirmer tout ceci, Kanye West a nouvellement engagé une procédure au tribunal de Californie pour changer son nom en « Ye », un terme biblique qui signifie « Vous ».

Par ailleurs, si notre chanteur ne s’adresse pas à Dieu dans un titre de cet album, c’est plutôt les références au divorce en cours qu’il multiplie avec sa folie douce. Sans nul doute, il fait allusion à sa situation maritale avec Kim Kadarshian. Tous ces faits réunis constituent une preuve vivante de ce que l’opus n’est qu’une partie de son identité.

« Donda » : les fruits ne semblent pas tenir la promesse des fleurs

Album de l’été, la sortie de « Donda » a tenu le public en haleine comme rarement, que cela soit du côté des fans ou celui des détracteurs. Cela est dû en l’occurrence à l’envol médiatique qui paraît singulier. Dans ce registre, cet opus est espéré comme grandiose à l’instar du « genou ye » en 2018 et « Jesus is king » en 2019.

En effet, même si le Yeezus a pu tenir le pari des chiffres dans la première semaine, des opinions moins reluisantes ont glané sur ces 108 minutes de musique. Dans cet ordre d’idées, Charlemagne Tha God, tête en lard en chef du journalisme rap us a peut-être mieux fait de cracher sa déception en qualifiant cet opus de «terne ». Ce dernier a certes apprécié certains morceaux comme Jesus Lord, PT.2, mais il est clair que le rendu, dans son ensemble, ne l’a pas séduit.

« Kanye est peut être épuisant. Je pense que s’il avait limité Donda à 12-13 titres, ça pourrait être un grand album. Mais 27 morceaux avec toutes les parties deux, une heure et 48 minutes, c’est trop long et ça traîne », a lâché le journaliste.

Pour The Ringer, le constat semble le même. À travers ces affirmations, on comprend sa décision de « ne plus vouloir écouter le nouveau Donda, ni même ne serait-ce qu’y penser, pendant au moins quelques semaines ».

Plus amer, le Los Angeles Times reproche à ce disque d’être un amas de pensées disparates sur sa mère, son divorce, sur Dieu, sur la bipolarité, etc. Pour lui, « Donda existe pour maintenir le statut de son auteur, pour que l’on continue parler de lui tandis qu’il prépare sa prochaine collection de vêtements ou concocte en coulisses son rabibochage avec Kim Kardashian sur TMZ. »

« Donda » n’est noté que d’un 06/10 de la part de Pitchfork

En communiquant autour de son album, Kanye West pensait peut-être asséner un coup solide. Malheureusement, l’artiste américain reçoit une douche froide de critique plus sévère que les précédentes. Le grand magazine de référence de la musique « Pitchfork » a en effet donné le coup de grâce en notant l’opus de Ye. Il lui attribue une note de 06/10 avant de laisser l’information suivante sur son site :

« Le 10ème album de Kanye West arrive sans presque avoir terminé (…)La musique de Kanye-qui a une fois dit que l’esclavage était un choix, qui a tweeté que Bill Cosby était innocent — qui a révolutionné le rap n’a pas fait un bon album en cinq ans (…) Comme tous les albums sortis sans l’accord de l’artiste, Donda n’est pas achevé. Long de 1 h 48, il comprend des moments euphoriques qui manquent de lien. »

Cependant, le magazine attribue une note de 06,5/10 pour le deuxième album « Peppa’s Adventures » du personnage Peppa Pig. Très tôt, cette dernière n’a pas hésité à tourner cette réalité en dérision sur son compte officiel twitter : « Peppa n’a pas eu besoin de présenter des listenings party dans les stades pour obtenir ce 0,5 », a lancé l’héroïne du dessin animé pour enfants.

Connaissant Kanye West, c’est un peu humiliant pour un opus aussi attendu et discuté de recevoir un tel traitement. Pour la plupart des fans, les hauts de l’album ne valent pas les hauts de ces sorties précédentes. Le contenu n’est donc pas suffisant pour renouer avec ses gloires du passé.

Un album passionnant et historique par-dessus tout

Composé de différents titres, on peut dire que cet opus est à quelques exceptions près, à la hauteur des différentes frasques qui l’ont précédé. Cela se traduit non seulement par la liste d’invités pharaonique, mais également par le contenu musical qui se veut être singulier.

Le chanteur du seigneur nous offre un opus alternant les expérimentations audacieuses et les mélodies plus évidentes. Par exemple, les titres comme New again, Pure Souls ; Believe What I Say… résonnent comme des classiques. Bref, vu toute l’influence médiatique autour de cette sortie, elle sonne pour Kanye West comme étant son album le plus passionnant.

Pour bon nombre des internautes, on n’aura pas de meilleures productions rap en 2021 comme le fameux et ambitieux « Donda ». Sauf si d’autres légendes du game lancent un disque incroyablement inventif et révolutionnaire avant 2022.

En gros, « Donda » est un opus à l’image de la folie de Kanye West. En dépit de toute analyse au sujet de son aspect autocentré, hypertrophié, ce  disque légendaire reste une création passionnante.

Ambro Ola
Ambro Ola
Titulaire d’un diplôme en linguistique anglaise, je suis web rédacteur, content-manager. Je nourris une passion toute particulière pour l’art_ la poésie et la musique en l’occurrence. Bercé dès le jeune âge par les vers renversants des légendes du hip-hop tels que Eminem et Youssoupha, j’ai nourri très vite et mûri en grandissant, une forte affection pour le rap, la parole vivante, qui sait se faire tendre, instructive ou agressive. Retrouvez moi sur Twitter ou Linkedin !

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