Lasco (LTF) l’interview : “Quand on sort de la masse, ce n’est jamais lié au hasard”

INTERVIEW

Lasco fait partie de cette nouvelle génération qui redonne vie au rap français. Avec son crew Les Tontons Flingueurs, il s’attache à kicker avec technique et justesse tout en s’affranchissant des codes traditionnels. Il n’hésite pas à explorer différents univers musicaux, entre introspection et performance. Entretien avec une pépite à suivre du rap :


D’abord, peux-tu te présenter ?
Lasco, je viens des Lilas, j’y suis né et j’y ai vécu toute ma vie. J’ai beaucoup déménagé, de quartier en quartier, mais je suis toujours resté aux Lilas. Sinon j’écris depuis très longtemps mais je rap vraiment depuis que j’ai 14 ans, en tout cas c’est à cet âge que j’ai commencé à présenter et formater ça comme des textes de rap.

Comment vous-êtes vous rencontrés avec ton groupe Les Tontons Flingueurs ?
Via le rap, on fréquentait les mêmes secteurs, on était tous des potes de potes. Par la suite, on s’est dit que quand on rappait ensemble il se passait vraiment quelque chose, donc on a décidé de former LTF. Maintenant on est plus une famille qu’un groupe de rap.


Te lancer dans un projet solo c’était une façon de faire ce que tu voulais musicalement, sans contrainte ?
Je n’ai pas spécialement l’impression d’avoir des contraintes quand je fais ma musique en groupe. Même si parfois on a pas la même vision des choses, musicalement c’est intéressant pour moi de prendre des risques. Mais c’était une évidence de faire un projet solo parce que j’avais envie de voir ce que je pouvais produire en étant seul.

Sur « Le blood » tu développe un univers assez mélancolique, t’es comme ça dans la vie ?
Il y a une mélancolie mais je pense que ça ne définit pas l’univers en tant que tel. Il y a clairement une partie sombre qui ne cesse d’exister, même dans les moments où je suis heureux. J’essaye d’ailleurs de préserver mes proches de ce côté là. Si je devais définir le projet, de par son nom, cela représenterait mon sang et donc qui je suis en tant qu’être humain. On pourrait évidemment y retrouver de la mélancolie. Mais mon sang c’est aussi mes proches, les gens avec qui je grandis au quotidien. Et le troisième niveau de lecture c’est le sang qui représente là où je vis, ma ville, les Lilas, là où moi et mon blood on évolue.

“Le blood ? ça représente mon sang, mes proches, mon quartier”

Tu varies beaucoup les styles dans “Le Blood”, tu pense t’orienter vers un en particulier pour la suite ?
J’ai aucune volonté de m’orienter vers un style pré-définit. Je fais ma musique à l’instinct, spontanément et sur le moment. Je ne m’impose aucune limite ni aucun objectif en particulier. Je pense d’ailleurs que ça se ressent dans mon projet. Chaque morceau a sa musicalité propre, aucun morceau ne se ressemble. Tu peux aussi bien retrouver un titre kické comme « Pochtar », un morceau avec des sonorités dancehall comme « Coquillages » et un titre beaucoup plus sombre comme « Zouk »


Ou pioches-tu tes influences ?

Je pense qu’on ne peut pas choisir ce qui nous influence. Le fait que j’écoute énormément de choses différentes amène beaucoup d’influences inconsciemment. Et ça ne s’arrête même pas au niveau de la musique. Tout peut m’inspirer : une photo, un film, un paysage, une histoire qu’un pote me raconte, une scène que je vois au quartier, une atmosphère en fait. Si je peux te donner un exemple, j’ai voyagé pendant 3 mois aux Etats Unis, j’étais beaucoup sur la route lorsque j’étais sur la côte ouest, ce que j’ai pu voir et vivre à ce moment là m’a beaucoup influencé et inspiré notamment dans l’écriture des couplets de « Mamma mia ».

On sent que d’un côté tu aimes ton quartier mais de l’autre tu te sens enfermé dedans, tu nous en dis plus sur ce paradoxe ?
Ce paradoxe existe clairement, oui. C’est le syndrome de Stockholm, t’es en quelque sorte « enlevé » par ton quartier et tu finis par t’attacher. Tout le monde le représente mais tout le monde a envie de le quitter. C’est un paradoxe qui est propre à l’être humain et auquel je n’échappe pas. J’adore les Lilas, ce que cette ville représente, les gens qui y vivent mais d’un autre côté je fuis la routine, le quartier et tout ce qu’il a de désavantageux, le vice… Je pense qu’on ne peut pas être heureux et accompli dans sa vie sans avoir voyagé.

“Tout le monde représente le quartier mais tout le monde a envie de le quitter”

Tu joues pas mal avec les allitérations, c’est important pour toi d’en faire ou c’est plus du bonus comme un jeu d’écriture ?
C’est mon équipe [LTF] qui m’a orienté vers une technicité plus précise et plus accrue. Je pense que la forme est importante, mais qu’elle ne doit jamais prendre le pas sur le fond. La technique, c’est ce qui me plait musicalement. Je vois les allitérations comme des sonorités intéressantes, le but c’est que ça sonne bien. Tout se fait de manière très instinctive.

On fait comment pour se démarquer aujourd’hui dans la masse de rappeurs ?
J’essaye de ne pas me positionner par rapport aux autres. Je pense que tout se mérite et tout est mérité. Lorsque que quelqu’un sort de la masse, contrairement à ce qu’on pourrait croire, ça n’est jamais lié au hasard. Il faut beaucoup de travail, être entouré des bonnes personnes, être passionné et croire en soi et en sa musique. Briser les codes c’est une manière de se démarquer. Depuis toujours, ceux qui ont fait ça ont marqué l’histoire de la musique.


La suite c’est quoi ?
Il y a un premier vrai projet de groupe avec LTF qui arrive et je vais encore sortir des trucs en solo. J’ai des nouvelles idées, des sonorités que j’aimerais bien essayer, je ne m’arrête pas d’écrire. J’ai envie d’avoir accès à des nouvelles possibilités musicales. Je veux avoir encore plus d’impact sur ma production, travailler de plus près et en partenariat avec chacun des maillons de la chaîne, que ce soit les beatmakers pour les productions, les ingénieurs du sons pour le mix et le mastering et les réalisateurs pour les visuels.


Son projet “Le Blood” est à télécharger gratuitement ici : http:/leblood.fr/

 

Sim
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