Rencontre avec Swift Guad : “La trap permet d’explorer un horizon plus large”

INTERVIEW

Samedi dernier se tenait une grosse soirée Hip Hop au Rex à Toulouse. Le So Fresh Time #14 accueillait des jeunes emcees locaux, mais aussi des gros noms du hip hop : Swift Guad, 3ème Oeil, Kamnouze et Prince d’Arabee. On a discuté avec Swift Guad, le rappeur de Montreuil, à propos de son évolution artistique, de son dernier album “Masterpiece” avec Mani Deiz et de ses prochains projets surprenants.

Tu nous racontes tes débuts dans le hip hop ?

J’ai commencé par faire des instrus vers 1999-2000. Puis je me suis mis à écrire petit à petit mais c’est venu bien après. Mon premier projet en tant que rappeur c’était une mixtape fin 2007, et depuis j’ai sorti 11 projets au total.

Montreuil c’est un style de rap, de vie ?

C’est sûr. Il y a un argot propre à cette ville. Ça touche Paris, mais c’est vrai que tu sens qu’il y a une mentalité à part. D’ailleurs Azrock a été le premier à faire un son sur le langage de Montreuil qui s’appelle « Montreuil langage ».

Parle nous de l’album « Hécatombe » sorti en 2008 ?

C’était mon premier album donc je voulais marquer le coup en invitant des gens que j’estime. Il y a eu Seth Gueko, Ol Kainry, mais aussi des ricains comme Twin Gambino et Infamous Mobb. Je voulais me faire plaisir. Ce qui tombait bien c’est qu’à cette époque je faisait la première partie de NTM à Bercy quand ils se reformaient, vers septembre [2008] donc ça m’a fait la meilleure promo possible pour lancer l’album, on pouvait pas rêver mieux. Ça a été le début de tout.


EN 2010, tu sors “C.P.C.D.M.C” (Conçu pour casser du MC).

C’était une sorte de compilation avec le souhait de ramener beaucoup d’invités, parce que c’était les débuts du Narvalo Club et City Show, et donc il y avait pas mal de gens présents au Narvalo City show qui sont apparus dans cette mixtape. Mais c’était pas vraiment pour casser du Mc (rires) juste pour rapper vénère. Le concept de la mixtape pousse les mecs à se dépasser.

Puis arrive “Hécatombes 2.0” en 2011 ?

Oui. A la base c’est un album qui devait pas sortir. J’avais signé sur le label de Zoxea, KDBZik, et on devait sortir cet album avec une maison de disque mais tout ne s’est pas passé comme prévu, donc j’ai décidé de mon propre chef de récupérer une partie des sons et de les sortir sous forme d’un album. J’ai eu la volonté d’inviter des gens que j’apprécie comme Raekwon du Wu-tang Clan. Ça c’était un kiffe de gamin, un rêve de gosse que je me faisais de faire un son avec un gars du Wu Tang.

“C’était un rêve de gosse de faire un son avec un gars du Wu Tang”


Viens « Vice et Vertu » ?

Le virage artistique. Le Passage à la trap(pe) (rires). Au bout d’un moment j’avais envie de faire autre chose, je tournais un peu en rond. Donc je voulais m’amuser un peu et faire un truc plus léger. Donc ça a commencé avec « Icare » et aujourd’hui ça s’arrête plus.

La façon dont « Icare » a été accueilli tu en penses quoi ?

Peut-être que j’ai été un peu trop radical. C’est vrai que pour le public habitué à hécatombe et à Narvalo tape je peux comprendre qu’il se soit senti un peu brusqué. Mais c’est que de la musique et il faut faire preuve d’ouverture d’esprit. Quand tu comprends que dans ton ancien public il y a des gens très fermés, ce public là tu n’en veux plus. Donc je regrette rien.

 

Tu continue avec « La chute des corps » et le clip « tout s’arrête ».

C’est l’aboutissement de la collaboration avec Tony-O (beatmaker) qui était un peu mon DA à l’époque. Même quand je fais de la trap ça reste bre-son (rires). “Tout s’arrête” c’était aussi la première collaboration avec le réalisateur Myo Sis avec qui je bosse maintenant pour quasiment tous mes clips, donc c’est un morceau qui marque un tournant, surtout au niveau du visuel.

“Masterpiece” est ton dernier projet sorti fin 2016. Avec Mani Deiz tu reviens dans un esprit Boom bap ?

De ce que les gens connaissent, mais je peux vous dire que Mani fait des gros beats trap, bientôt les gens le sauront (rires). « Masterpiece » c’était pas prévu du tout. C’est un pote en commun qui a émis l’idée. On a fait plein de trucs ensemble et on a jamais fait d’album commun et je sais que Mani Deiz aime bien travailler comme ça donc on s’est lancé. Après, il nous fallait une thématique donc on est parti sur : ambiance Mobb Deep !

Avoir un seul beatmaker, ça te permet de donner une identité à l’album ?

Oui. A la base j’étais pas fan d’avoir une seule couleur, mais c’est clair que Mani a un style très prononcé qui est reconnaissable. Après on ne s’est rien imposé, il m’a envoyé des prods et j’ai kické ce que j’aimais. Et ça été super vite, on a enregistré l’album en 2/3 jours. Peut-être que si ça avait été plus long on l’aurait pas fait.

Il y a beaucoup d’invités dessus, pourquoi ?

En fait généralement tu fais les featurings à la fin et c’est ça qui te fait galérer, c’est pour ça que les albums de rap français sortent toujours en retard (rires). Donc je me suis dis que maintenant j’allais commencer par les feats. De fil en aiguille t’en fait 1,2,3,4…5. Du coup pour le prochain projet il y a quasiment que des feats.

« Masterpiece » a été bien accueilli  ?

Oui, et puis il s’est bien vendu faut pas avoir honte de le dire. Et ça m’a réconcilié avec une partie du public que je m’étais mis à dos. Mais faut pas qu’ils s’habituent trop (rires), parce que j’explore plein de choses et je ferais jamais 2 albums identiques d’affilée. On fera peut-être un « Masterpiece 2 » mais ça ne sera pas tout de suite.

“Masterpiece m’a réconcilié avec une  partie du public que je m’étais mis à dos, mais faut pas qu’ils s’habituent trop”

Le fait de travailler avec un seul beatmaker tu l’as fait juste parce que c’était Mani Deiz ?

Non j’aurais très bien pu faire ça avec Al Tarba par exemple. Pour Vice & vertu 3 c’est Blixx [Macleod] qui a produit quasiment tout les sons. En parallèle je commence à bosser avec un jeune beatmaker, avec qui ça va surement finir en EP 6/7 titres. Je ne suis pas réfractaire à ça, mais c’est vrai qu’avant j’avais mis un point d’honneur à ce qu’il y ait de la variété.

Dans« testament » tu critique le rap, c’est vraiment ta façon de voir les choses ?

Le truc particulier c’est que c’est un son que j’ai écris il y a 10 ans, qui à la base s’appelait « le rap est mort ». C’était un désir de le ressortir, mais quand je l’ai écris le contexte était différent d’aujourd’hui donc il peut y avoir quelques contradictions, même si ça n’a pas tant changé que ça. Le rap est mort ? Non, le rap ne fait que vivre, au contraire il se porte plutôt bien. Aujourd’hui c’est une des musiques qui se vend le mieux. C’est une contre musique devenue musique à part entière et qui est totalement acceptée, c’est juste plus la même chose. On l’écoute peut-être plus pour se divertir.

« A force d’essayer je vais bien finir par faire des classiques » tu penses pas déjà en avoir ?

C’est une façon de parler, pour se motiver. Maintenant quand on te dit que t’as fais un classique et que t’es une légende ça veut dire « t’es un vieux dont la carrière est terminée » donc je veux pas rentrer dans cette case tant que je continue à faire du rap, je préfères me dire que j’essaierais toujours d’en faire.

« Vice & Vertu vol.3 » ça en est ou ?

Ça avance. Il y aura 2 albums qui vont sortir le même jour. Un vice, un vertu. En invité on a déjà Ixo, Seth Gueko, Iron Sy, Laylow, Lacraps, Usky, Nusky, Starline, la race canine… Bref beaucoup beaucoup de monde. On va lâché 3, 4 clips bientôt.
[Chose promise chose due puisque le clip “Sale Histoire” est sorti ce lundi]

La différence entre la version vice et la version vertu ?

Moi-même j’ai du mal à faire ma sélection. Il y aura quelques sons dansants, plutôt dans la vertu. Et les gros sons vénères comme celui avec Iron Sy, c’est sûr que ce sera dans le « Vice » (rires).

En terme de trap, qu’est-ce que tu écoutes ?

Je suis arrivé à ça par les lyrics en fait, en écoutant des mecs comme Lil Wayne, c’est là que j’ai compris que le mec était très chaud et qu’ il n’y avait pas de format imposé.
J’ai toujours kiffé les gars qui avaient des techniques comme Busta Rhymes. La trap c’est un beat plus lent donc ça permet de faire plus de placements, de débits, de flows, de pauses… Ça permet d’explorer un horizon plus large et c’est en ça que ça m’a plus.

Tu as dis que tu veux aller vers autre chose que le rap, c’est à dire ?

Effectivement je prépare tout un album « Ceci est mon sang » et c’est plus du tout du rap. On va dire que c’est électro-acoustique. Ça va être de la chanson française avec des couilles et du rythme (rires). La chanson française a perdu ses couilles et je trouve ça un peu déplorable. Moi je viens des Gainsbourg, Balavoine, Michel Berger, des gens qui avaient une plume d’enculé. Maintenant faut que ça soit des rappeurs qui se mettent à la chanson pour ramener ça, moi je le ferais c’est pas grave.

“Ceci est mon sang ? de la chanson française avec des couilles et du rythme”

Un message pour ceux qui commencent dans le hip hop ?

Soyer curieux, n’écoutez pas ce que les gens disent. On a remarqué que ceux qui explosaient c’est ceux qui se faisaient le plus vanner, donc faites vous vanner, c’est tout ce que je vous souhaites (rires).

Ton top 5 rappeurs US ?
Busta Rhymes
Lil Wayne
Mobb deep
Warren G
Wu Tang Clan

Ton top 3 album rap US ?
Tha carter III
Hell On earth
Extinction Level event

 

Propos recueillis par Mickael Sinixta & Simon Virot

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