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Classique : ”We Gonna Hill” de DJ Premier et Blaq Poet

Il y a quelques temps, on vous parlait du titre de Blaq Poet en featuring avec N.O.R.E, ”Hate”. Un morceau classique, qui revenait sur un des fléaux qui touchaient les ghettos américains, celui de la haine, qui fait que les noirs se font la guerre entre eux pendant que les riches des USA prospèrent tranquillement. Mais Poet n’a pas livré qu’un seul classique. Pour celui d’aujourd’hui, on va se pencher sur un autre son, avec toujours DJ Premier à la prod.

Cette fois, il s’agit de ”We Gonna Ill”. Un titre qui ne figure sur aucun album de Blaq Poet, puisqu’il est à ‘époque sorti uniquement en formats vinyle et single, en 2004 et 2005. Il apparaît par contre sur l’album de DJ Premier ”Rare Play Volume One” sorti en 2008, qui regroupe les plus belles prod de Primo dans un seul disque. Pourtant, Blaq Poet n’est pas une star de New-York, même si il est très respecté par le game. Il ne jouit pas de la reconnaissance d’un Nas, Jay-Z, Guru ou Prodigy, avec qui Primo a l’habitude de travailler. Mais il est vrai que ce son a quelque chose de magique.

Une instru parfaite ?

Et s’il y a bien quelque chose de magique dans ce titre, c’est d’abord la prod. Elle vous fait hocher la tête, et si vous êtes déjà dans l’univers hip hop, vous avez l’impression de prendre le metro dans un quartier déshérité de NYC avec les ”projects” qui défilent. Un peu de mélancolie, mais surtout, beaucoup, beaucoup de motivation et de détermination dans cette instru. Pourtant, il y a très peu de notes, 4 ou 5 tout au plus, avec une ligne de percussions assez basique.

Mais c’est justement ça qui en fait toute la magie. Derrière ce minimalisme ”simpliste” apparent, qui a longtemps été la règle dans le rap de New-York, se cache tout un travail de création et de sens de la mesure. Observez déjà les ”breaks” dans l’instru : les notes sont les mêmes, mais elles ne sont pas jouées aussi longtemps, et certaines sont plus courtes que d’autres. Ces ”pauses”, calées en rythme avec les percus, créent toute la magie du son.

Si on ajoute à ça le refrain tout en scratchs made in Primo, avec une phrase de Prodigy, et une autre de Busta Rhymes, on obtient le parfait morceau new-yorkais dans le style le plus traditionnel. Et tout ça est possible,en grande partie, grâce à la fameuse MPC60, outil de prédilection de DJ Premier, avec lequel il composait les trois-quarts de ses instrus. Si vous ne savez pas à quoi à ça ressemble, on ne va pas vous blâmer, mais vous devez rapidement regarder les premières secondes de ce clip pour voir Primo à l’œuvre sur son instrument. Si le modèle n’est pas exactement le même, vous en aurez au moins un aperçu.

Blaq Poet, un vrai MC

Car Primo l’a déclaré dans plusieurs entretiens, il est d’abord sensible à la voix chez les artistes avec qui il travaille. Ce qui explique, notamment, les nombreuses collabs avec Big L, Nas, ou encore Guru évidemment. Blaq Poet est de cette trempe là, véhiculant un vraie détermination, une vraie énergie à chacun de ses mots. Et réduire le Poet à cela serait lui manquer de respect : sa manière de poser son flow sur cette instru minimaliste mais pleine de breaks, sans donner l’impression de simplement déblatérer, est une vraie performance.

Au niveau des paroles, on n’a pas là le meilleur texte de Poet, mais plutôt une sorte d’egotrip assez street et dirigé en partie contre les majors, avec toujours évidemment cette volonté de représenter la ”mentalité de Queens”. En gros, il remercie le Queens de lui avoir donné autant de style et de maîtrise du hip hop, en comparaison aux faux signés en major. Mais c’est surtout sa qualité d’ambianceur qu’on admire ici, avec cette façon de se placer sur l’instru, pleine de rage.

Bref, une belle illustration de la complémentarité beatmaker / rappeur à l’époque, un duo qui ne peut pas être séparé, n’en déplaisent aux médias qui oublient souvent de rendre hommage aux beatmakers, bien trop invisibles. Ça n’est toutefois pas le cas pour DJ Premier, lui qui est encensé depuis presque 30 ans par toutes les générations confondues. Et au vu de ce classique, on comprend pourquoi !