”The Reunion” de Capone-n-Noreaga, un classique ?

Le rap New-Yorkais des années 90 est une vraie pépinière, et si on fouille un peu, on a l’impression que chaque groupe ou chaque rappeur a sorti au moins un excellent album, sinon un classique. Des références, il y en a par milliers, et ça a comme effet que certains sont un petit peu oubliés au profit des plus grosses stars : Jay-Z, Nas, Biggie, Mobb Deep, le Wu, etc… En terme de notoriété, CNN, ou Capone-n-Noreaga arrivent bien derrière leurs collègues cités juste avant. Pourtant, le duo n’a pas grand chose à envier à ses homologues, et même si ce sont certainement moins des génies de la musique que ceux-là, CNN a marqué l’histoire du rap et du rap New-Yorkais.

Cinq albums à leur actif, notamment leur premier ”The War Report”, le plus connu, et le second ”The Reunion” dont nous allons vous parler aujourd’hui. C’est un peu compliqué de lui attribuer le terme ”classique” d’office, car il est tout de même un peu moins bon que leur premier. Mais il a eu ne énorme influence dans le rap new-yorkais, notamment dans le passage de l’ancienne génération ”Nas / Mobb Deep / Wu” vers la période un peu plus ”50 Cent / G Unit”.

Et le contexte est également important, puisque ce deuxième album s’est fait grâce à la sortie de prison de Capone. Sa deuxième sortie de prison depuis ses débuts dans le rap, d’ailleurs, et toujours pour les mêmes histoires de stupéfiants mentionnées dans le morceau ”T.O.N.Y.”. Le ton de l’album est donc à mi-chemin entre la célébration, et également leur côté très gangsta : il faut reprendre notre terrain qu’on a perdu, pendant que le soldat était en prison. D’autant plus que Noreaga, de son côté, a sorti un album solo un peu raté.

Le changement de visage de la East Coast

C’est bien entendu ce qui fait que ce disque est très particulier. CNN va vraiment participer à un changement profond d’identité dans le rap new-yorkais, qui va progressivement laisser de plus en plus de places aux ambiances très gangstas, avec beaucoup de ”bangers”, là où Mobb Deep ou le Wu par exemple n’étaient pas du tout dans cette humeur. Ce genre de rap existait déjà avant, mais c’est notamment grâce à CNN qu’il va devenir plus important.

Des morceaux comme ”Phonetime” ou ”Bang, Bang” avec l’incroyable rappeuse Foxy Brown sont par exemple assez novateurs au niveau des instrumentales (produites respectivement par L.E.S. et The Alchemist). Cette arrivé du ”banger” un peu crié va progressivement changer le visage de la East Coast. CNN, avec M.O.P. un peu avant eux, l’ont grandement popularisé. Avec avec CNN, on sent qu’on arrive vers des samples de plus en plus agressifs (le refrain de ”Bang Bang” fait presque penser à du Lil Jon).

L’ambiance du morceau ”Y’all Don’t Wanna” résume un peu ce qu’on disait : a niveau de l’ambiance, des effets, des rythmes, le CNN est en avance. Bien entendu, ils ont également écrit quelques excellents titres à la sauce un peu plus old school, pour parler à plus de monde à l’époque. Le morceau ”Queens” est un parfait exemple de ce que la scène New-Yorkaise peut faire de mieux en matière de poser le décor et de décrire l’ambiance froide et lourde qui y règne à la fois.

Dans ce registre,l’excellent titre ”Invincible” produit par Dj Premier (vous l’avez reconnu dès les premières secondes si vous êtes des fans), avec quelques scratchs pour le refrain dans la plus pure tradition new-yorkaise. On a doc bien un album qui va faire le pont entre deux époques musicales, au niveau des instrus, des ambiances,d es façons de rapper, de crier, pour New-York.

Un bon projet, mais inégal et un peu fouillis

L’œuvre a beau être d’une qualité certaine et indiscutable, on peut faire quand même plusieurs reproches aux deux rappeurs. L’album a été assez mal reçu par les critiques aux US, même s’il a été un gros succès commercial. Ils lui ont reproché son côté un peu désorganisé. On sera un peu plus nuancé, en disant que le disque peu s’écouter avec plusieurs humeurs et que ça put être autant une force qu’une faiblesse, donc. Par contre, il est vrai que le trop grand ombre de beatmakers présents sur le projet fait un peu manquer tout ça d’homogénéité. On sent que le groupe a pioché dans les influences de ce qui se faisait un peu partout à l’Est en essayant de le refaire à leur sauce. Avec succès, mais avec du coup le risque de perdre parfois l’auditeur.

Globalement, il y a beaucoup trop de monde sur cet album, vous vous en rendrez compte si vous allez chercher les crédits. On a donc d’excellents titres, comme ”Straight Like That”, ou ”All We Got Is US”, qui en côtoient d’autres beaucoup moins bons comme ”You Can’t Kill Me”. Rien de vraiment gravissime, mais tout de même, de leur part on se serait attendu à mieux. L’attente créée autour de la sortie de prison de Capone, et les singles et maxis qui étaient sortis un peu avant l’album pour teaser, avaient satisfait les critiques comme le public, mais l’album, un peu moins.

Et c’est probablement ce qui a causé la chute progressive du duo, qui est peu à peu retombé dans l’anonymat. C’est pourtant dommage : les morceaux ”Brothers”, ”Queen Finest” (avec Mobb Deep), ”Don’t Know Nobody’‘ montrent eux aussi que le groupe fait partie des tous meilleurs à ce moment, mais rien que ne leur fera véritablement passer un cap musicalement parlant. Toutefois, au vu de l’influence très gangster que le groupe a eu sur la génération new-yorkaise suivante, on peut dire que ce disque est tout de même un classique, ou au moins un disque ”charnière” du hip hop.

Rémi
Rémi

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