Retour sur le classique ”Jazzmatazz vol.1” de Guru !

Lorsqu’on parle de Guru, on pense d’abord au groupe légendaire qu’il fondait avec DJ Premier, Gangstarr, qui a tout simplement révolutionné à la fois la manière de rapper et celle de faire des instrus. Les scratchs de Primo sont devenus classiques grâce à son alliance avec Guru, et Guru n’aurait jamais atteint un tel statut sans l’aide de Primo.

Pourtant, ça n’est pas de Gangstarr dont nous allons vous parler aujourd’hui, mais bien de Guru en solo. Car après être devenu une des légendes du rap avec les trois premiers albums de Gangstarr, le rappeur du Massachussets s’est lancé dans une aventure solo (sans mettre de côté Gangstarr et son influence, loin de là), remplie de succès, et surtout,de bonnes idées.

Comme celle de faire fusionner le jazz et le hip hop, concept à la base de sa série d’albums ”Jazzmatazz’‘ (il y en aura eu 4 volumes plus un best of). L’idée peut paraître un peu étrange:le rap a toujours puisé ses racines dans l’ensemble de la culture musicale noire américaine, blues et jazz compris. Les trois-quarts des samples composant les instrus dans les années 80 et 90 étaient à base de trompettes, de saxo, bref, le rap était depuis toujours imbibé de rap.

La fusion parfaite du hip hop et du jazz

Mais là on parle bien de fusion, dans le sens où il n’est plus trop question de se reposer uniquement sur les samples et les scratchs, même s’ils sont tours présents. Non, le rappeur a décidé de faire appel à des vrais musiciens de jazz pour composer ses instrumentales. Une idée qui paraît toute simple, mais qui a rarement été poussée à ce point, et dont le rendu sur ce ”Jazzmatazz vol.1” est assez génial.

On retrouve donc un groupe de compositeurs, composé de Lonnie Liston Smith, Branford Marsalis, Ronny Jordan, Donald Byrd et Roy Ayers, côté jazz. Côté hip hop, pour l’ambiance, on retrouve DJ Jazzy Nice et DJ Jimmy Jay sur quelques titres, mais globalement, Guru laissera une très grosse marge de manœuvre aux jazzmen. Pour ce qui est du mastering, c’est l’excellent Tony Dawsey qui s’en est chargé, lui qui a bossé avec Jay-Z, DMX, et même Akon par la suite.

Des musiciens de génie donc, pour nous offrir une ballade dans les quartiers noirs de la côte Est des Etats-Unis. Dès le deuxième titre, ”Loungin”, on comprend exactement ce qu’a voulu faire Guru, mi chat de gouttière mi-crooner sur cet album. Il a voulu montrer l’étendue de la culture hip hop, sa force, sa capacité à changer de forme. Si les trois premiers morceaux sont plus dans une ambiance piano bar, les scracths de Jazzy Nice sur ”Transit Ride” nous ramènent un peu plus proches du hip hop. Le flow de Guru y est pour beaucoup, lui qui a la voix toujours posée, et une aisance particulière à rapper.

Entre le piano-bar et les pires ruelles de New-York

On n’a pas encore parlé des drums de Lil Dap. Pourtant se sont ses percussions qui donnent à l’album toute sa consistance hip hop, sans lui ça ne serait presque ”que” du slam sur une instru jazz. Avec lui (et Guru), ce disque devient un véritable chef d’œuvre rapologique, rythmé, musical, avec des thèmes qui ont pour but d’élever la conscience et d’appeler à la remise en question comme dans ”Take a Look At Yourself”.

”Slicker Tanh Most” est aussi assez incroyable dans son style, avec Gary Barnacle au saxo et à la flûte, put être un des morceaux où la fusion est la plus réussie. Puis on arrive à un morceau veut dire beaucoup pour nous, français. Le titre ”Le Bien, Le Mal”, est la première fois (1993) qu’on recense une collaboration entre un rappeur français, en la personne du grand MC Solaar, et un rappeur américain, ici Guru. Ce morceau aura énormément fait parler de notre côté, et ouvert la voix à de nombreuses autres collaborations franco-américaines plus ou moins réussies (IAM et le WU-Tang, ou les Sunz of Man, NTM et NAS et AZ, ou, plus récemment, Gradur et Chief Keef pour la collab ratée).

On apprécie qu’un rappeur comme Guru se soit intéressé au rap français, jusqu’à inviter Solaar sur son projet. D’autant que le morceau est très réussi, une belle fusion entre le jazz et le hip hop, les deux MCs ayant toujours été à l’aise dans ces deux ambiances. Une dernière envolée un peu plus dansante, avant de finir l’album sur une note un peu plus mélancolique dans ”Slights in the city”, où Guru endosse une fois de plus son costume de story-teller pour nous compter les aventures de Renee, Emmitt et Mr.Fillmore, trois histoires qui se finissent bien mal. Finie la ballade, fini de déambuler dans les rues de Brooklyn et Harlem avec Guru et des trompettes dans les oreilles, le MC va ensuite retourner auprès de Primo pour donner à Gangstarr la place qu’ils méritent dans le panthéon du hip hop.

Rémi
Rémi

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