On ne va pas refaire la longue liste des passages des rappeurs en télé foirés : Fabe chez Nagui, Kaaris lors de sa première chez Ardisson, Doc Gynéco, Kery James chez le même Ardisson, et on peut continuer encore longtemps. Le rap à la télé ne semble toujours pas avoir sa place, à part quand c’est Nekfeu, ou Sadek (qui a attendu de pouvoir faire un film avec Depardieu avant d’être invité….) chez Ruquier, ou d’autres chez Hanouna…
Ardisson a toutefois une longue histoire avec les interviews ratées de rappeurs. Gageons qu’il n’est pas le seul responsable : les rappeurs n’étaient jusqu’à aujourd’hui pas très bons en comm’, et ça n’est pas ça qu’on leur demande. Pourtant, les rappeurs devraient être à l’aise dans une émission où on ne parle le plus souvent que de cul ou de cocaïne (et parfois un peu de politique). Mais se mettre en scène en tant que rappeur, lorsque toute la France (leur famille, mais aussi d’autres personnes âgées, des enfants, etc…) vous regarde, devant des questions auxquelles ils ne sont pas préparés, ils ont du mal. Surtout chez Ardisson qui a tendance à vouloir toujours trouver une faille (avec Kery c’était la religion par exemple).
Une fois de plus, ce samedi 23 septembre, alors que Vald était son invité, la rencontre entre le monde des talk shows un peu bobo et le monde des rappeurs a été plutôt ridicule, voire malaisante. On vous explique pourquoi. Pour ceux qui ont raté ça, la vidéo est pour l’instant visible en intégralité sur le site de l’émission, ou en bas de cet article.
6min38
C’est la durée d’intervention totale de Vald, sur une émission qui dure tout de même 1h30, et durant laquelle le rappeur était assis à côté de Nicolas Dupont Aignan, qui avait visiblement plein de choses ”intéressantes” à raconter sur son ralliement à Marine Le Pen. On se permet de rappeler que monsieur Dupont-Aignan a fait moins de voies aux présidentielles que Vald n’a fait de vues avec ”Eurotrap”. On ne demande pas une égalité des temps de parole, mais bon, Nolwenn Leroy a eu droit à peut-être deux fois plus de temps que Vald…
Et en 6min38, on a pas le temps de faire grand chose. On se retrouve avec une interview remplie de banalités, le MC répondant aux mêmes questions que celles qu’on lui pose depuis le début de sa carrière (”Alors comme ça vous êtes blancs et vous rappez ? Et Eminem alors ?”, etc…). On passe sur les jingles au côté ringard assumé, et à l’argot de Laurent Baffie qui date des années 1940. Le plus gros malaise vient après…
Un peu sectaire le Ardisson ?
”Vous n’êtes pas vraiment un rappeur comme les autres, vous n’êtes pas noir”
. Alors, il n’y a sûrement rien de raciste chez Ardisson, on ne va pas l’accuser de ça. Mais c’est quand même une manière étrange de commencer une interview. Et ça marque surtout une grosse méconnaissance du game français, où noirs, blancs, métisses, arabes, et bien d’autres choses encore. Booba / Ali, Kool Shen / Joeystarr, Shurik’n / Akh, tous les grands duos fondateurs du rap français sont le fruit de mélanges. On se permet de lui rappeler, parce que plus tard, lorsque le morceau ”Blanc” arrive dans la discussion : ”Alors c’est très marrant parce que c’est un morceau qui parle de votre couleur. C’est vrai que les noirs ils parlent des noirs et y a jamais un blanc qui parle des blancs”. Ah bon, c’est vrai Thierry ? Les noirs ne parlent que des noirs? Rien pour leurs rebeus, leurs babtous ? Là encore, ça montre une petite méconnaissance du game français…
On va mentionner aussi rapidement le moment malaisant où Ardisson demande à Vald son point de vue sur la foi. ”Enviez-vous votre frère qui est devenu musulman ?”, et encore pire juste après :
”Je l’aime de tout mon cœur. Gros bisous.
-Et il est musulman…”
Comme si ces deux choses étaient incompatibles, ou comme si la conversion à l’islam devait forcément prêter à polémique dans une famille. Finalement tout le monde fini par rigoler de cette histoire d’Islam et de conversion, une manière de montrer le peu de respect que porte Ardisson aux croyances en général…
Et surtout, rien sur le morceau… L’équipe de C8 n’aura donc pas fait de plus grosse analyse de l’invité que de lire la tracklist de l’album, sans trop s’occuper de ce qu’il y avait dedans… On se contente de parler vaguement de ”Megadose” (le titre le plus facile à comprendre de l’album), Ardisson passe à côté de la plaque sur le sens du refrain de ”Eurotrap”, on passe une minute du clip ”Trophée”. Même Baffie se rend compte à un moment à quel point tout ça est ridicule. Alors bien sûr, Vald a joué son personnage détaché, poli, légèrement fou, et bien plus bête qu’il ne l’est (il fallait se mettre au niveau…). Mais quand même, en 2017, on aurait pu attendre des équipes de C8 qu’elles accueillent le rappeur de manière un peu plus respectueuse qu’en regardant simplement la tracklist et les trois derniers clips du MC. Heureusement que Vald est drôle, car sinon, la séquence serait vraiment complètement foirée.
On espère que Thierry nous lira, et qu’il ajustera le tir pour le prochain rappeur. Et on promet à Vald de mieux le traiter s’il vient nous voir !!