Tout comme Rome, le rap ne s’est pas fait en un jour. Ni même en un an. Et il aura fallu bien des années et de nombreux artistes pour advenir à ce qu’il en est aujourd’hui. Des rappeurs qui auront tous, à leur façon, contribué à façonner l’image du game jusqu’à aujourd’hui. Et s’il nous est encore possible aujourd’hui de citer des noms de ces pionniers qui ont su forger leur image au fil du temps, passant de simples MC’s à entités incontournables, d’autres n’ont hélas pas eu cette chance. Aussi, cette chronique a pour but de retracer le vécu de ces rappeurs parti trop tôt, ces personnes que le monde du hip-hop pleure encore aujourd’hui, des années après. Qui étaient-ils ?Qu’ont-ils fait ? Que sont-ils devenus ? Que reste-t-il d’eux ? Toutes ces questions que l’on peut se poser concernant ces MC’s, vous êtes au bon endroit pour y trouver les réponses ! L’occasion également pour les néophytes d’explorer ces noms qu’ils ont sûrement déjà entendu citer sans pour autant connaître réellement de qui il s’agit…
Aussi, ce présent article a pour but de s’intéresser à un rappeur partit trop tôt, trop vite, en la personne de Big L. Qui fut-il, d’où venait-il, et comment a-t-il disparu ? Vous saurez tout ceci à la fin de ces lignes.
Lamont Coleman est né le 30 mai 1974 dans le célèbre quartier new-yorkais de Harlem. Baignant dans la culture afro-américaine au sein de cette section longtemps appelée la “Danger Zone”, il sera très vite intéressé par le hip-hop. Surnommé Little L, il commence à s’essayer à l’exercice du freestyle à seulement 12 ans et s’essaye même en 1990 à la formation d’un groupe, Three The Hard Way, qui se verra rapidement dissous. Les années passant et continuant à s’essayer aux joutes verbales lors de battles, il devient naturellement Big L, évolution logique de son blase originel. Ecrivant en solo et auteur de quelques démos, il formera un second groupe (Children Of The Corn) et, fort de sa bonne relation avec Lord Finesse, participe en sa compagnie au Yo! MTV Raps pour la promotion de son album “Return of the Funky Man”. C’est d’ailleurs sur la face B de “Party Over Here” de ce dernier avec le titre “Yes You May (Remix)” que Big L réalise sa première apparition professionnelle. Plus tard, on peut l’entendre sur le titre “Represent” de l’album “Runaway Slave” de Showbiz et A.G. Pour couronner le tout, il remporte à la même époque un battle organisé par Nubian Productions de près de 2 000 participants. Révélés parmi la plèbe, il signe enfin un contrat avec le label Columbia Records. Le début de sa carrière est ainsi lancé !
C’est ainsi l’occasion pour Big L de s’illustrer en solo avec un son bien à lui, son tout premier single pour être exact: “Devil Son”. Un son qu’il proclame de lui-même tout premier titre mondial qui soit orienté horrorcore. Une distinction qu’il exprime lui-même en ces termes:
“J’ai toujours aimé les films d’horreur. En plus, les trucs que je voyais à Harlem étaient très flippants. Alors j’ai tout regroupé dans un titre”
Parallèlement, toujours propulsé par le succès de Lord Finesse, il participe en 1993 au Uptown Lord Finesse Birthday Bash se retrouvant sur scène en compagnie de Nas, Fat Joe et Diamond D. Un an plus tard, c’est un second single qui apparaît sous la forme du titre “Clinic”. S’orientant clairement vers l’élaboration d’un projet plus conséquent, il enchaîne avec d’autres sons (“Put It On”), clip (“No Endz, No Skinz,”), jusqu’à la parution de son album “Lifestylez ov da Poor and Dangerous“ en mars 1995.
Un skeud qui reçoit un accueil correct sans pour autant être exceptionnel, mais qui témoigne tout de même d’un petit talent résidant chez le jeune homme. Cependant, il ne pourra continuer bien longtemps ainsi, en raison de forts désaccords avec son label qui finira par le renvoyer. Il faut dire que son style de rap ne plaisait guère à l’équipe, l’intéressé de son côté expliquant simplement:
“j’étais là avec des gens qui ne connaissaient rien à ma musique !”
“The Big Picture”, son second album, est ainsi annoncé en 1997. Suite au décès de Bloodshed dans un accident de voiture, le groupe Children Of The Corner se dissout. Egalement membre du collectif Diggin’ in the Crates Crew de Lord Finesse, Big L et le groupe font la couverture du magazine On The Go, puis il participe au son “Dangerous” d’O.C pour son deuxième album “Jewelz” (il participera d’ailleurs sà la tournée européenne qui s’ensuit).
C’est finalement en 1998 que Big L, souhaitant prendre son envol en solo afin de ne pas reproduire l’écher de Columbia Records, crée son propre label indépendant: Flamboyant Entertainment. Il publiera alors le titre “Ebonics” qui lui vaudra d’être remarqué par Damon Dash, patron du célèbre label Roc-A-Fella Records. Le rappeur négociera alors la signature de son groupe affublé du nom The Wolfpack.
Malheureusement, alors qu’il semblait avoir trouvé une stabilité certaine dans son art et qu’il était assurément promis à poursuivre sa carrière, tout s’arrête le 15 février 1999 à seulement 25 ans pour Big L… A Harlem, son quartier natal, au 45 West 139th Street plus précisément, le MC est abattu d’une rafale de balles tirées à la suite d’un drive by shooting. 9 projectiles trouveront leur cible, l’atteignant à la tête et à la poitrine. Gerard Woodley, un ami d’enfance est interpellé et soupçonné, et une sombre histoire de vengeance mêlant Leroy (frère de Big L) est évoquée. On en vient même à la conclusion incroyable que Big L fut simplement confondu avec son frère, victime originellement visée ! Sans plus de précisions, le suspect est relâché, bien que sa libération suscite la polémique. En 2016, on apprend l’assassinat de Gerard Woodley, innocenté mais toujours incriminé par la rue. Il semblerait cependant que, des années plus tard, sa mort ne soit pas réellement en rien avec celle de Big L. Il restera probablement toujours une part de mystère au milieu de toute cette histoire…
En son honneur et hommage, son single “Flamboyant b/w On The Mic” est publié ainsi que, plus tard, son deuxième et dernier album “The Big Picture” en 2000. Il contient des chansons instrumentales et même a cappella qui n’avaient jamais été publiées, et de nombreux artistes participent au projet. Certifié disque d’or, l’album illustre grandement le salut du monde du hip-hop à l’un de ses compatriote parti trop tôt. Le titre “The Big Picture” sera même le seul à se hisser dans les classements internationaux. Quelques albums posthumes paraîtront ainsi au cours de la décennie qui suit, participant à faire subsister le souvenir du rappeur new-yorkais. R.I.P Big L…
https://www.youtube.com/watch?v=CP6sexkDX0Q