Une aura particulière entoure le groupe Cypress Hill. Parce que c’est le premier groupe aux influences et aux origines latinos affirmées, pour commencer. Ils amènent ainsi un style particulier dans la manière de faire des instrus, mai également leur manière de rapper. Et puis, les milliers de jeunes latino-américains vivant sur la côte Ouest ont enfin leurs représentants. Rappelons que quand ”Black Sunday” sort en 93, c’est un an à peine après les émeutes de Los Angeles, où les questions des rapports entre les différentes communautés des quartiers de la ville pose sérieusement question.
Mais si Cypress Hill est aussi mythique, c’est surtout grâce à leurs voix et leur énergie si particulière, particulièrement pour B-Real. Cette voix nasillarde, cette façon d’enchaîner entre les plus gros sons de fumeurs d’herbe et le kickage le plus énergique, tout en restant toujours à l’aise. Un talent rare, et donc, forcément, précieux. Ajoutons à cela l’apport du musicien Eric Bobo et celui du maestro DJ Muggs, qui produit la quasi intégralité de la production de l’album, quelques hits, et on obtient un chef d’œuvre, devenu classique grâce à ses 17 millions d’exemplaires.
Fumées et cimetières
Un des thèmes de prédilection de Cypress Hill, c’est celui de la fumette. Militants pro-cannabis depuis qu’ils sont en âge d’en fumer, le groupe n’hésite pas à construire toute une atmosphère autour de ça, allant même jusqu’à créer des morceaux qui semblent créés juste pour les adeptes de la marijuana, comme le génial ”Hits From The Bong” qui sera d’ailleurs passé à la postérité, faisant parti des titres incontournables du groupe. Et pourtant, ils en ont fait beaucoup, des morceaux. On apprend même, dans le livret fourni avec l’album, que Thomas Jefferson et Georges Washington étaient de grands amateurs de cannabis. Argument d’autorité s’il en est.
Là où on observe un changement radical, c’est aussi dans leur volonté de rompre avec les codes traditionnels de la West Coast. La joie n’est pas toujours au menu, et même dans les instrus, les boucles électroniques agressives ou les samples de Black Sabbath présents sur le morceau ”When The Shit Comes Down”, montre qu’ils ne sont définitivement pas comme les autres. Jusque sur la pochette du CD, où on voit un cimetière en gros plan ainsi que des os, on voit que l’humeur du projet est bien loin des samples de guitares funky qu’on prouvait trouver dans leurs précédents projets. On peut même dire qu’il est dans l’esprit très proche des ambiances ”metal” ou rock psyché, dont les samples imprègnent le projet.
De vrais gangsters
Cypress Hill
ont trop longtemps endossé le costume des latinos posés, fumeurs, un peu fous sur les bords. A tord, car même s’ils sont très sympathiques, les rappeurs B-Real et Sen Dog étaient de vrais gangsters de la rue. Sen Dog était membre des Bloods, et il y a fait rentrer B-Real, qui est lui devenu dealer. Jusqu’au jour où B-Real se prend une balle qui lui perfore le poumon, et les deux décidèrent qu’il était temps de s’éloigner un peu du gang pour se consacrer au hip hop.
Une excellente idée, et la manière qu’a B-Real de faire du gangsta rap, est totalement unique en son genre. Sa voix nasillarde, ses lyrics très imagés, contenant beaucoup d’expressions et d’argot, et sa manière de faire son introspection de manière très consciente tout en paraissant complètement fou fait de lui un des MCs les plus remarquables du game US.
On retrouve d’ailleurs énormément le thème des armes à feu, et des embrouilles de rue, notamment dans ”When The Shit Comes Down”, ”Lick a Shot”, ou encore ”It Ain’t Goin’ Out Like That”. Une manière de rappeler à tout l monde qu’eux aussi viennent de quartiers difficiles, et de parler des problèmes qui touchent les leurs.
Un hit toujours à la page
Si une œuvre est classique, c’est aussi peut-être parce qu’elle a su rester à la page malgré les années qui passent. Le morceau ”Insane In The Brain” est devenu e quelque sorte l’hymne des fanatiques de Cypress Hill, mais a également fait beaucoup plus : le morceau est toujours passé dans les trois-quarts des soirées hip hop encore aujourd’hui.
Un succès incroyable, dû en grande partie à l’instrumentale géniale composée par Dj Muggs, à base de sample de James Brown, de Buju Banton, ou encore des Youngbloods. Mais aussi à un refrain complètement fou à base de ”vocals” des deux MCs Sen Dog et B-Real. Et puis, les parole sne sont pas très compliquées, mais elles rentrent terriblement dans la tête, et surtout, elles contiennent l’essence de tout ce qui fait Cypress Hill.
Voilà ce qui fait de ce disque un classique: il est toujours aussi bon des années après, et contient tout l’esprit de Cypress Hill qu’on retrouvera dans tous leurs projets suivants. Même si ce n’est peut-être pas celui où les prods sont les meilleures en terme de qualité, c’est celui où elles sont les plus originales. Et c’est ça qu’on aime chez ce groupe: son originalité.