On reprend aujourd’hui pour s’intéresser à une autre figure du rap, avec une fois encore un artiste dont on aurait bien tort de passer le nom sous silence et dont l’apport à la musique, à cette musique que l’on aime tant, mérite d’être relevé. Comme d’habitude, c’est vers les premières figures du game que l’on se tourne. Il va donc falloir remonter à la période de l’Age d’Or du rap, aux années 90, afin de retrouver et suivre notre icône du jour. Et qui est-ce justement ? Je ne vous fait pas chercher plus longtemps: aujourd’hui, nous allons parler de Canibus.
Le talent vient du Sud
Pour connaître les débuts de l’artiste, il faudra néanmoins aller jusqu’en Jamaïque, à Kingston où il voit le jour le 9 décembre 1974. Suite à l’emploi de sa mère, il sera contraint de déménager fréquemment, passant de New-York à Washington, Miami, Buffalo, Atlanta… Il se révèle un garçon introverti, quoique bon élève. Ses études le mène jusqu’à travailler pour AT&T Corporation (opérateur de téléphonie mobile), puis pour le département de la justice. C’est à Atlanta qu’il poursuivra d’ailleurs des études d’informatique. Mais ce sera surtout dans cet état de la Géorgie qu’il se lancera dans le rap, empruntant le pseudonyme de Canibus Sativa en 1992 et formant le duo T.H.E.M. (The Heralds of Extreme Metaphors) avec Webb (connu sous le nom de C.I pour Central Intelligence). Cela ne durera que quelques années et, progressant peu à peu, Canibus fait réellement parler de lui lorsqu’il annonce publiquement être en beef avec LL Cool J.
Son véritable premier pas dans la musique au yeux du monde s’effectue avec la sortie de son premier album solo: “Can-I-Bus” en 1998.
Le titre “Second Round K.O”, épaulé par Wyclef Jean et laissant apparaître Mike Tyson dans le clip rencontre son succès et permet à Canibus de truster les charts. Paradoxalement, les critiques restent mitigés sur la qualité globales de l’opus. L’artiste ne se gêne pas pour aborder des thèmes de société, ne mâchant pas ses mots quant à la corruption régnant au sein même de l’état. De plus, son clash avec LL Cool J le prive forcément d’une partie du public.
Une histoire qui débute de façon assez bête en réalité. Le titre “4,3,2,1” permet à J de convier Method Man, Redman et Canibus. Sur son couplet, ce dernier écrit “LL, is that a mic on your arm? Let me borrow that” (référence au tatouage de l’artiste). Le second verse se devait de contenir une réponse (“The symbol on my arm is off limits to challengers, [….] Watch your mouth, don’t ever step out of line/L.L. Cool J nigga, the greatest of all time”). Canibus précise toutefois que LL changea d’avis au dernier moment et voulu modifier les paroles. De son côté, l’intéressé réfute et rétorque que sans précision du MC, personne n’aurait jamais su à qui la phase était destinée. Par la suite, c’est “Second Round K.O” qui ressemble fort au classique “Mama Said Knock You Out” de LL Cool J et s’interprète donc comme une attaque directe. S’ensuit donc des échanges houleux d’un morceau à l’autre, de “The Ripper Strikes Back” et “Back Where I Belong” (accusant Canibus de voler ses rimes et de s’inventer un passé). La réponse sonnera avec “Rip The Jacker”. Une opposition qui a duré, et à même vu Wyclef Jean défendre son poulain avec le titre “What’s Clef Got to Do With It”. Au final chacun reste sur ses positions même si de l’avis général, LL Cool J ressort vainqueur (mais à ce niveau, c’est d’avantage une guerre de fans).
https://www.youtube.com/watch?v=cBYJ0QhIPEw
https://www.youtube.com/watch?v=pyyTnvsa16A
Poursuite en indépendant
Avec l’an 2000, Canibus compte bien poursuivre sa carrière et livre pour cela son second album “2000 B.C”. Très peu promu par le label Universal Music, l’accueille est une fois de plus mitigé. On retiendra toutefois la toute première collaboration avec Kurupt, Ras Kass et Killah Priest qui donne naissance à The HRSM avec le titre “Horsementality”.
Néanmoins, le succès commercial étant là encore absent, Canibus se sépare de son label Universal afin de retourner en underground où il s’y sens plus à l’aise. ll multiplie alors les albums au cours des années 2000’s, faisant preuve d’une excellente productivité. Et justement, c’est là tout l’intérêt du parcours de Canibus. Si l’on s’en tient à une vision standardisée des choses, on aurait tendance à dire que le succès a lieu lors de la signature en major, qui apporte toujours d’avantage de lisibilité auprès du public. Pourtant, dans notre cas présent, ce n’est pas vraiment ainsi que les choses se sont produites. En réalité, c’est même tout l’inverse puisque la carrière de Canibus avait tout l’air de sérieusement patiner, et gageons qu’elle n’aurait probablement jamais vraiment décollé au bout de deux albums décevants du point de vue des ventes. Mais lancé dans l’underground, et menant d’avantage sa musique comme il l’entend, l’artiste peut réellement s’affranchir de toutes contraintes et laisser libre court à sa musique. Au final, cela donne lieu à de multiples opus produit au cours des années, faisant du rappeur un vecteur qui le lie entre les années 90 et aujourd’hui, parmi la toute nouvelle génération des rappeurs. Les clés du succès ? Trouver sa voie, assurément.