Le projet le plus attendu par la France du rap, en ce mois de Mars, c’est peut-être bien celui-là. Car ça fait presque 1 an maintenant que le phénomène Rémy a explosé à la face du rap français. On dit “explosé”, car personne ne s’attendait à une ascension aussi fulgurante, à base de millions de vues dès les premiers morceaux et de buzz qui continue à grossir. Ses apparitions dans “Le Cercle” ou “Planète Rap” ont elles aussi beaucoup fait parler, et c’est normal : il a un vrai talent pour le kickage.
Pour ceux qui ne le connaissent pas, Rémy, c’est un gars d’Aubervilliers, grande terre de rap s’il en est. D’ailleurs, il a été poussé dans le game par un glorieux ancien, Mac Tyer, qui vient de la même ville. Et lorsqu’on vient d’Aubervilliers, on a un rang à tenir, un blason à honorer dans le rap. On ne peut pas faire n’importe quel rap en venant du 93, il y a un devoir de mémoire. Et cette mémoire, Rémy l’a ancrée bien profond dans sa tête, en témoignent les morceaux “Rappelle-toi”, “J’ai Vu”, ou encore “Comme à l’ancienne”. Plongée dans un album qui fait figure d’OVNI en 2018.
Jeune, conscient, lucide, et très amer
Comme le suggèrent les trois titres précédemment nommés, Rémy a déjà une vie bien remplie du haut de ses 20 ans, et c’est de tous ces souvenirs dont il est venu nous parler dans son album. Un jeune de 20 ans qui est déjà nostalgique de l’ancien temps, comme Le Rat Luciano à son époque. A l’écoute des 17 morceaux du projet, on a l’impression que le rappeur est un ancien, une posture qui rappelle beaucoup de rappeurs de la fin des années 90 et du début des années 2000. Une époque où le rap de rue dominait le rap français.
Rémy a décidé de retenter le coup du rap conscient, et du rap de rue, en 2018. Une tentative courageuse, encore plus car il veut le faire sur des sonorités modernes, avec des flows très actuels, et des références d’aujourd’hui qui se mélangent à celles de sa jeunesse. Les deux featurings avec Mac Tyer, “Memento Mori” et “Comme à l’ancienne”, illustrent bien cette volonté : un rap de rue, assez conscient, avec des thèmes pas toujours nouveaux. L’un des deux morceaux est très actuel, très musical, l’autre est dans un style très old school, plus kickage, mais les deux sont authentiques, personnels et justes.
Le morceau “Ne Me Quitte Pas” qui s’adresse à sa mère est très étonnant, avec un gros potentiel radio, mais fait de manière intelligente et originale, pas “bateau” comme les trois quarts des morceaux que font les rappeurs pour leur mère. Ça n’est cependant pas notre préféré : on opte plus pour les moments de kickage, vous nous connaissez. Et ils sont nombreux sur ce projet : “Lebara”, “Bandits”, “Pas Besoin”, et bien d’autres encore. Mais on salue l’effort de mixer son univers très racaille avec des sonorités plus ouvertes et plus commerciales sans toutefois trop tomber dans certains excès du “rap de chicha”.
Bien entendu, tout n’est pas parfait sur cet album. Y a-t-il seulement un album parfait de rap français ? Ou est-ce plutôt leurs imperfections qui les rendent géniaux ? Quoiqu’il en soit Rémy s’en sort très bien. Mieux, il brille, malgré quelques rimes encore un peu faciles, quelques thèmes qui reviennent un peu souvent (gare à ne pas tourner en rond sur les prochains projets), quelques refrains où l’autotune est peut-être un peu trop forcé (rien de grave) mais globalement, on est satisfaits par ce premier projet. On prédit un avenir radieux pour le jeune d’Aubervilliers !