[Chronique] “Si c’était à refaire” de Kery James (2001)

« Si c’était à refaire » est sorti en septembre 2001. Premier véritable album solo de Kery James, trois ans après son classique « Le combat continue » avec ses compères d’Ideal J, c’est un projet éminemment important pour la construction de Kery James en tant qu’artiste et en tant qu’homme.

« La rue a fait de moi Kery James le réaliste »

Si dans ses précédents projets avec Ideal J et la Mafia K’1 Fry, Kery a toujours mis en avant des convictions fortes et savait mettre en musique les maux de la société, il le faisait d’une manière plus brut. Enfin seul, ce à quoi il semblait toujours avoir voulu aspiré, il pouvait alors livrer un album beaucoup plus intimiste, se baladant entre le récit autobiographique (sur l’outro « 28 Décembre 1977 ») et le constat amer sur la réalité à laquelle doit faire face sa communauté (sur « Deux issues »).

Kery James a pris le temps pour sortir ce projet, lui qui avait annoncé un temps qu’il mettait un terme à sa carrière, qui s’est converti à l’islam, sujet présent en filigrane tout au long de l’album, peut livrer un discours apaisé et apaisant. L’arrangement musical est minimaliste, pour mettre parfaitement en valeur l’interprétation sincère et posée de Kery James, accompagné sur certains morceaux par des chanteurs venus amener du relief au ton assez linéaire du rappeur.

 

“Si c’était à refaire” est aussi l’introduction du disque. Un constat lucide où il avoue ne pas pouvoir expier ses erreurs et les assume, sans les excuser : “Je serais un gosse obéissant, solide et imposant / Pas un poids, montré du doigt, à la réunion des parents”. Kery James regarde dans le rétroviseur pour pouvoir ensuite mieux avancer : “Et je garde les traces de mon passé / Ces choses qu’on ne pourra plus jamais effacer”.

Un discours universel

Quand Kery James raconte sa vie, c’est celle de milliers d’autres jeunes qu’il dépeint également. Dans « Terre d’Afrique », porté par le refrain en arabe de Kader Riwan, il met en lumière celle d’enfants immigrés venus trouver un eldorado en France. La où il pouvait paraître un brin manichéen dans ses projets précédents, Kery se révèle très critique à l’égard des siens, voire de lui-même. Dans « La Honte » avec Salif Keita : « Génération, toi qui fais honte à tes parents / Au lieu d’l’argent, ramène les flics à la maison ».

“Si c’était à refaire” fait écho dans le cerveau et le cœur de chacun sans jamais être populiste. Quand il raconte son épopée familiale pour arriver en France et son chemin vers la religion pendant plus de 9 minutes sur son désormais classique “28 décembre 1977”, il est évident que seul lui a vécu ses épreuves dans ce degré de détails : “Octobre 85, dans ce pays j’atterrissais / Le temps était gris et j’ignorais ce qui m’attendait”.

Mais quand on pense cet album comme un tout et que “Soledad” ou “Y’a pas de couleur”, des titres unificateurs, viennent avant dans son séquencement, alors on comprend la démarche de Kery James : toucher tout le monde en parlant de son expérience. Ce n’est pas un hasard si ses deux titres les plus intimes, en introduction et en conclusion, viennent envelopper des morceaux au discours universel, avec l’utilisation fréquente du “on”.

Avec “Si c’était à refaire”, Kery James nous a offert un chef d’œuvre d’interprétation et s’est trouvé dans sa singularité : un enragé repenti, devenu un combattant conscient. Conscient que la première lutte était contre soi-même avant de pouvoir mener des batailles impliquant sa communauté. Ce qu’il fera tout au long de sa carrière.