Drake: Rappeur ou chanteur?

CHRONIQUE RAP

“You used to call me on my cell phone
Late night when you need my love
Call me on my cell phone
Late night when you need my love
And I know when that hotline bling
That can only mean one thing
I know when that hotline bling
That can only mean one thing”

Avouez, ça reste en tête n’est-ce pas ? Et pourtant, seriez-vous prêt à reconnaître ce son comme une référence du rap US ? J’entends déjà les protestations de toutes parts, mais force est de reconnaître que le nouvel hymne de Drake a plu à la majorité. Single phare de son dernier album Views, cumulant pratiquement 900 millions de vues sur YouTube, clubs et soirées ont été ambiancés cette année par le fameux Hotline Bling. Au point même que le jeune Griezmann ait repris le petit gimmick du clip pour la célébration de ses buts à l’Euro 2016.

Prolifique ces derniers mois, caracolant en tête des ventes et du streaming sur plusieurs semaines consécutives, Drake serait-il devenu l’indétrônable du game ? Mais est-il seulement encore dans le milieu… ?

image drake cover octobers very own

Aubrey Drake Graham, né à Toronto, se découvre au grand public dans l’entourage du YMCMB, le label de Lil’ Wayne, avant de s’illustrer en solo avec un premier album (Thanks Me Later) en 2010. Aujourd’hui évoluant sous son propre label (OVO: October’s Very Own) depuis 2012, le prodige canadien a bien fait son chemin, réussissant à se positionner parmi les poids lourds du rap US ces dernières années.
Contrairement à la plupart de ses comparses artistes musicaux dans son domaine, le jeune Graham s’illustre tout d’abord de par son apparition au sein de la série télé Degrassi puis enchaînant avec d’autres rôles mineurs. Il s’oriente enfin vers la musique en sortant une première mixtape, So Far Gone, plutôt bien accueillie par la critique. Tout s’enchaîne assez rapidement et les collaborations prestigieuses suivent. Jusqu’à aujourd’hui et la consécration avec l’album Views (sorti le 29 avril 2016). Indubitablement, le canadien a su devenir la star par excellence, et bien évidemment; nombreux sont ces détracteurs. Il ne s’agit pas là de se pencher sur les haters de chaque rappeur, ou l’on en finirait plus. Cependant, tous s’accordent à reprocher à Drake un style qui tend de moins en moins vers le rap.

image drake actu rappeur us

UN VOL AVEC DRAKE AIRNB

Il est vrai qu’à première écoute, le natif de Toronto n’est pas exactement celui que l’on citerait pour illustrer le rap dans son essence même. S’il n’est pas non plus à ranger du côté des Pitbull et autres Sean Paul, Drizzy tend tout de même régulièrement à pencher vers le RnB. Poussant volontiers la chansonnette, sa voix, à laquelle il convient d’allouer moult qualités pour ce genre d’exercice, lui est d’utilité pour s’ouvrir une voie que bien peu, au final, ont emprunté. Mais est-ce là un mal comme tant aiment à lui reprocher ?
Nombreux sont les rappeurs n’hésitant pas à faire appel à des artistes pop pour leur refrain (à titre d’exemple, et qui plus est dans l’entourage plus que proche de Drake, Rihanna est bien souvent sollicitée pour ce genre de collaboration). Autant dire que le chant n’est pas vraiment banni du hip-hop actuel. Cependant, que Drake se charge lui-même de cet aspect semble problématique pour certains…

Mais la voix mélodieuse du canadien n’est pas le seul élément faisant tiquer certains puristes. En effet, après 4 albums et 5 mixtapes (dont l’une commune avec Future), il semblerait que les thèmes abordés dans ses textes s’épuisent, voir se répètent…
L’artiste remballe ses haters, se désole de constater que les vrais amis (les trues, the real one niggas) se font de plus en plus rares… Ajoutons à cela la fameuse relation compliquée, voir impossible, et l’amour qui semble inatteignable depuis bien des années (sous-entendus à Rihanna ?) et on a bien vite fait le tour. Un trait qui est d’avantage appuyé dans Views, ou toute une bonne partie de l’album verse plutôt dans le chant mélancolique, qui ne manquera pas de donner de l’urticaire à ceux qui espèrent entendre du kickage sale.
Mais après tout, n’en faut-il donc pas pour tous les goûts ? Si certains rappeurs n’hésitent pas à constamment réaliser egotrips sur egotrips, d’autres peuvent très bien explorer des sujets moins agressifs. Cependant, là ou à mon sens le bas blesse, c’est que même dans cette optique qui lui est propre, Drake fait parfois preuve d’une pauvreté lyricale assez dérangeante… A titre d’exemple, on peut citer Controlla, issu du dernier album, qui illustre totalement cet aspect: la prod est entraînante, Drake sait se faire charmant avec une voix chantonnante sans en faire trop. Mais si l’on s’intéresse au texte, le vide saute vite aux yeux ! Ainsi «Yeah, okay, you like it / When I get, aggressive, tell you to / Go slower, go faster / Like controlla, controlla / Yeah, like controlla, controlla»

Un peu maigre pour un couplet n’est-ce pas ? Des thèmes qui ont déjà été évoqués, des textes qui s’épurent de plus en plus, là est plutôt le défaut dans lequel Drake risque de s’enliser.

image drake actu rappeur canada

LA MUSICALITE COMME APPROCHE

Nonobstant ces quelques critiques que j’ai émise dans le paragraphe ci-dessus, il serait de bien mauvaise fois de ne reconnaître aucun talent au rappeur. Et si l’on revient quelques années en arrières, on peut noter que l’artiste ne négligeait pas un rap plus commun, dans sa vision globale. Aussi Take Care (sorti en 2009) savait encore supporter cette approche, avec plusieurs sons résolument rap sans chant pour supplanter le tout. L’album suivant, Nothing Was The Same, concervait également cette optique. De même, le projet commun avec Future prouve bien que Drizzy ne tourne clairement pas le dos au rap. On note en revanche un vif intérêt porté par l’artiste sur l’aspect de la musicalité, qui saute aux yeux (ou aux oreilles) à première écoute de Views. Drake ne se contente pas de poser sur des instrus de divers beatmakers, il sonde une vraie profondeur musicale, cherche l’ambiance avant tout. C’est pourquoi Views, sensé représenter les différentes saisons, sait si bien se mouvoir entre thèmes sombres et d’autres beaucoup plus chauds et entraînants.
C’est là un point important à prendre en compte. S’il peut s’avérer qu’effectivement, le canadien s’éloigne du rap dans sa forme classique, ce n’est pas pour autant qu’il cède aux sirènes commerciales. Les sons sont travaillés, il y a une véritable recherche de qualité. Seules des paroles parfois légères et un aspect larmoyant pourront parfois en rebuter certains. Mais si l’on se fie à ses débuts, et ce depuis So Far Gone, Drake n’a pas vraiment transformé sa musique.

Au final, Drake peut-il encore prétendre faire parti du rap game US ? Chacun est bien entendu libre de juger. S’il s’éloigne clairement d’un aspect street propre au commun des MC, c’est surtout que Drizzy est une machine à tubes ! On ne compte plus le nombre de ses singles qui ont su plaire à un public vaste. Et à l’heure ou le hip-hop s’étend, ou le rap se permet d’avantage d’ouverture sur son auditoire, il faut bien ce genre d’artiste pour faire la transition entre cette musique dite urbaine et celles des autres rappers, plus spécifique. Drake, ce n’est pas cette impasse du hood, non, c’est cette 5ème Avenue qui brille de clinquant aux yeux du plus grand nombre. Après tout, started from the bottom now he’s here

https://www.youtube.com/watch?v=RubBzkZzpUA

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Rabeat
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