Il y a dix ans, Eminem exorcisait ses démons avec “Not Afraid”

Après avoir bravé la mort à la suite d’une longue traversée du désert, Eminem s’offrait un retour triomphal sur le devant de la scène avec le single “Not Afraid”.

Il y a quelques jours à peine, Eminem célébrait ses douze ans de sobriété. Une sacrée prouesse quand on sait par quels enfers le rappeur de Détroit est passé. C’est justement pour cristalliser sa victoire contre ses démons d’addiction qu’il a signé “Not Afraid” le 29 avril 2010. Mais avant d’en arriver là, la route a été longue. Souvenons-nous qu’Eminem était au fond du trou et qu’il a bien failli ne jamais remonter.

Retour en 2006. Cette année-là, Marshall Mathers sombre dans la spirale infernale des addictions à diverses drogues et médicaments. Une malédiction entraînée par les démons de la célébrité, mais aggravée par la disparition tragique de son meilleur ami, Proof. Il entamera alors une longue traversée du désert pendant près de trois ans. Échappant de peu à la mort, il parvient à se raccrocher à la vie et décide dans un éclair de lucidité, d’entrer en cure de désintoxication.

De l’ombre à la lumière

Cette période noire de sa vie, Eminem, la raconte avec brio dans l’album Relapse, publié en 2009. Mais alors que le monde entier attend un Relapse 2 pour l’année suivante, le rappeur va prendre tout le monde de court et revenir en homme nouveau avec l’album Recovery. Un disque charnière dans sa carrière, porté d’abord par le single “Not Afraid”.

A la première écoute, on s’aperçoit bien vite que ce titre contraste totalement avec les couleurs de son précédent album. Exit, les teintes sombres de Relapse orchestrées par Dr. Dre et place à la lumière. Eminem, qui nous avait habitués à des premiers singles plutôt clownesques (“The Real Slim Shady”, “Without Me”, “Just Lose It” ou encore “We Made You”), oublie l’ironie et le second degré pour jouer la carte de l’authenticité.

Sur une production lumineuse du producteur canadien Boi-1da, c’est un Eminem ressuscité qui rappe haut et fort sa liberté retrouvée. Métamorphosé et la rage au ventre, il exorcise définitivement ses démons et signe par la même occasion, la mort de son alter ego démoniaque, Slim Shady. Dans sa démarche thérapeutique, il va jusqu’à désavouer ses précédents projets Encore et Relapse. Des disques faisant écho pour lui aux périodes les plus sombres de sa vie.

En écrivant ce titre, Eminem a conscience d’être un artiste miraculé, qui doit son salut uniquement à une force de caractère extraordinaire. C’est pourquoi il décide de partager sa force. Fédérateur, le toxicomane repenti se pose alors en prophète et invite tous ceux qui traversent des épreuves similaires aux siennes, à suivre ses pas.

Eminem, un homme et un artiste métamorphosé

Au-delà de son propos, “Not Afraid” amorce pour le rappeur de Détroit, les prémices d’un changement drastique. D’abord en terme de direction artistique. Désireux de s’offrir une renaissance concrète et pas uniquement symbolique, il renouvelle profondément sa formule et fait prendre à sa musique, un tournant résolument plus pop.

Concernant son flow, il dira adieu à son “accent” distinctif de l’ère Relapse pour s’orienter vers un débit plus criard. Une signature vocale que l’on retrouvera tout au long de l’album Recovery, et qui s’affinera au fil de ses albums suivants. Sa dernière métamorphose sera physique puisqu’il laissera tomber les cheveux blonds peroxydés, symbole de son esprit rebelle, pour arborer une coupe de cheveux plus sage et plus sobre.

Présumé légende déchue de la musique, le rappeur a su prendre son destin en main et offrir un nouveau souffle à son art. Plus qu’un single ayant atteint le sommet des charts et battu de nombreux records, “Not Afraid” représente encore dix ans après sa sortie, la renaissance artistique d’Eminem. C’est aussi le plus grand trophée de Marshall Mathers, un homme sorti victorieux après avoir affronté la mort droit dans les yeux.

Jérémie Leger
Jérémie Leger

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