En 1998, Busta Rhymes nous lâchait un album classique, “E.L.E : The Final World Front” !

L’année 1998 a été remarquable pour le Rap, mais pas seulement e France, comme on peut s’en douter. Aux USA, Big Pun, Public Enemy, Snoop Dogg, le Wu-Tang Clan, Xzibit, Fat Joe ont tous sorti un projet assez marquant, ainsi que beaucoup d’autres rappeurs de renom. Désormais largement diffusé par les radios et les chaînes de clips comme MTV, et surtout, possédant une très large diversité d’artistes, le rap US continue de prospérer toujours plus vite, avec de très grosses ventes.

Et parmi toutes ces stars, il y en a une qui détonne un peu plus que les autres. Grâce à sa folie, très certainement, mais aussi son talent, son énergie, son flow, sa voix, un peu de tout en fait : Busta Rhymes. Un artiste complet, et accomplie en 1998, lui qui est déjà dans le rap depuis 10 ans, d’abord avec les Leaders Of The New School, puis avec le Flipmode Squad, dans son propre label, pour enfin commencer une carrière de son côté en 1996. En 1998, il dévoile son troisième album solo, “E.L.E. (Exctinction Level Event) : The FInal World Front”, qui est probablement un des plus aboutis de sa longue carrière. Il lui aura valu une véritable reconnaissance de la part de l’industrie, notamment 3 nominations aux Grammys.

Et il faut dire que c’est normal, car le projet est légèrement plus ouvert que ses deux précédents, avec quelques vrais hits, qui lui ont valu d”être mondialement connu, même si le fond reste toujours aussi hardcore et fou. Car Busta Rhymes est un adepte de l’apocalypse, qui prévoit la Fin du Monde pour la fin du millénaire, avec le début d’autre chose après. Et plus l’heure de la Fin approche, plus Busta devient hors de contrôle, sans filtres et sans limites. Autopsie d’un projet aussi fou que grandiose.

Tout casser puis tout reconstruire

Vous vous en doutez, Busta n’a pas beaucoup d’admiration pour la société actuelle, dont il remarque les déséquilibres, la violence, les mauvais côtés en général. Sous ses airs de fou qui veut crier avec un flow rigolo, se cache un artiste assez sensible des problèmes de ce monde, et qui a décidé de les dénoncer de manière très originale. Puisque c’est bientôt la fin du monde, Busta passe le temps en explorant les pires travers de la société, car tout ça n’aura bientôt plus d’importance. Dès le début de l’album, via un morceau pourtant assez doux, “Everybody Rise”, il appelle tous ceux qui sont comme lui prêts à tout pour survivre à cette fin des temps à se lever et mettre le bordel à ses côtés.

Une sorte d’appel communautaire à l’insoumission et à l’autogestion, qui continuera d’ailleurs tout le long de l’album, enrobé parfois dans une bonne dose d’egotrip, selon lequel Busta Rhymes serait le meilleur rappeur du moment, que personne n’aura le temps de le rattraper avant l’an 2000 et la fin du monde, mais aussi le plus fou, le plus déterminé, et le meilleur coup (évidemment). Dans “Where We Are About To Take iT”, il décrit un monde au bord de l’explosion peuplé d’individus dont les principes moraux sont de plus en plus absents, qui errent dans les rues à la recherche de n’importe quel type de profit, avec violence la plupart du temps. Une satyre déguisée et à peine exagérée de l’état  de certaines rues d’Amérique.

Si, avec cette annonce imminente de la fin du monde, Busta aimerait implicitement nous faire comprendre, avec cette fausse allégorie de la fin du monde (finalement, il parle plus d’un monde en perte de repères moraux, sans avenir pour la plus grande partie des gens), qu’il est temps de changer, il n’en oublie pas moins qu’il faudra reconstruire après avoir cassé. Il fait plusieurs fois référence à cette reconstruction, mais il est quand même plus doué pour parler de la destruction, comme on peut le voir sur “What the fuck you want”“Iz They Wildin Wit Us & Gettin RowdyWit US” ou “This Mean War” (vous reconnaîtrez la jolie performance d’Ozzy Osbourne). Mais finalement, le sens de ce rap de fou, s’il est important, l’est moins que le côté musical du projet.

Une ouverture réussie

Car avec cet album, Busta a ouvert de véritables portes au hip hop, suivant la voix de sgroupes les plus undergrounds du moment comme Onyx ou d’autres. De grosses touches rock sont présentes un peu partout sur le projet, bien pratique lorsqu’on parle de génération “no future”. Mais il  y a également des touches de funk, de jazz, d’electro, de house presque même, bref, de plein de choses, au point que c’est incroyable que tout ça ait pu rester cohérent, notamment quand on pense au grand écart musical entre “What’s it gonna be” avec Janet Jackson et “Tear Da Roof Off” par exemple. Il faut dire aussi que beaucoup de producteurs sont venus travailler sur le projet, comme Swizz Beatz, Nottz ou Diamond D, pour ne citer qu’eux.

Si tout ça tient ensemble, c’est grâce au talent, à la folie et au charisme de Busta Rhymes, qui grâce à ses mille flows. S’il excelle toujours dans le rôle de la mitraillette (comme sur “Gimme Some More”), il est aussi capable de poser un peu plus, d’articuler un peu plus, de faire des pauses aux bons moments, et on a du coup vraiment l’impression d’avoir affaire à un artiste accompli, comme sur “Party Is Goin’ On Over Here”. Si cet album fût celui de la consécration avec son disque de platine gagné en moins d’un mois, ça n’est probablement pas un hasard pour Busta Rhymes. Il a tapé juste, tout en visant large, et c’est ce qui est le plus dur à faire dans le rap. S’il a vendu à peine quelques exemplaires de moins par rapport à son projet précédent (la faute à une grosse concurrence lors de la sortie en décembre), “When Disaster Strikes…”, la critique l’a beaucoup plus applaudi, et il a été largement plus diffusé.

Et ça s’explique par un côté bien plus entraînant et irrésistible de certains morceaux, comme “Take it Off” ou “Hot Shit Makin’ Ya Bounce”. A ce moment Busta Rhymes est au sommet de sa carrière, à la tête de sa propre structure,et ayant flairé le bon coup avec ces beatmakers dont certains auront beaucoup d’avenir. Parfois, le rap, ça peut être aussi simple que ça : les bons rappeurs entourés des bonnes personnes, ça peut donner un énorme succès, qui s’est écoulé aujourd’hui à plus de 1,7 millions d’exemplaires. Et ça, ce n’est pas rien.

Rémi
Rémi

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