CLASSIQUE RAP FRANCAIS
Le week-end est terminé, on retrouve donc notre bon vieux Retour vers le classique qui, chaque jour, va nous proposer de (ré)écouter un son marquant du rap game. Et pour aujourd’hui nous allons délaisser nos collègues américains pour fouiller dans ce qui s’est fait de mieux chez nous en France. Et afin de ne pas se répéter, et aussi parce qu’ils sont nombreux à mériter d’être mis en avant, nous allons nous tourner vers un artiste que nous n’avions pas encore aperçu ici, pas même en featuring ! Mais peut-être certains d’entre vous sont déjà familier de ce mystérieux MC autrefois membre de la Scred Connexion ? Ne ménageons pas le suspens plus longtemps, aujourd’hui, nous allons parler de Fabe.
Fabe est un artiste qui aura marqué le rap en peu de temps et, au final, sur une très courte période. Difficile de cerner la carrière du rappeur tant elle fut brève puisque son tout premier album solo “Befa Surprend Ses Frères” est sorti en 1994 et son quatrième et dernier, “La Rage De Dire”, en 2000. Non pas que le succès n’a jamais été au rendez-vous pour le rappeur, loin s’en faut, mais c’est avec le nouveau millénaire que Fabe décide de mettre de côté la musique et s’envole pour le Québec. Convertit à l’islam, il embrasse totalement la religion et s’y plonge corps et âme. Aussi, il se mettre à étudier en profondeur la religion. Il affirmait alors ne plus vouloir retrouver le monde du rap français et en 2013 affirmait être marié, père de famille et étudiant en études islamiques. Pour et article cependant, nous nous pencherons sur son passage dans le monde de la musique avec le morceau “L’Impertinent”.
Un morceau issu du troisième album solo de l’artiste, “Détournement De Son”, sorti en 1998 et qui a fortement marqué le rap. Ayant toujours voulu ancré le rap dans la réalité et maintenant une franchise à toute épreuve, il a su se démarquer ainsi de par cette image d’authenticité, reprochant à de nombreux MC’s de mettre en avant un aspect gangsta qui est loin d’être réel. Il faut donc s’attendre à une franchise à toute épreuve avec Fabe, et il possède lui-même sa vision du rap d’après le reste de la société comme il le dit dans l’intro du son: “Le genre qu’on gère est un mystère qu’ils ont pas découvert”. Cette critique des rappeurs s’inventant un vécu se retrouve immédiatement dans le premier couplet (“Le faux devient vert et aussitôt il en perd ses vers”). Un premier couplet qui permet également de mettre en évidence les qualités lyricales de l’artiste (“il en perd ses vers/Façon père sévère”) qu’on retrouve également au refrain (“Le mec qui a du sang-froid, que tu sens froid et distant”). Une maitrise des jeux de sonorités offrant un texte riche en figures de style et travaillé. Cependant, au-delà de cette honnêteté fortement revendiquée, il ne se prive d’une certaine arrogance propre à l’egotrip (“Ma façon d’envisager le rap est élémentaire/Par contre quand j’ai fini mon couplet c’est sans commentaires !”). Il conserve malgré tout tout au long du son une droiture d’esprit, revenant tacler les MC’s délaissant l’aspect profond du rap pour un son moins travaillé (“1, 2 ça suffit pas ! Ca me suffit pas”) et passe même par une petite réflexion politique (“Syncope prévue pour droiter l’extrême”) qui s’avère très claire et directe au troisième couplet (“Si Jean-Marie courait aussi vite que je l’emmerde, il serait tellement loin”). Un couplet d’ailleurs qui peut s’avérer assez tendancieux et litigieux dans ces propos, Fabe portant fort sa critique (“C’est physique, biologique, au bleu, blanc, rouge je suis allergique”) et n’hésitant pas à employer des phases chocs:
“La vie est une manif’, la France une vitre et moi un pavé”
Cette dernière lui ayant valu une accusation d’incitation à la violence d’ailleurs. Pour le coup, l’impertinence est largement mise en avant et complètement assumée ! Ne voulant pas se placer seul dans cet état d’esprit, le MC n’hésite pas à relier ceux qui partageraient son opinion (“Si c’est du bien parles-en autour de toi, faut que ça avance“).
Un morceau fort, qui prend peu à peu en intensité pour finir sur un rap purement conscient qui n’hésite pas à dénoncer et à s’en prendre au système. En ces temps d’actualité d’élections présidentielles, “L’Impertinent” ne l’a jamais autant été et nous prouve bien qu’il peut encore résonner vrai 20 ans plus tard. La signature d’un rappeur qui n’aura jamais eu la langue dans sa poche, “jamais dans la tendance mais toujours dans la bonne direction !”. La direction du classique…