Retour vers le classique: “1-800” Suicide de Gravediggaz

Une fois de plus, votre week-end sur Hip-Hop Corner se voit embellit par notre playlist classique ! Des sons que vous avez assurément déjà entendus, que vous connaissez probablement par coeur et pourtant, impossible de s’en lasser. Des artistes et des sons qui sont représentatifs de tout ce qui se fait (ou même se faisait) de mieux dans le hip-hop, plus particulièrement dans le rap. On ouvre ainsi nos frontières, et on s’en va écouter les rappeurs qui ont su porter leurs voix, de New-York à Los Angeles, côtes Est et Ouest. Et aujourd’hui justement, afin de rester fidèles à nos habitudes, c’est à New-York City que l’on ressort nos plus bons morceaux. Et cette fois-ci, on le doit à un groupe en particulier, dont nous n’avons pas encore pu aborder le travail dans un retour vers le classique. Découvrez (ou redécovurez) Gravediggaz avec le titre “1-800 Suicide”.

Gravediggaz: les princes de l’underground

C’est dans le quartier de Long Island à New-York que l’on découvre la formation qui nous intéresse présentement. Composée de The Undertaker (Prince Paul), The Gatekeeper (Frukwan), The Grymreaper (Too Poetic) et le très célèbre The Rzarector (RZA) que l’on ne présente évidemment plus avec son influence majeur grâce au Wu-Tang Clan. Si Gravediggaz ne vous dit pas grand chose en ce qui concerne le hip-hop classique, ils sont pourtant très important dans l’histoire des courants musicaux du rap. En effet, on doit à ses petits gars la maîtrise et la propagation du genre de l’horrorcore, assez particulier et minoritaire. Il faut donc bien évidemment s’attendre à une ambiance particulièrement sombre, dûe à un mélange particulier mais pourtant réussi entre le gangsta rap directement affilié au hip-hop et le heavy metal. Comme beaucoup de grands artistes, ils réussissent faire parler d’eux dès la publication de leur premier album, très bien accueilli par la critique. C’est ainsi que l’on découvre leur tout premier album studio: “6 Feet Deep”. Un titre déjà évocateur de l’ambiance émanant de leur musique. Le projet se voit populariser par trois singles: “Diary of a Madman”, “Nowhere to Run, Nowhere to Hide” et évidemment le titre sujet de cet article “1-800 Suicide”.

image cover de l'album 6 Feet Under de Gravediggaz
pochette de l’album “6 Feet Under” de Gravediggaz

Immédiatement, on reconnaitra les influences du groupe puisque le refrain débutant le morceau laisse entendre un sample de KRS-One. Un titre qui aura été suffisant pour marquer les esprits et l’histoire du groupe, représentant totalement leur vision musicale. Le magazine Complex le compte d’ailleurs parmi son classement des sons les plus violents. Il faut dire que le texte ne s’embarrasse d’aucune image pour faire passer son  message et au contraire nous laisse une clairvoyance particulièrement distincte. On le remarque d’ailleurs dès la première phase du couplet de Gatekeeper (“So you wanna die, commit suicide”). Le tout est enchaîné sur un storytelling distant, retraçant une suite d’événement d’un point de vue extérieur (“And get some LSD or a drink from the bar/Get behind your wheel and crash the car”). L’aspect morbide est ainsi renforcé par cette suite d’exemples pour se donner la mort, présentée comme une simple proposition soulignée par une réelle incitation à passer le cap. Une idée d’ailleurs encore renforcée par le refrain qui s’ensuit immédiatement. La forme de storytelling que l’on avait déjà pu voir précédemment se retrouve encore au sein du second couplet, Grym Reaper s’adressant explicitement à une personne en particulier, relevant au passage les traditionnels problèmes de société liés aux inégalités de classes sociales. Horrocore oblige, alors que l’on est généralement habitué à l’humour noir parsemant les textes, on retrouve ici un ton narquois et méprisant (“You asked for a Benz and you only got a Jeep”). De même, les clichés liés aux origines et à la couleur de peau ne sont pas épargnés (“Maybe you’re Sicilian with a tan/But you hate lasagna and the pizza man”). Une façon de sous-entendre les raisons pouvant mener au geste fatidique, relatant un certain mal-être avant d’initier le thème de la mort (“Turn your oven on high for about four hours”) que l’on découvre clairement au final (“You gassed yourself ’cause it’s a suicide”).

Une technique d’écriture révélant toute la qualité artistique

L’interlude suivant est à relever pour la touche de morale plus profonde que le reste du texte qui vient apparaître (“Life moves pretty fast/If you don’t stop and look around every once in a while/You could miss it”). Quelques lignes qui viennent se perdre au milieu du son mais, justement, prennent à contre pied tout le reste qui a été étalé jusqu’à alors. Une sorte de lueur d’espoir au milieu d’un texte paradoxalement très sombre. Un espoir que l’on retrouve par ailleurs dans la suite avec le couplet de RZA qui oppose la mort et la vie au sein de la même rime (“Commit suicide and I’ll bring you back to life”). S’ensuit là encore la reprise du storytelling liant les couplets entre eux. On distingue d’ailleurs ici là l’humour noir dont je faisais mention plus en amont, dans le descriptif des mises à mort, une sorte de plaisir gore que ne renierait pas un certain Slim Shady (“Second said hmmmm that’s good but I can top it/The rest didn’t know what to do, I made suggestions”). Tombant volontairement dans la surenchère, cette fois-ci ce n’est pas à un individu en particulier que le rappeur s’exprime mais prend au contraire l’exemple de plusieurs, sans même les nommer précisément (“Number Five said it ain’t worth being alive”). L’humour glauque ressortant de ces lignes tant à dédramatiser le son, mais le contexte est fatalement replacer par le MC. Il nous laisse croire à la survie d’un de ses personnages pour finalement amener sa mort abruptement (“He went home/Sat in the tub and slit his wrists“). Au final, la situation est généralisée afin que l’on se sente tous concernés:

“There’s no need to cry…cause we all die”

On pourrait ainsi au préalable penser que Gravediggaz s’apprêtent à nous servir un texte simplement violent, choquant qui plus est de par le suicide maintes et maintes fois répété et qui se retrouve être le sujet par excellence du morceau. Toutefois, en le sondant d’avantage, on distingue bien vite une structure scénaristique poussée et aboutie, magnifique sublimée il faut le dire par RZA maîtrisant son thème en amenant la synthèse du morceau. Entre humour, énergie et réelle profondeur, “1-800 Suicide” nous laisse entrevoir le panel étendu de talent du groupe. Avec de tels atouts, on ne peut qu’y voir un véritable classique.

https://www.youtube.com/watch?v=cTXeg-Swq9w

Rabeat
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