ACTUALITE RAP FRANCAIS
JEWEL
est un rappeur qui :
⦁ en Novembre 2011, sort son premier projet «L’Étranger à Domicile»
⦁ en Juin 2013, sort son premier E.P. «Débranche ma Conscience»
⦁ en mai 2015, est validé par YOUSSOUPHA himself dans son titre « ⦁ Chanson F⦁ rançaise »
⦁ en juin 2015, rejoint le label Interludes (Tito Prince, Monsieur Nov, Gen Renard)
⦁ le 25 Novembre 2015, présente son nouvel E.P. à la Boule noire
⦁ le 27 Novembre 2015, sort son deuxième E.P. « La rage au ventre »
⦁ en 2016, s’apprête à sortir un album
J’ai mangé avec lui pendant les vacances de Noël, un mois après la sortie de son EP « La Rage Au Ventre ». J’ai voulu endosser la casquette de journaliste pour découvrir certaines anecdotes et subtilités qui permettent de mieux comprendre l’artiste et sa musique.
Au menu :
sa personnalité, ses inspirations, la sortie de son EP et le film conducteur de l’EP : La Rage Au Ventre.
Youssoupha rappe dans un de ses sons : « J’ai pas de pseudonyme : Youssoupha c’est mon vrai blaze ».
JEWEL, c’est ton vrai blaze ?
Non, mes parents n’étaient pas si cainri* !
Comment l’as-tu trouvé ?
Je me suis appelé comme ça très tôt, vers l’âge de 15-16 ans. A cette époque je ne rappais pas, j’étais beaucoup chez moi et très introverti. J’avais des potes bien sûr, mais si on ne m’appelait pas je ne sortais pas. A cause de ça, les gens disaient de moi que j’étais un gars assez bizarre, assez étrange.
Je leur répondais que pour le moment, j’étais comme ça, un peu louche, dans ma bulle mais qu’à un moment donné, j’allais bien finir par briller. Donc j’ai choisi JEWEL, par pour le bijou mais plus pour le côté brillant. A ce moment-là, je ne savais pas du tout que j’allais tenter de faire du rap.
Actuellement, on te sent encore dans ta bulle, en plein conflit intérieur. Qu’est ce qui te révolte le plus en ce moment ?
Au final moi-même. Toute ma musique tourne autour d’un conflit intérieur. Le Bien, le Mal, qui suis-je vraiment ? Tout ça, ce sont des quêtes et je me cherche encore malgré mes 26 piges.
Quand tu bosses à droite à gauche, quand t’arrives pas à te poser dans un endroit concret et te dire « Voilà c’est là que je vais faire ma vie ! », c’est que tu te cherches encore.
Et moi, je suis en plein dans ses quêtes, donc ce qui me révolte le plus forcément c’est moi.
J’aurai préféré être un type lambda en vérité… Je suis un gars lambda mais j’aurai préféré ne pas me la jouer artiste. Etre un type qui se contente d’aller au bureau de 9 à 17 avec sa mallette et ça lui va !
D’un côté, Kendrick Lamar, Nekfeu, Disiz, Tito Prince pour ne citer qu’eux et de l’autre, Wiz khalifa, SCH, PNL, MZ pour ne citer qu’eux. J’aime leur musique mais ils s’opposent. Qu’en est-il de toi ? Quel est ton rapport avec la bouteille et la drogue ?
Je me drogue à mort ! Même là je suis drogué (rire) ! Non je plaisante, honnêtement je ne touche pas à l’alcool, j’ai jamais bu. Pas par croyances mais parce que ça ne m’a jamais parlé. Et fumer non plus ne me parle vraiment pas. Puis en vérité, j’ai déjà trop de problèmes, je plane déjà assez, je n’ai pas besoin de me droguer. Ce sont des trucs qui ne font pas partie de moi.
Je trouve ta plume très riche. D’où sort tout ce vocabulaire ?
Honnêtement, je suis très cinéphile et j’absorbe très vite le vocabulaire des gens. D’ailleurs, mon taf c’est d’être commercial donc à force de converser avec les gens et d’user d’arguments, il y a pas mal de mots que t’intègres. Autrement, je lis. Ma mère lit énormément donc je finis par toucher ses bouquins.
Parlons prods. Tu voudrais travailler avec de nouveaux beatmakers ?
Il ne faut pas prendre les choses comme si c’était une fin en soi : genre j’ai un beatmaker, je m’arrête à celui-là. Il faut toujours voir plus loin. Tu sais le coup de cœur se cache partout donc il faut que de nouvelles personnes continuent de m’envoyer des prods. Je finis toujours par les écouter. On n’est pas à l’abri de tomber sur un mec de ouf !
Un mot sur Richie Beats qui place énormément de prods sur chaque nouveau projet rap français en ce moment ?
Je vois très bien qui c’est, j’ai dû lui vendre une paire de baskets dernièrement. On a déjà eu des connexions par le passé : il y a des choses qui ne se sont pas faites et qui se sont perdues dans le temps.
Est-ce que tu penses qu’il y aura du Richie Beat sur l’album que tu prépares en 2016 ?
Ouais, j’aimerais mais je ne voudrais pas que du Richie Beat, je voudrais du Richie Beat pour du Jewel. Elles ne se ressemblent pas ses prods mais j’en veux une avec mon identité. Quand il y en a une pour Joke ou Booba, elles collent avec leurs délires. J’en veux une pour moi !
Es-tu satisfait de la sortie de ton EP ?
J’aurais voulu faire les choses différemment, j’aurais voulu travailler un peu plus ma sortie. Il y a eu un concert à la Boule Noire, ce n’est pas rien, beaucoup de rappeurs aimeraient faire un concert là-bas pour une sortie de projet. Mais je pense qu’au vu de toutes les sorties qu’il y a eu en 2015, il y avait moyen de se démarquer en faisant quelque chose de plus travaillé, pas sur l’EP mais sur la sortie.
Tu rappes : « un misérable 10 000 vues », « qui fait attention au rap français qui ne dépasse pas les 6000 vues ?! ». C’est une sorte de frustration ce manque de buzz ?
C’est la loi du plus fort, c’est comme ça. Il faut les mériter tous ces trucs. Ce serait relou si on sortait tous une vidéo et qu’elle faisait des millions de vues automatiquement. Il faut les mériter et j’aime mériter les choses.
T’as la rage pour les mériter ?!
Toujours ! L’EP ne s’appelle pas comme ça pour rien.
Dans une interview que tu as donnée récemment à Radio Laser, tu as dit que tu sauras quand arrêter le rap ? Quelle est ta mission dans le rap ?
Je ne fais pas partie de ceux qui ont envie de bouleverser le Game comme ils l’appellent et encore moins de ceux qui vont vieillir dedans. Le rap n’est pas une fin en soi, c’est une porte d’entrée dans le monde artistique. Il fait partie de ma palette mais je fais autre chose aussi : je dessine, j’écris et pas que du rap, je tourne dans des web séries. Il y a d’autres choses à faire. Donc ouais, je saurai reconnaitre le moment où le rap s’arrêtera pour moi.
Evoquons cette sortie d’Ep, retardé par le triste 13 novembre. Où étais-tu quand ça s’est passé ?
J’étais à Saint Denis même le soir où c’est arrivé. J’étais en train de travailler sur le montage du clip « Reste ». J’étais dans une maison collée au stade de France, si proche qu’on entendait les annonces des changements de joueurs. On a entendu les bruits d’explosion mais on n’y a pas fait attention au début.
On pensait que c’était des pétards, des feux d’artifices… C’est seulement après avoir reçu des messages de proches qui demandaient des nouvelles, qu’on a compris. Puis on a allumé la tv et on s’est rendu compte que quelque chose d’effroyable venait de se produire. Plus le temps passait, plus les journalistes rapportaient un plus grand nombre de blessés, de morts…
Des proches à toi ont été touchés ?
Non, mais comme on est près de 4000 sur mon Facebook, des gens de mon Facebook ont été touchés et j’ai tenu à le respecter. Ça ne pouvait pas être la fête pour tout le monde à ce moment-là., c’est pour ça que j’ai reculé la date de sortie.
Le titre original du film : LA RAGE AU VENTRE est en fait Southpaw (= le gaucher en anglais). Un gaucher dans le monde de la boxe est un OVNI. Te sens-tu comme un OVNI dans ce paysage rap français ?
Ouais complétement. D’une part, parce que je n’ai pas envie de me revendiquer rap français et d’appartenir au « Game » et de l’autre parce que j’ai 26 piges et je préfère qu’on ne l’oublie pas : les mecs qui percent à l’heure actuelle sont plus jeunes et ont des discours très différents du mien. Puis j’aspire à faire autre chose que du rap.
Le scénariste a voulu faire de ce film une métaphore de la vie d’Eminem. Comment le film t’a-t-il inspiré ?
Eminem devait d’ailleurs incarner le personnage principal et il n’a finalement que signé la bande son.
Ce film m’a inspiré parce que pendant que je le regardais, je me suis rendu compte que j’étais sûrement en train de regarder le film le plus touchant de 2015. Je suis très cinéphile encore une fois et je suis allé en voir pleins, mais celui-ci m’a frappé. Il y a peu de moments dans la vie du gars où tu sens qu’il y a une lueur d’espoir. Je me suis dit que ça ressemblait trop à ma vie pour passer à côté.
Il ressemble à ma vie dans les grandes lignes bien sûr : non, ma femme n’a pas été abattue et je ne fais pas de boxe. Ce que j’ai apprécié dans ce film, c’est cette manière de lutter, cette manière de dire « Je suis encore là ! » malgré qu’on dise que t’es cuit.
Quelle scène t’a-t-elle le plus marquée ?
A la fin quand il gagne, qu’il va sur le corner, qu’il met sa tête sur le poteau et qu’il dit à sa femme (absente car décédée) « ca y’est je rentre, on rentre ». J’ai trouvé la symbolique énorme parce que c’est exactement ce que j’ai envie dire, pas à ma femme mais à ma mère. Lui dire que c’est bon j’arrête, j’arrête de me faire autant de mal, je rentre…
Comment as-tu vécu ton concert à la Boule Noire ce 25 novembre ?
C’était notre challenge, vu le contexte c’était une épreuve. Beaucoup de questions me tourmentaient : est-ce que les gens vont avoir envie de sortir, est-ce qu’ils vont payer pour voir ma gueule. Et au final, c’est sûrement le meilleur concert que j’ai fait, c’était vraiment magique !
J’ai remarqué que tu aimais bien le story telling. Je pense notamment à « Triste Décembre » et « L’étoile et l’araignée ». Qu’est-ce qui t’as inspiré ces histoires ?
« L’étoile et l’araignée », c’est ma vie de A à Z. Contrairement à « Triste Décembre », qui a été inspiré par une histoire au quartier que j’ai entendu autour de laquelle j’ai cousu une histoire. Mais j’ai fait en sorte qu’elle soit assez fictive pour qu’elle ne puisse pas se rapprocher de la vraie histoire. Je ne me voyais pas me faire du beurre sur la vraie histoire.
Le clip « Reste » par exemple, raconte une histoire aussi mais ça ne m’est pas arrivé. Je n’ai pas perdu quelqu’un de proche. Mais j’ai perdu quelqu’un symboliquement quand même. Dans « Reste », j’ai symbolisé cette perte par la mort. C’est ce que j’aime en faisant ça : tu peux extrapoler, coudre autour de quelque chose.
Qu’est-ce qui t’inspire en général ?
Tu te lèves, tu regardes ta vie puis t’écris… Tu te dis : « Putain je fais ça en ce moment ?! Ouaa nul… », et t’écris. Il s’agit de ça !
Comment a été ta relation avec l’école ?
L’école ! (rire) C’était marrant, pour moi l’école c’était la cour de récréation ! J’ai eu un parcours scolaire très pourri ! Je n’étais même pas le mec du fond de la classe, j’étais une sorte de mec du fond de la classe mais qui s’assoit devant. Ce n’était pas moi qui foutait la merde mais j’étais jamais le dernier quand il s’agissait de glander ou pour en rajouter !
J’ai eu le bac quand même pour ma daronne. Aujourd’hui je regrette d’avoir arrêté aussi tôt, ce serait te mentir de dire le contraire. L’école c’est de la balle, pour trouver un taf et pour les connexions que t’y fais. C’est important ne serait-ce que pour ça, actuellement je traine avec des gars que j’ai rencontrés en primaire, au collège. C’est comme ça que tu avances dans le monde : avec des connexions.
50 Cent incarne dans le film le gars vénal par définition. Dans les interludes de ton EP, tu joues beaucoup avec ça. Tu en as rencontré des gens comme ça ?
Ouais complètement. Tu sais quand tu avances dans la musique même à petite échelle, tu rencontres des charlatans : des mecs qui sont prêts à te dire tout et n’importe quoi et surtout te faire aller au front dans des endroits alors que tu n’en as pas envie. Ils te disent que c’est bon pour toi, pour ton image alors que non !
C’est ces personnes-là qui t’emmènent au casse-pipe sans se soucier réellement de ce que tu as toi au fond du cœur.
T’as un manager ?
Oui, j’ai un manager depuis l’EP « Débranche Ma Conscience » et ça fonctionne très bien. Lui, ne m’emmènera jamais dans un endroit bizarre. Il sait ce qui est bon pour moi et ce qui ne l’est pas.
Tu l’as rencontré comment ?
On avait des amis en commun qui me l’avait conseillé en tant que manager et je l’ai rencontré. Il s’est avéré, lors d’une rencontre autour d’un repas comme là, qu’on avait les mêmes valeurs et surtout qu’il connaissait le rap. Il a un vrai sens artistique.
2016 = un album ! T’as pensé à un film conducteur ?
J’ai envie de fonctionner encore comme ça mais pour l’instant je n’ai pas d’idée en tête. Il faut savoir que pour l’EP « La rage au ventre » c’est pendant les quatre derniers mois avant sa sortie que je me suis dit qu’il devait s’appeler comme ça !
Je t’ai découvert avec le titre D’amour éden . Tu peux m’en dire un peu plus hormis le fait que la prod est dingue !
C’est un truc qu’on a composé avec Ogee chez lui. Ce qui est lourd, c’est de voir ce qu’on peut faire nous, à Bezons dans la maison des parents d’Ogee, dans sa petite chambre : trouver un sample puis partir sur une idée. C’est Ogee qui a trouvé le titre D’Amour Eden. On parlait puis je lui dis un moment qu’on est fait d’amour et de haine. Il a trouvé ça cool le jeu de mot « et d’haine » = éden. Tu vois parfois les choses viennent à toi toutes seules. Puis, on a voulu faire une ode à cette jeunesse qui se débauche mais qui pour autant reste comme ça. Si elle avait envie de changer ça se verrait. Mais on reste comme ça et malgré tout, ça nous fait apparemment du bien sur le coup.
T’as demandé à ton public quel titre de l’EP aimerait-il voir en clip, ils ont répondu en majorité « Groovy ». T’es content du résultat de ce vote ?
Au début, ça allait être « La Rage Au Ventre » puis j’ai vu que « Groovy » a gagné. Oui, j’étais bien content parce que c’est mon titre préféré de l’EP !
En 2016, qu’est-ce qu’on peut te souhaiter ?
De tomber sur la bonne prod ! Je suis très difficile là-dessus, je veux qu’elle raconte elle-même quelque chose avant de raconter quelque chose dessus.
Si t’avais code « crédit illimité » comme dans GTA, à partir de 2016 tu ferais quoi ?
Si j’avais tous les sous que je voulais. J’en donnerais à mes parents histoire que ma mère sorte de cette cité avec ses portes et son ascenseur qui ne marchent jamais ! On est resté là toute notre vie…
Et après, je ferais un truc stupide, je m’achèterais une GTO. C’est la seule voiture que j’ai envie d’acheter de toute ma life ! Je calcule pas les voitures. J’ai la même Clio depuis très longtemps. Je vis dans cette voiture, j’ai même fait des clip dedans.
Elle devrait être sur la pochette de l’album !
Il y a des chances ! Tout ça pour dire que je ne suis pas très matérialiste donc au final je donnerais de l’argent aux gens puis je ferais des trucs que j’ai envie de faire depuis longtemps : j’achèterais un poney à mon fils par exemple !
J’aimerais bien figer le temps : quand on me casse les couilles, j’aimerais bien aller dormir un coup et revenir comme si de rien n’était !
FIN DU REPAS, BONNE DIGESTION !¡
Allez voir son site : http:/www.jewelusain.tv/ Ses meilleurs titres selon moi : D’amour Eden > https://www.youtube.com/watch?v=1j0ttFOuHPU L’étoile et l’araignée > https://www.youtube.com/watch?v=vPT_NyFtWLk Face > https://www.youtube.com/watch?v=aEDZscNAPLQAlexis Loisy !¡ Contact : [email protected]
Superbe interview Bravo ! 🙂