Bien trop souvent dominé par la représentation masculine, l’univers du rap français regorge tout de même quelques femmes qui ont réussi à bousculer les codes de ce genre musical. Avec beaucoup d’engagement, le talent et la créativité, elles ont apporté un changement sincère sur la société d’aujourd’hui. Zoom sur quelques femmes qui ont influencé plusieurs générations d’artistes féminines.
Les dames de fer qui ont fait bouger le rap français
L’on ne peut parler du rap féminin en France sans faire allusion à Mélanie Georgiades, plus connue sous le nom de Diam’s. Première femme à remporter la victoire de la musique du meilleur album rap de 2004, Mélanie est l’icône de toute une génération. Avec ses mots qui cognent dur et son franc-parler, elle se fait le messager d’une certaine jeunesse qui se trouve violemment coincée entre les tours des cités franciliennes. Dans un monde qui ne fait pas de cadeaux aux femmes, Mélanie Georgiades est celle qui se plaît à briser les codes masculins du rap. À l’occasion de la journée des droits des femmes, retour sur les autres talents historiques du rap français et l’héritage engagé qu’elles ont laissé à la nouvelle génération.
Ils sont nombreux les mélomanes à ne pas avoir oublié les paroles du titre ‘La Boulette’. C’est en 2010 que Diam’s a fait sortir son dernier album intitulé ‘SOS’. À cette époque, les fans de l’artiste étaient loin d’imaginer que c’était la dernière fois qu’ils allaient entendre la voix unique de l’artiste originaire de l’Essonne. Dans cet album, Diam’s faisait cas de ses démons et de la dépression qui la rongeait à petit feu. Avec ses textes engagés contre le racisme, l’extrême droite et les inégalités, Diam’s, en plus de faire une musique très populaire, ne se prive pas de faire passer des messages directs.
Cependant, Diam’s n’était pas seule dans la lutte contre le racisme : Casey a toujours fait du rap un moyen d’expression fort. Originaire du Blanc-Mesnil, en Seine-Saint-Denis, elle conte dans sa musique les espoirs déchus des personnes racisées, confrontées à un racisme d’état responsable d’un passé colonial sanglant. La qualité de ses textes, de son flow, la place souvent au-dessus de la mêlée. Elle s’est également affranchie du diktat de l’industrie du rap.
L’on ne peut citer les icônes du rap et ranger aux oubliettes la rappeuse marseillaise Keny Arkana qui elle a aussi contribué à mettre en lumière les discours des personnes opprimées. Suivant les pas de ses aînés, elle écrit des textes incisifs et percutants. Une femme qui n’a peur de rien ni de personne, culottée et déterminée. Avec son collectif La Rage du Peuple, elle s’est fait connaitre comme une rappeuse militante aux discours antisystème et proche des classes populaire. Casey, Diam’s et Keny Arkana ont connu un succès notable certes, mais à travers leur parcours, elles ont aussi pu montrer aux nouvelles générations le chemin à suivre.
Une nouvelle génération, un nouvel engagement
Parlant de la nouvelle génération des femmes du rap, la chanteuse belge Shay a déjà tout d’une reine dans l’univers du rap à seulement 27 ans. Découverte par le patron du rap hexagonal, Booba, Shay a sorti son premier album, Jolie garce, le 2 décembre. Soit un cocktail enivrant de rap hardcore, de R’n’B et de rythmiques de pop africaine. Elle a su tisser la nouvelle corde au bout de l’ancienne à travers non seulement des textes antiracistes mais également des discours tournés vers l’oppression patriarcale et la liberté revendiquée par les femmes. Avec les paroles « Laisse nous mener la vie qu’on veut » sur le refrain de son célèbre titre P.M.W (Pussy Money Weed), Shay réclame la liberté des femmes à faire de la musique sans critiques, mais aussi à s’afficher publiquement comme elles le souhaitent. On est un peu loin de l’image de la belle rappeuse d’aujourd’hui, même si son rap peut être hardcore.
Derrière ces « provocations » se cache une volonté de changer les choses : à travers ses morceaux et ses clips, Shay veut pouvoir être pleinement libre de s’afficher dénudée, et de twerker autant qu’elle le souhaite, en dépit des nombreuses critiques et commentaires acerbes.
La détermination de la jeune femme s’inscrit dans un autre contexte que celle des années 2000. Avec l’apparition du mouvement #metoo en 2007 et sa large popularisation suite à l’affaire Wenstein de 2017, il est clair que la lutte féministe est devenue l’une des causes majeures de l’engagement contre les minorités en France. La rappeuse Chilla n’est pas restée en marge de cette lignée. Avec son morceau #Balancetonporc, elle a lutté contre la culture du viol et les inégalités de genres engendrées par le patriarcat.
Même si les réalités ne sont plus pareilles en termes de cause féminine, il faut dire que l’héritage laissé par les rappeuses françaises a joué un rôle prépondérant dans le parcours des nouvelles générations. Grâce à leur témérité et leur détermination, elles prennent de plus en plus leur place dans la sphère du rap français. Avec des musiques qui véhiculent souvent de puissants messages, elles brillent d’un éclat doré. Elles ont donc le devoir de transférer à leur tour l’héritage à leur successeur, afin de garantir une relève de qualité.