Ouenza se dévoilé en interview pour HHC

Ouenza, l’étoile montante du rap marocain

Premier rappeur marocain à avoir sorti un vrai court-métrage, Ouenza ne cesse de nous épater. L’artiste qui vit entre Paris et Casablanca a bien voulu répondre à nos questions. Interview d’une étoile montante. 

Il est premier en tout ou presque. Premier rappeur arabe à être invité lors d’un Planète Rap sur Skyrock, premier MC marocain à sortir un court-métrage, Ouenza régale. Très prometteur, celui qui a démarré sa carrière il y a tout juste 2 ans s’est très vite imposé dans le paysage musical grâce à son style détonnant et sa facilité déconcertante devant un Mic’.  

Mais alors que sa carrière connaît une très belle ascension depuis ses débuts, en mars 2018, Ouenza mène une activité professionnelle en parallèle. Titulaire d’un Master 2 en Méthodes informatiques appliquées à la gestion des entreprises, l’auteur de Valentino est pourtant un vrai passionné de musiques. Etabli à Paris, celui qui soigne son look aussi bien que ses lyrics a bien voulu revenir sur son parcours, tout en acceptant de nous en dire plus sur l’industrie musicale au Royaume chérifien. Entretien.

Hip Hop Corner : En quelques mois, tu t’es imposé comme l’un des plus grands espoirs du rap marocain, comment le vis-tu ? 

Ouenza : Je l’ai vécu normalement. C’est vrai que c’était plaisant de voir que ça a pris une énorme vague dès le départ. Mais en même temps, ça m’a ramené beaucoup de stress. Beaucoup de médias ont commencé à parler de moi en tant que “grand espoir du rap marocain” et c’est comme si c’était un poids lourd sur mes épaules. Car quand je voulais sortir une musique, je devais bien la travailler. Mais en même temps, je ne pouvais pas le faire car j’ai eu pas mal de problèmes liés à une signature… mais bon dans l’ensemble, je l’ai bien vécu et j’ai bien apprécié la montée des chiffres.  

HHC : Tu vis essentiellement en France où tu as une activité professionnelle à Paris. Mais vu ton succès grandissant, est-ce que tu ne songes pas à te consacrer entièrement à la musique ? 

Ouenza : Franchement, c’est la question que je me pose depuis que j’ai commencé la musique. Après, j’ai envie de te dire que ça va au-delà de l’aspect financier mais je ne peux pas vivre en France si je n’ai pas un titre de séjour. Donc je dois bosser pour l’avoir. C’est la manière la plus sûre de l’avoir et d’être sûr de l’avoir. Je ne peux pas sacrifier tout ce que j’ai fait depuis le départ pour un truc qui aujourd’hui n’est pas encore trop sûr. Mais peut-être que lorsque je verrai que la musique m’offre bien plus que le boulot, la question ne se posera plus. 

HHC : Tu as bouleversé le rap game en invitant ses acteurs à kicker autour d’un freestyle Ok Wait Challenge. Peux-tu nous en dire plus sur cette campagne qui continue de “vivre” sur Instagram ? 


Ouenza : Le Ok Wait Challenge, franchement, je ne m’attendais pas à ce que ça prenne autant d’ampleur. Je l’ai fait avec une bonne volonté. On était entre potes, en plein Ramadan, et il n’y avait pas grand-chose à faire. Les gens avaient kiffé un freestyle que j’avais fait, et vu que je ne savais pas que je pouvais faire des freestyles tous les jours, j’ai invité deux rappeurs et on verra ce que ça va donner. Et là boum, il y a un réel engouement autour du challenge. Je pense que c’est le truc auquel je dois mon petit succès. 

HHC : Depuis tes débuts, tu ne cesses d’innover que ce soit en termes de flows, d’imagerie ou de textes puisque tu mélanges souvent deux ou trois langues dans tes sons. Est-ce pour se démarquer ou tu cherches toujours à aller plus loin dans ta vision artistique ? 

Ouenza : Cet aspect de diversité, je ne le cherche pas. J’ai l’impression que c’est en moi. Vu que je suis né au Maroc, l’arabe ça coule. En même temps, il y a cette influence française puisque je suis en France depuis un peu plus de 7 ans. Du coup, il arrive que des mots en français se retrouvent dans mes textes. Et vu que je topline avec l’anglais, il y’a des mots en anglais qui se glissent aussi dans le texte. Je me retrouve en fin de compte à rapper avec trois langues. Il y a des gens qui aiment bien, d’autres qui n’aiment pas mais franchement, je ne cherche pas à me distinguer avec ça. Je cherche plutôt à me distinguer avec les thèmes que je choisis et les visuels que je fais avec Drisigner. Mais sinon, je pense que dans les prochains projets qui vont sortir, je vais essayer de montrer une image de moi que les gens ne connaissaient pas. Et c’est là où le travail artistique va commencer !  

HHC : Récemment, tu as sorti un court-métrage. On l’a apprécié à la rédaction mais d’où est venue l’idée d’une telle réalisation ? 

Ouenza : L’idée du court-métrage, je l’ai depuis tout petit. Sur ma chaîne Youtube, il y a des vidéos privées où c’est moi qui prenait la caméra HD de mon oncle avant de monter à la terrasse pour filmer, faire des montages et mettre des musiques de rap dedans. Donc ce court-métrage, c’était comme un rêve d’enfant que je rêvais de réaliser. Et puis j’ai rencontré WLDRB qui m’avait vu lors d’un concert avec ElGrandeToto, Shayfeen et Madd à la Bellevilloise. On a commencé à construire le projet tous ensemble, et puis voilà c’est venu de là. 

HHC : Raconter sa vie devant la caméra, ce n’est pas compliqué ? 

Ouenza : Non, ce n’est pas trop facile, sachant que ce j’ai raconté me touche énormément. Donc il y a pas mal de fois où je me suis littéralement effondré en larmes. C’était un peu difficile de me remémorer cette période critique dans ma vie. Mais voilà, c’était une ouverture que je voulais aux gens qui m’aiment bien pour leur dire “je ne suis pas cette personne que vous croyez”. 

HHC : Tu es le premier artiste marocain à avoir préformé en arabe sur Skyrock, que retiens-tu de cette expérience ? 

Ouenza : Pour Skyrock, franchement ce n’était pas facile, surtout quand on est le premier. J’avais les genoux qui tremblaient, mon texte a été écrit 2 ou 3 heures avant que je rentre. Car de base, je devais passer un vendredi mais finalement, mon passage a été avancé. Ils m’ont donc un peu pris par surprise. Mais je retiens que c’était une très belle expérience et j’ai eu pas mal de bons retours par des labels français et des artistes français que j’appréciais quand j’étais jeune. C’était énorme. 

HHC : L’extraordinaire richesse du rap marocain contraste avec l’absence d’une véritable industrie du disque au Royaume. Est-ce que tu penses que la situation peut changer à l’avenir ? 

Ouenza : Je pense qu’il faudra faire une sensibilisation par rapport à tout ça. On ne va pas y arriver comme par magie, ça va prendre beaucoup de temps. Je pense qu’on doit se serrer les coudes entre rappeurs et montrer au public que le rap a changé et qu’il est devenu assez mature. Et c’est que comme ça qu’on pourra pousser les investisseurs à venir chercher notre musique. Car les investisseurs cherchent l’argent, ils ne cherchent pas le talent… et pour le moment, il n’y a pas d’argent à se faire dans le rap marocain, à part dans les concerts et des trucs du genre. 

HHC : En 2020, le téléchargement illégal pèse-t-il toujours sur un artiste marocain ?

Ouenza : Il pèse bien. Il pèse trop même. Dès qu’un morceau sort sur les plateformes de streaming, tu le retrouves sur Youtube dans les 5 minutes qui suivent. Sinon, il y a une application qui s’appelle Telegram où il y a tous les sons de tous les rappeurs marocains qui fuitent. Ce qui est compréhensible car les gens n’ont pas trop les moyens. Le pouvoir d’achat marocain ce n’est pas comme celui des Français ou des autres pays occidentaux. Les gens se disent “on n’ pas l’argent” ou “on n’a pas de carte bancaire”. C’est tout un système économique qui fait que les gens songent au piratage. Et en général, les gens qui écoutent du rap marocain au Maroc n’ont pas de carte bancaire et ne peuvent pas se payer un abonnement sur les plateformes de streaming. 

HHC : Au-delà de l’absence de maisons de disques, comment expliquer le succès du rap marocain dans un pays où les médias lui accordent peu d’importance ? 

Ouenza : Je pense que le succès est dû à la persévérance de tous les rappeurs marocains qui montrent amplement aux gens qu’on peut bien travailler, sans avoir le soutien des médias. Au final, nous sommes nos propres médias, c’est nous qui créons notre buzz, c’est nous qui créons notre propre image. Et du coup, les gens commencent à s’y intéresser parce qu’ils se voient dans ce mouvement. 

HHC : Mais sinon, quels sont tes prochains projets musicaux ? 

Ouenza : Je bosse sur un EP mais, je ne peux pas donner de date de sortie. Comme je l’ai laissé entendre, j’ai beaucoup de problèmes avec mon label et je ne sais pas quand ça va sortir. On travaille en slowmotion de ouf mais j’espère qu’il sera prêt pour le mois de septembre. C’est ce que je veux au fait. Sinon dès que les frontières seront ouvertes, il faut que je clippe un morceau qui me tient à coeur au Maroc. Mais voilà, il y a sûrement un morceau et un EP qui vont sortir.