Claude Honoré M’Barali, plus connu sous le nom de scène MC Solaar, vient de fêter ses 50 ans. Pour rendre hommage à ce grand monsieur du rap français, nous avons choisi de décortiquer son hit ultime “Bouge de là” sorti en 1990 et qui a grandement participé à médiatiser le hip-hop à une époque où celui-ci était totalement ignoré des télévisions et radios.
Un tube non calculé
Né au Sénégal, Claude MC fait ses armes dans le bouillonnant milieu hip-hop parisien de la fin des années 1980. Certains Mc’s comme Ministère A.M.E.R. et Assassin ont déjà une certaine reconnaissance, mais disposer d’un succès grand public n’est même pas un rêve, tant la marche à gravir semble immense. Surtout, les propos anti-système et insultes les mettent automatiquement à distance d’une partie de la population.
Habitant de Maisons-Alfort, MC Solaar pose ses premiers textes en soirée et vient régulièrement dans l’incontournable émission de Radio Nova Deenastyle, animée par Lionel D et Dee Dasty. “Bouge de là” (1990), il l’écrit sans rien attendre en retour, pour l’amour de la musique : “Au départ, deux ans avant la sortie, c’était juste une improvisation sur un instrumental. Bouge de là, c’était notre expression du quartier pour dire : Casse-toi. Ce n’était pas du tout destiné à devenir un disque.”
Mais très vite, tout le monde devient fou du morceau, qui s’échange et se démultiplie sur les lecteurs cassette. Dans le même temps, Olivier Cachin crée la première émission dédiée uniquement au rap. “Rapline” débarque sur M6 en 1990 et “Bouge de là” à droit à son clip qui tourne en boucle sur la chaîne nationale.
Le triomphe du rap cool
Comment “Bouge de là” à réussi à se distinguer de la masse pour toucher toutes les strates de la population ? Solaar y raconte ses déboires à la première personne dans un storytelling maîtrisé et surtout empli d’humour. Il multiplie les références communes à tous, permettant à chacun de s’identifier. Qu’elles soient géographiques : “Ensuite, il me dit qu’il pue, qu’il faudrait qu’il se baigne /J’lui dis : “Jette-toi dans l’égout, t’arrives direct dans la Seine!” ou issues de la culture Pop : “Il me dit / “Claude M.C., est-ce que tu veux qu’on s’boxe ?” / ses hématomes étaient plus gros qu’les seins de Samantha Fox !”.
“On sait qu’il faut un thème un peu léger pour que les radios puissent se dire : “ça nous parle parce que les références, on les connaît, on les apprécie, ça va.” analyse Olivier Cachin dans le livre “Rap ta France”. Sans le savoir, MC Solaar a tapé juste. Musicalement, son flow est assez lent pour être parfaitement intelligible et assez rythmé pour représenter une innovation. Surtout, l’instrumental est puisé dans un sample du groupe de funk britannique Cymande et apporte une touche mélodieuse bien éloignée des beats froids des Assassin et Iam de l’époque.
Le début d’acceptation de cette musique
“Bouge de là” devient alors un tube radio national : “La première légitimité officielle du rap français, c’est MC Solaar qui était – et ce n’était pas du tout de sa faute, c’était la vision qu’en avaient les médias – le “bon noir” note Cachin. Dandy des quartiers, éduqué, avec un vocabulaire riche et un sens de l’humour certain, il représentait la figure de proue idéale pour les médias mainstream et l’industrie du disque. Celle qui rassurait les décideurs d’investir dans ce nouveau filon juteux.
En comparaison de la plupart des rappeurs bruts de décoffrage “Solaar est autre chose, il est un poète. Avec son tube “bouge de là”, c’est vraiment lui qui a amorcé le début d’acceptation de cette musique.” Le parcours pour la reconnaissance du hip-hop en France s’avérera long et semé d’embûches mais d’autres viendront prendre le relais médiatique de ce pionnier, Iam en tête avec le hit “Je Danse le Mia” en 1993.
Presque 30 ans plus tard, MC Solaar a huit albums studios à son actif et a ouvert la voie pour que le rap soit la musique la plus écoutée en France en 2019. Avec poésie, talent et conviction. Et sa chanson la plus marquante restera à jamais “Bouge de là” sorti un jour d’été 1990.