Ça y est, l’album le plus attendu de ce début d’année est là. Car même si d’autres grosses pointures comme Fianso ont sorti un album en janvier, personne ne sait jamais vraiment ce qu’il y aura dans un album de Vald. Pour les autres artistes, on s’en doute, mais pour lui, on peut s’attendre à tout et n’importe quoi. C’est ce qui fait son charme. Sa manière de brouiller les pistes avec le public, les médias, et même dans ses raps (on ne sait pas souvent s’il est premier ou second degré) fait partie du personnage. Du coup, après le succès de “Agartha”, où on trouvait de nombreux singles assez surprenants comme “Ma Meilleure Amie”, on se demandait bien à quoi allait pouvoir ressembler “Xeu”, ce deuxième véritable album solo.
D’autant qu’entre le single “Désaccordé”, et la fuite d’un projet surprise il y a deux semaines, on ne savait plus trop où donner de la tête. Les univers n’avaient pas grand chose à voir, par exemple. Et puis cette cover toute blanche, pleine d’interrogations alors que celle d’Agartha était plutôt explicite, était troublante également. Heureusement, avec “Xeu”, Vald a répondu à toutes ces interrogations, et de fort belle manière : en nous prenant complètement à rebrousse poil, et en nous emmenant toujours plus vers la facette sombre de sa personnalité.
Putain ce qu’on est primitifs
Et on le voit dès le début du projet, l’humeur est loin d’être à la fête. Globalement, Vald se pose en observateur : il observe sa propre vie, ses propres pensées, ainsi que les actes des gens, et jette un regard très négatif sur notre nature primaire. En se mettant, souvent, lui même en exemple en tant que jeune gars perdu dans cette société de la consommation et de l’éphémère. Le premier morceau de l’album, “Primitif”, est parfaitement dans cette veine là.
Même lorsqu’il fait le débile, sur des morceaux avec des textes qui semblent débiles, ça n’est jamais innocent ni anodin. Comme pour “Possédé”, certains y verront un single qui copie un peu les codes de la nouvelle génération US aux States comme Post Malone, etc… avec pour seul but de divertir, mais d’autres percevront que Vald veut nous montrer le côté vain de tout ça, déshumanisant, et au fond, assez triste. Même sur “Chépakichui”, qui pourrait ressembler à n’importe quel autre banger (avec de meilleurs rimes tout de même), il nous place un “ves-qui l’suicide” dans le refrain, qui passe l’air de rien, mais qui montre bien que lui aussi sait qu’il est à deux doigts de la dépression profonde, comme beaucoup aujourd’hui. Une sorte de “mal du siècle” qu’on soigne comme on peut, à coups de joins, de sirop et de “Xeu”, pour la nouvelle génération…
Plus jamais heureux, plus jamais triste, comme dirait Sadek, Vald renvoie l’image d’un gars en quête du sens de l’existence, de la sienne, de celle des autres, et n’en trouvant aucun, il se balade au milieu de tout ça en se déshumanisant progressivement. Conscient qu’il est adulé et capable d’épater la galerie, il semble que ce nouveau statut ne le satisfait pas beaucoup plus que l’ancien, comme on peut le comprendre avec “Résidus”. Mais finalement, il compte bien faire quelque chose de ce talent qui lui a été donné, s’en servir pour bâtir quelque chose de grand avec les siens, pour laisser quelque chose à Charles, son fils, même si’l le mentionne assez rarement.
Tirer vers le haut
Et pas seulement : si lui veut pouvoir se dire qu’il a fait quelque chose de bien avec son rap et l’argent que ça lui a apporté, il a surtout toujours clamé vouloir faire de la musique pour tirer le rap et les gens vers le haut. Dès ses débuts, il s’attaquait aux codes du rap, qui ressasse toujours les mêmes thèmes continuellement (drogues, prison, difficultés, violence, criminalité, etc…), et il continue avec “DQTP” par exemple, mais ces faux rappeurs en prennent une petite sur chaque son.
Vald est conscient de son potentiel, des gens l’écoutent, de plus en plus, et il a trop d’orgueil pour leur offrir du rap “comme les autres”. Lui a choisi de faire le faux-clown derrière un micro pour tenter d’exorciser ses démons, et comme les gens ont adhéré, il est résolu à rester un personnage unique dans ce rap, à toujours chercher à se démarquer, à se différencier, bref, à finalement tirer le rap vers plus de créativité : “fuck être un oiseau dans l’trap, une perruche dans l’wrap, fuck être un putain d’macaque”. Pas question de singer les autres et de se faire manger par les codes écrasants de l’industrie, il cultive sa différence, même si ça le coupe un peu plus des autres.
Finalement, tout n’est pas si noir, et Vald a trouvé un sens à tout ça : chacun doit essayer de s’améliorer, de sortir de sa condition d’homme primitif, et de tenter d’accomplir les plus grandes choses possibles. Si lui y est arrivé alors que c’était un branleur invétéré au cerveau rongé par les vices de notre société actuelle, c’est que c’est possible pour tout le monde.
Au delà du message, on a un album assez varié malgré son ambiance sombre bien plus présente que sur “Agartha”. Des bangers, des titres plus “fleuves”, et des invités au rendez-vous. Suikon’Blaz AD est évidemment fidèle au poste, comme depuis le début, Sirius a également répondu présent, et Sofiane est venu pour nous livrer un des titres les plus perchés du projet. Car la musique, c’est aussi fait pour divertir, et Vald le fait à merveille en jouant avec les mots tel un troubadour dans “Dragon”, “Rocking Chair” ou “Jentertain”. L’album est très dense, mais on vous conseille quand même de l’écouter d’une traite pour bien tout saisir. Car il y a encore énormément de choses à dire sur cet album, mais on ne va pas vous gâcher toute la surprise !