“Première consultation” de Doc Gynéco : l’album qui a retourné le rap français

“Première consultation”, le premier album de Doc Gynéco fête aujourd’hui ses 24 ans. Marquant l’avènement d’un personnage atypique, ce disque a autant été une révolution à l’époque qu’il s’avère être aujourd’hui un classique immarcescible du rap français.

Le son G-Funk à la française

Dans la définition d’un classique, la valeur temps est primordiale. Est-ce un album qui s’écoute avec autant de plaisir malgré les années qui passent ? Pour “Première consultation”, la réponse est évidemment oui, autant dans les thèmes que les sonorités.

Le disque est tout simplement considéré comme un des mieux mixés de l’histoire du rap français. Il faut dire que Doc Gynéco et son équipe sont allés enregistrer l’album à Los Angeles – temple de la production à l’époque – avec le support de musiciens live pour créer les instrumentales. Sous la houlette de l’ingénieur du son Ken Kessie, qui a notamment travaillé pour Whitney Houston, le rappeur veut marquer sa différence. La grande majorité des productions sont donc logiquement sous l’influence du G-Funk, en vogue dans les années 1990 et pour lequel le Doc s’est entiché dans sa jeunesse. Être aussi pointilleux dans la musicalité constitue déjà en soi une révolution au sein d’un rap hexagonal qui regarde beaucoup ses propres baskets.

Un personnage atypique

Doc Gynéco faisait partie des précurseurs d’un rap décomplexé. S’assumant parfaitement dans le rôle du lascar détaché qui aime les filles, plutôt que dans celui du voyou. Le rap, il le fait et le vit mais n’en a pas grand chose à faire. Jusqu’à le clamer haut et fort dans le titre “Classez moi dans la varièt”. Il se place en opposition aux “zoulous” profondément ancrés dans la culture hip-hop. Lui est plutôt pop culture, Michel Platini et Diego Maradonna.

Il fait partie des rares artistes à manier l’humour, sur quasi chacun de ses morceaux. Employant l’autodérision sur “Si tu crois que je pèze”, la séduction grivoise sur “Vanessa”, la moquerie sur “Les filles du moove”. Mais il n’est pas seulement ce pote décalé un peu stone. Doc Gynéco peint aussi la diversité de son 18ème arrondissement dans l’excellent “Dans ma rue”. Une fresque sociale ancrée dans son environnement, paradoxale puisqu’il fait généralement figure de personnage lunaire, déconnectée. Dans sa rue, les “lascars” côtoient les “chinois”, les “youpins”, les “péripatéticiennes” et les “clodos” dans un joyeux bordel.

Un succès fulgurant

Véritable ovni dans la scène française, Doc Gynéco connaît un succès fulgurant avec son premier album. Le fait de chanter des sujets universels, les filles ou encore la dépression – sur “Nirvana”, et d’être un personnage doux et souriant, bien qu’en dehors des codes, lui permet de conquérir un large public. Il ne se place aucunement comme un rappeur revendicateur, ce qui déplait à une partie du public rap à l’époque, qui considère alors – à tort – qu’un bon rappeur se doit d’être dénonciateur.

Peu importe, le phénomène Doc Gynéco dépasse la frontière des genres. “Première consultation” s’est écoulé à plus d’un million d’exemplaires, restant à ce jour un des albums les plus vendus de l’histoire du rap français. Avec ses nombreux tubes et la parfaite alchimie entre l’exigence musicale et le naturel du propos, porté par un flow nonchalant, l’album se place parmi les disques pivots de l’histoire du rap français. Un moment où le public a compris que le rap n’était pas seulement le terreau de revendications politiques mais aussi un grand terrain de jeu pour qu’un artiste atypique et talentueux nommé Doc Gynéco puisse exprimer son univers.

Première consultation en streaming

Sim
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