CLASSIQUE RAP FRANCAIS
Retour aux sources avec notre cher rap français pour ce début de semaine ! Si vous avez déjà terminé votre réécoute de l’album “2001” de Dr. Dre dont nous parlions hier, alors il est grand temps de vous abreuver de nouveaux sons ! Pour ce faire, je ne serais guère original pour aujourd’hui penserez-vous car nous allons aborder un classique ultime du rap français, l’hymne entre tous que vous connaissez assurément ! Et pourtant cela ne fera pas de mal de se réécouter ça, bien au contraire ! Nous avions déjà préalablement vu leur travail avec le titre “La Lettre” dans un précédent Retour vers le classique, aussi aujourd’hui allons-nous nous tourner vers “Le Crime Paie” sorti en 1996 du mythique duo Lunatic.
On a déjà eu l’occasion de parler et de toutes façons, nul doute que vous êtes déjà plus que familier au duo Lunatic composé d’Ali et de Booba, point de départ de l’immense carrière de ce dernier. D’aucuns affirmeront qu’à eux deux, ils possèdent un nombre plus que conséquent de classique, mais si aujourd’hui le choix s’est porté sur “Le Crime Paie”, c’est principalement parce que le succès des deux MC’s est en grande partie dû à ce titre qui est le tremplin de leur carrière (et accessoirement aussi du label Hostile). Il faut dire que le texte à lui seul à fortement marqué le public rap français à son époque, les deux artistes faisant l’apologie de la débrouillardise (“Voyons, ici chacun avance selon ses moyens”) mais surtout, l’assumant en dépit de la loi (la réputation du refrain “seul le crime paie” annonce déjà la couleur). Plus qu’une simple idée, c’est l’essence même du morceau qui diffuse la détermination de ceux qui l’interprète, diffusant un message fort de rébellion:
“Je suis hors-la-loi, devant elle je veux pas ramper”
N’oubliant pas leurs origines, les rappeurs n’hésitent pas à faire valoir le fait qu’ils ne sont pas seuls dans la galère, comme le rappelle Ali au début du premier couplet (“Dans mon quartier, les frères ont le même emploi/Seul le crime paie et la nuit, ils se déploient”). Aussi, on n’hésite pas à faire allusion au crime, sous entendant le racket et l’humiliation (“Frappe, j’les mets à poil comme en garde à vue, enlève tes lacets/Tes chaussures, ton jean, ton pull, ton bracelet”) faisant par la même référence aux gardes-à-vues ou encore le cambriolage (“Je m’introduis la nuit, quand les gens sont endormis”). La vision jusqu’au-boutiste de leur entreprise se révèle également au refrain, la phase “Seul le crime paie, aucun remord pour mes pêchés” traduisant bien cet état d’esprit. Egalement, l’argent se présente comme la seule motivation, la monnaie ou les billets étant mentionner à plusieurs reprises comme but principal. Plusieurs thèmes sont évoqués, Booba évoquant ainsi le système scolaire (“Me parle plus d’école, je sais qu’les re-frés déconnent”) et plus globalement la vie de la rue, mentionnant même le code qui l’organise (“Le code de la rue est rude, pas besoin de permis”). Concluant avec l’idée de solidarité, la force qui unit le duo est rappelé en fin de couplet (“C’est le festin des deux Lunatic, tu veux en teste un/Si tu en tues un, protège ton dos! Il en reste un”).
La rue à toujours été évoqué depuis les prémices du rap et l’est encore aujourd’hui, pourtant Lunatic a su l’aborder d’une nouvelle façon, qui a détonné et leur a créé une notoriété. Leur franc parlé a su séduire, avec cette façon d’assumer le crime et même de le revendiquer, sans honte aucune. Pourtant, cette vision est finalement réfréné par Ali qui, des années plus tard, confiera regretter des textes aussi violents:
“Je suis allé trop loin. Certains me disent : “C’est pas grave, c’est de l’art”. Pour moi, rien ne doit justifier cela. Humainement et intérieurement, je me dis que j’ai dépassé les limites. Mais je le savais déjà quand j’ai fait le morceau puisqu’à la fin, je conclus en disant : “Le crime est un piège, mon Dieu j’ai mordu l’appât. On balance quand même “Aucun remords pour nos péchés”. Je trouve que c’est grave. Sans le réécouter, je me rends compte que je n’étais pas dans un bon élément, un bon parcours de vie. C’était un mauvais passage. Artistiquement il y a eu de bonnes choses mais sur le plan humain, je ne suis pas fier de ce que j’étais. Aujourd’hui, je suis heureux d’être libéré de tout ça”
Quoiqu’il en soit, qu’on partage sa vision d’avant ou de maintenant, “Le Crime Paie” reste un morceau d’anthologie pour le rap français, qui fait encore parler de lui aujourd’hui, et en bien malgré les regrets d’Ali. Aucun remords pour le classique…