Mac Tyer, celui qui écrit la street en poésie [Chronique]

A 40 ans, Mac Tyer continue d’écrire son histoire dans le rap français. Dans “20 ans”, un des singles de son dernier album “C’est la street mon pote” (2018), il résumait en quelques mots ce qu’il a fait tout au long de sa carrière : “J’écris la street en poésie”. Un artiste qui a toujours eu le soucis de parler de la rue de manière brut, tout en décrivant sa complexité. De Tandem à ses éclats récents, retour sur la carrière d’El General.

Les débuts avec Tandem

L’histoire de Mac Tyer commence à Aubervilliers avec son acolyte Mac Kregor. Ensemble, ils fondent le groupe Tandem au début des années 2000. Leur première apparition sur disque se fait sur la compilation “Mission Suicide” en 2001. Deux titres marquants dont le survitaminé “Sport de sang” en featuring avec Busta Flex et Dad PPDA.

Très vite les deux rappeurs du 93 développent une identité marquée : celle d’une musique profondément marquée par le bitume de leur ville. Et par les histoires qui s’y déroulent. Mac Tyer et Mac Kregor content leur vécu avec une rage et une amertume qui parlent à une jeunesse qui leur ressemble. Leur premier projet “Ceux qui le savent m’écoutent” sort en 2001. Dans son morceau solo “Imagine”, Mac Tyer se détache du béton et évoque des sujets plus globaux, comme Nelson Mandela et la guerre en Irak. Preuve que sa palette de thèmes est large. Mais toujours dans une logique de dénonciation du système.

L’hymne 93 hardcore

Le premier véritable album de Tandem ne sort qu’en 2005. “C’est toujours pour ceux qui savent” marque l’apogée de la carrière du duo. Le disque s’ouvre sur l’hymne de tout un département “93 Hardcore”.

Un titre d’une violence encore rare dans le rap français. Ils racontent leur banlieue sans équivoque, pour le meilleur et pour le pire. La phase de Mac Tyer “J’baiserai la France jusqu’à c’qu’elle m’aime” représente parfaitement ce sentiment d’urgence et d’abandon ressentis par toute une communauté. Un classique qui résonne encore aujourd’hui dans les têtes, porté par un refrain unificateur : “93 Hardcore ! Levez les bras si vous êtes forts”. Après un relatif succès commercial mais un massif succès critique, les deux compères vont embrasser une carrière solo.

Patrimoine du ghetto et solos

Fin 2005, Mac Tyer produit la mixtape “Patrimoine du ghetto”, entièrement réalisée par Jo le Balafré. Sur le titre éponyme, Socrate s’associe à un autre ponte du rap conscient Kery James. En découle un clip passé à la postérité. Dans un pass-pass légendaire, les deux Mc’s s’invectivent. La seule raison ? Ils ne viennent pas du même ghetto. Une idée originale pour montrer par l’absurde que les tensions qui règnent entre quartiers sont construites sur du vent. Quelques phases mythiques restent en mémoire comme “T’as rien d’un voyou, t’es juste une voyelle” et “Parle pas mal, man ! M’appelle pas man, man, j’suis pas rasta man”.

https://www.youtube.com/watch?v=ypZC_Crv6w4

Malgré sa signature en maison de disque, chez Because, les albums de Mac Tyer rencontrent un succès mitigé. Il faut dire que l’époque n’est pas propice aux rappeurs français, dont les ventes sont historiquement faibles. Dans tous ses albums, dont le premier “Le Général” sort en 2006, il sort des morceaux marquants mais aucun projet n’est aujourd’hui considéré comme un classique. La faute à des instrumentales moyennes et à un trait de caractère qui fait aussi sa qualité : il n’aime pas rapper toujours de la même manière ni rester bloquer à une époque.

Un renouvellement constant

Mac Tyer varie entre le rap brut de ses débuts – ses trois opus “Banger” sont une belle preuve de sa capacité à toujours assurer sur du rap boom-bap – et des sons plus chantés. Un des morceaux qui a le plus marché pour lui ces dernières années est “Un jour peut-être”, qui explore le thème de l’amour avec une douceur qui tranche radicalement avec la brutalité d’un “93 hardcore”. Preuve qu’il a su conquérir un nouveau public en s’ajustant aux tendances actuelles, sans les copier.

Mais il peut toujours rapper “à l’ancienne” et caler des rimes au kilomètre, comme sur “Il se passe quoi” avec Kaaris et Sofiane. Surtout il a réussi à développer une image de tonton bienveillant. Par sa musique mais aussi par ses actions. Il a par exemple découvert le jeune rappeur Rémy, lui aussi issu d’Aubervilliers, qui connait maintenant un beau succès. Il est également toujours aussi proche du terrain. Depuis plusieurs années, il fournit des fournitures scolaires aux enfants dans le besoin. Toujours dans sa ville. Comme il le dit dans son titre “Chez moi” : “J’suis là pour inspirer les frères pas pour les mener à la dérive”. Et c’est sûrement là sa plus belle réussite.

 

Sim
Sim

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