image the game documentary classique

Classique : ”The documentary” de The Game

Combien de MCs talentueux sont sortis du district de Compton à Los Angeles ? On a pas assez de doigts pour les compter. Le quartier semble être une sorte de pépinière du rap et du hip hop en général, une sorte d’école, un peu à la manière de la ville de Boulogne en France : des groupes et des MCs qui apparaissent tous les ans, et qui deviennent presque tous à un moment une des stars du rap. Pour Compton, on peut citer Dr.Dre, Eazy-E, Ice Cube, Coolio, et encore des dizaines d’autres. Et puis, au début des années 2000, on a vu l’arrivée d’un jeune gars assez grand (1,92m) dans les rues de Compton, avec une dégaine à faire peur : The Game.

Un gars qui n’avait pas eu une vie très facile, comme tous les enfants du quartier. Il décrira d’ailleurs plus tard sa famille comme instable et dysfonctionnel, mentionnant que son père tapait régulièrement sur sa sœur. Ses parents étaient tous les deux membres d’antennes locales des Crips. The Game, en grandissant, ira lui voir du côté des Bloods. Un passé assez agité donc, mais surtout, un intérêt pour le ra qui grandit.

Cet intérêt va très vite se transformer en un premier album studio, du nom de ”The Documentary”. Un album qui va remettre Compton sur la carte, car la ville était un peu orpheline de superstars depuis que Dr.Dre se concentrait plus sur la production. Avec ce projet, The Game va surtout devenir un des gars les plus géniaux de ce moment du rap, le début des années , où le gangsta rap se propage partout et prend différentes formes. The Game va lui choisir une forme très mélancolique, très personnelle, assez triste, et donc éloignée des standards du gansgta rap où tout le monde glorifie la rue et les guerres de gang.

La fin de la West Coast ”cool”

Jusqu’à ”The Documentary”, le rap West Coast arrivait à combiner une attitude très gangster avec des sons parfois très joyeux, très dansants, très ”chill” comme ”It Was a Good Day” d’Ice Cube, ou ”Nuthin But a G Thang”. Mais The Game, lui, a pris le parti sur ce projet de donner uniquement dans le gangster, avec un projet repli de bangers (tous les tracks en sont un presque). Plus question de chiller, The Game a grandi dans la violence constante, et il restitue ça dans sa musique. Le titre ”No More Fun and Games” résume assez bien cet esprit, on n’est plus là pour jouer.

Cet album met un point final à la domination de la G-Funk, qui existera toujours mais de manière beaucoup plus anonyme. La tendance est désormais au sérieux, aux drames, au ghetto dans ce qu’il a de plus difficile à vivre. The Game, véritable écorché vif, voulait ainisi montrer que lui avait réussi à bien s’en sortir, il y était même dans son élément, mais en même temps, il constate : ”regardez ce que ça a fait de moi…”. Abîmé par la vie, The Game ous livre son documentaire sur Compton, ses guet-apens, ses deals qui tournent mal, ses familles détruites, ses drive-by.

Même s’il reste un homme, bien entendu, et qu’il parle aussi un peu de relations hommes/femmes, comme dans ”Don’t Worry” avec la reine Mary J. Blige, ou ”Don’t need your love” avec Faith Evans. The Game joue le rôle du gangster au cœur froid, ou plutôt, à celui qui ne veut pas tomber amoureux, par peur que ça finisse en drame à cause de sa vie de gangster. Il va également parler de sa relation avec son père, dans le dernier titre du projet, avec Busta Rhymes. Il nous livre une véritable photographie de ce qu’était sa vie à cette époque, et au vu du succès du disque, il est évident qu’il a réussi à toucher énormément de monde, qui se reconnaissait là-dedans.

L’adoubement du petit prince

Cet album, c’est surtout le symbole du couronnement de The Game sur qui toute l’intelligentsia du rap fait un gros pari. Les gros bonnets du rap game comme Dr.Dre, Eminem, et 50 Cent, n’hésitent pas à mettre directement un gros billet pour faire de The Game la future star. The Game, c’est un pur produit de l’industrie rap, puisqu’il est produit par Dre ; signé (un court moment) chez G-Unit, et poussé également par Enimem, qui lui a accordé un feat et la production d’un titre, ”We Ain’t’‘. En plus de ça, des mecs comme Scott Storch, ou Havoc, sont également venus travailler sur le projet, preuve que tout le monde est certain que ça va marcher.

Et au niveau des featurings, la liste d’invités ferait pâlir n’importe qui. On a donc les deux plus grandes stars du RnB féminin (juste derrière Beyoncé), Tony Yayo, membre de G-unit, Eminem, Busta Rhymes, mais également Nate Dogg, la machine à refrains la plus célèbre du rap. Et ils se greffent tous à l’univers racailleux de The Game sans aucun problème, preuve supplémentaire que le rappeur est solide, et qu’il ne se laisse pas marcher dessus alors que tous ses invités sont déjà des stars confirmées.

U nombre de bangers et de hits incroyables. Mais surtout, des collaborations avec 50 Cent qui sont tout simplement légendaires. D’ailleurs, on peut même se poser la question : ont-ils déjà été aussi forts, chacun de leur côté, pendant toute leur carrière, que sur ”How We Do” ou ”Hate It Or Love it” ? Ça mérite réflexion. Pour notre part, on va se contenter de dire que c’était un des duos les plus prometteurs de tous les temps. Mais que les clashs et les égos vont, comme souvent dans le rap, mettre fin à ce qui aurait pu être une des plus belles aventures du rap, à peine un an après la sortie de l’album…