Certains classiques viennent de nulle part. A vrai dire, quelques années après, on se demande toujours comment les étoiles se sont alignées pour qu’à ce moment là, un titre ait autant de succès et sois travaillé de manière quasi parfaite. C’est exactement ce qu’on se dit pour le premier album de Xzibit qui est à vrai dire lui aussi sorti de nulle part. A peine un an après ses premières apparitions dans le son aux côtés de The Alkaholiks, Xzibit nous livre un petit chef d’oeuvre qui va le faire rentrer sur le devant de la scène hip hop US.
L’album ”At the spedd of light” est assez incroyable, car il a des influences d’un peu partout, alors même que la rivalité est/ouest n’a jamais été aussi forte. Notamment des influences new-yorkaises, mais aussi, évidemment, de Californie ou du Sud plus généralement. Le projet contient notamment le hit ”Paparazzi’‘, et tout un tas d’autres très bon titres, ce qui lui permettra de faire exploser le rappeur aux yeux du grand public.
Le nom de l’album est particulièrement bien trouvé, car s’il rappe depuis ses 14 ans avec ses amis, le premier projet qu’il livre à 22 ans est d’une maturité incroyable pour son âge, tant au niveau des paroles qu’au niveau du personnage et de son univers, très travaillés. On peut donc dire qu’il est arrivé dans le rap à la vitesse de la lumière. Le morceau plein d’amour et de force qu’il a écrit pour son fils, ”The Foundation”, en est la preuve vivante : un concentré de maturité, de lucidité, pour un tout jeune papa de 22 ans. Et u morceau classique !
Énormément d’amour
Ca peut paraître une banalité comme ça, mais on trouvait important de le mentionner, car les rappeurs qui mettent en scène leurs sentiments, qui parlent d’amour, ne sont pas toujours très nombreux, préférant souvent jouer aux durs, ou à celui qui multiplie les conquêtes. Les vraies chansons d’amour sont assez rares, et celle-ci est particulière parce qu’elle s’adresse à son fils. Un amour sans limites, puisque X’ avoue presque aimer son fils plus que lui-même, plus que tout le reste même : ”When I Look you in your eyes i can see my own, Straight love manifested in flesh and bone, you’s a breath of fresh air in this world of shit”.
Le morceau s’appelle d’ailleurs ”The foundation”, soit la fondation, la base, ou le fondement, et on peut y voir un double sens : d’une part, X’ donne à son fils les bases de la survie dans le ghetto, des conseils fondamentaux qui constituent la base des règles de la rue. D’autre part, on voit bien que son fils est devenu son nouveau centre de gravité, sa base, et sa ”foundation” donc. On le voit notamment au début du dernier couplet : ”You are the foundation, beginning of a new generation”.
Ce qu a frappé X’ par dessus tout, c’est que son fils lui ressemble beaucoup, physiquement, ce qui justifie cette liste de conseils parfois un peu gangster : le fiston va suivre les traces de son papa, c’est sûr ! Mais du coup, il sera confronté à tout un tas d’obstacles parfois assez dangereux, d’où la mélancolie de l’instrumentale.Cette mélancolie est importante car elle n’est alors plus trop à la mode du côté de LA, où la G-Funk continue encore de tout rafler. A vrai dire, l’instru semble presque new-yorkaise, et c’est normal, puisque c’est le grand DJ Muggs, né dans le Queens, qui l’a composée. Mais dans les yrics, on retrouve bien l’esprit West Coast.
Des conseils assez street
On va se contenter de citer quelques phases qui parlent d’elles-mêmes : ”All these bitches and women, son, please be selective, This is California can’t stick your dick in everything, We wil survive necessarily by any means”. Dans cette phase, on retrouve à la fois une petite référence à la mort d’Eazy-E, le côté coureur de jupons, mais aussi le côté ”il faut survivre malgré les menaces qui nous guettent” comme si une force invisible néfaste cherchait à vous tuer. Et ça, Tupac en était le spécialiste. Un couplet qui est donc dans la filiation du chef de file du mouvement. On trouve des dénonciations des bavures policières, ”It’s the 90’s the police juste arrest you, Disrespect you on occasion take life by the time you come of age the’ll probably blast on sight”, et ça aussi, dénoncer les actes de la police, c’est un des grands passe-temps des rappeurs de l’Ouest.
Le deuxième couplet est vraiment gangsta, puisque Xzibit annonce à son fils qu’il est l’héritier d’une longue lignée de dealers, de tueurs, de fumeurs d’herbe, et que tout ça va forcément l’influencer. X’ veut aussi que son fils soit un vrai bonhomme, vigilant, qu’il choisisse ses amis roches avec soin, et qu’il reste lui-même. Des messages qu’on retrouvera par la suite dans toutes les chansons de rap US : ”keep it real”, ”beware of the serpent”, et tout un tas de conseils visant à faire de son fils quelqu’un de respectable.
Après un deuxième couplet très ”code de la rue”, le troisième est beaucoup plus spirituel et intéressant, avec un appel à l’élévation pour son fils. Il veut que son fils devienne rapidement autonome, qu’il fasse ses propres plans, et surtout, cette phrase : ”Be prepared fo the worst, but expect the best, no matter where life takes you, come home to the West”. Un vrai conseil de papa du ghetto, être préparé au pire, mais exiger le meilleur. Et ne pas oublier de rendre visite à la famille, sur la côte Ouest, même si la vie t’a emmené à l’autre bout du monde.
Un morceau très poétique, très touchant, à cause de la prod mas surtout à cause de la manière qu’a Eazy-E d’interpréter son texte, car il semble alors complètement apaisé. Pourtant, il n’a que 22 ans, et a surtout fait du gangsta rap énervé à ce moment là de sa carrière. Mais certains hommes sont remplis d’une sagesse insoupçonnée, et c’est ça qu’il est venu nous délivrer sur ce son !