Classique : la paranoïa des Geto Boys sur “Mind Playing Tricks on Me”

Quand Scarface, Willie D et Bushwick Bill nous invitent à explorer leur esprit tourmentée, ça donne le chef d’œuvre “Mind Playing Tricks on Me”. Retour sur le plus grand tube des Geto Boys.

Malheureusement trop peu considéré en France, le groupe de Houston Geto Boys fait pourtant partie des figures emblématiques du rap américain. Dès la fin des années 1980 et sur toute la décennie suivante, les membres fondateurs Scarface, Willie D et Bushwick Bill ont mis le Sud sur la carte dans un hip-hop jusqu’alors polariser entre Los Angeles et New York.

En 1991, les Geto Boys sortent leur troisième album “We Can’t Be Stopped”. Et sur ce projet figure le titre “Mind Playing Tricks on Me”. Alors que le morceau est à la base un solo de Scarface, ses deux potes sont venus poser dessus, probablement inspirés par le thème non conventionnel et la douce mélodie. Celle-ci contient des samples, comme cela se faisait énormément à l’époque, d’un classique de la soul (Isaac Hayes – Hung Up on My Baby) et de la funk (Larry Graham – Graham Central Station).

Une plongée dans les troubles mentaux

Pour comprendre la musique des Geto Boys, il faut parler de leur environnement. Issus des bas-fonds de Houston, tous ont connu la vie de rue, la vraie. Willie D a été incarcéré pour braquage, Scarface était un dealeur dans son adolescence et a fait un séjour en hôpital psychiatrique, Bushwick Bill avait la réputation d’être cinglé et a perdu un œil en se battant avec sa copine alors qu’il était ivre. Dérangés mais pas pour autant dénués de questionnement, le groupe arrive ici à résoudre une équation bien difficile dans le rap : parler de ses tourments tout en gardant cette fameuse “crédibilité” de rue.

Sur le premier couplet, Scarface confie ses doutes et ses peurs, nous plongeant dans ses pensées, aussi sombres que la ville la nuit tombée. “Je suis assis seul dans ma chambre entouré de 4 murs, éclairée par des bougies”. Très vite, la paranoïa le gagne : “Je dors avec un doigt sur la gâchette.” Il regarde derrière lui, se sent suivi et écouté. Willie D prend la relève : “Quand vient la nuit, rien ne va plus”. Comme son compère, quelqu’un en a après lui : “Serait-ce celui que j’ai tabassé pour 5 000 dollars ?” se questionne-t-il. Dans ce pass-pass, Scarface enchaîne mais semble se ressaisir quelqu’un peu : “Je pense au suicide […] mais si je meurs mon gosse sera un bâtard”.

Un ovni devenu un tube

Puis vient le dernier couplet, servi par Bushwick Bill. Le rappeur, reconnaissable par son nanisme, livre un conte d’halloween à la sauce Geto Boys. Le clip représente bien le déroulé de l’histoire : Bill déambule dans les rues avec les Geto Boys et coince le mystérieux homme qui les suit, puis le roue de coups au sol. Mais aussitôt Willie D et Scarface disparaissent, l’ennemi aussi. Il se rend compte qu’il n’a frappé que le béton, ses poings pissant le sang.“Je me sens comme un camé […] “Mon dieu, mon esprit m’a joué des tours” comprend-il.C’est la boucle infernale de la chanson. La réalité se confond aux hallucinations.

Figurez-vous bien cet ovni, que l’on n’imagine pas forcément devenir un tube au vu des lyrics et de l’ambiance pesante, va s’installer comme le plus grand morceau de la carrière des Geto Boys. En 1991, il a débuté 23e au Billboard 100. Puis il a traversé le temps. En 2012, le magazine de renom Rolling Stone le classe même 5e plus grand titre de l’histoire du rap. Notorious B.I.G (“One More Chance”), Prodigy (“Mac 10 Handle”) ou encore The Game (“Walk in the Streets”) l’on samplé ou y ont fait référence. “Mind Playing Tricks on Me” est un hymne du ghetto incontournable. Une plongée unique dans les tourments psychologiques d’un voyou, loin des clichés de l’homme dur dénué d’émotions parfois véhiculé dans le rap.

Sim
Sim

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