Après avoir fait briller la pleine lune avec Scylla, le pianiste préféré du rap français Sofiane Pamart sort son premier album solo, Planet.
Depuis la nuit des temps, l’Homme détruit sa mère la Terre à petits feux. C’est fâcheux, car notre planète est belle et regorge de paysages et de trésors insoupçonnés. C’est ce qu’a voulu nous rappeler en musique, le pianiste et globe-trotteur Sofiane Pamart, avec son premier album solo Planet.
Un tour du monde en douze étapes : douze villes desquelles il s’est imprégné et inspiré pour composer. Après tout, le piano n’est-il pas le plus bel instrument au monde quand il s’agit de retranscrire des émotions ?
Les petits malins au fond, je vous entends déjà râler : “Quoi, un pianiste classique sur Hip-Hop Corner ? Mais on va où !?” Je vous arrête tout de suite, car il n’y a pas plus hip-hop que notre virtuose. Bercé au rap depuis tout petit, c’est cette musique qui lui a forgé son esprit rebelle, sensible fier et audacieux. Des traits de caractère qui se retrouvent forcément dans ses compositions.
Le pianiste préféré du rap français
Au final, c’est à lui qui l’on doit certaines des plus belles notes de piano du rap français. Grâce notamment à sa série de vidéos En Résidence, Médine, Kery James, Seth Gueko, Psy 4 de la Rime, Nekfeu, Vicelow, Fababy, Swift Guad, Sadek, Gaël Faye, Guizmo, Mokless, Grand Corps Malade… Tous ces noms sont à mettre à son palmarès de collaborations.
Plus récemment, il a transpercé l’âme de nombreux fans de rap en duo avec Scylla sur les projets Pleine Lune 1 et 2. Ah oui aussi : le piano que vous entendez sur l’instru de “Matin” de Koba LaD, et celui de “Journal Perso II” de Vald, c’était lui.
“J’aime faire des opérations alliées avec des équipages où je suis bien accueilli. Avoir un rôle à jouer chez eux le temps d’un projet ou d’un morceau. Comme dans One Piece quand tu appelles un épéiste. Tu sais qu’il va arriver et trancher comme personne”.
C’est bon, j’ai retenu votre attention ? Tant mieux, car dès à présent, nous allons prendre part à un voyage grandiose. De La Havanne à Medellín, en passant par Paris, Le Caire, Carthage et Nagasaki, fermons les yeux et embarquons pour un tour du monde entre fiction et réalité nommé Planet.
Une épopée contemplative, mélancolique et magnifique, racontée en musique par nul autre que le héros Sofiane Pamart et son piano. Préparez-vous à l’évasion.
Le virus du voyage
En tant que sud-marocain issu d’une famille berbère, rien d’étonnant à ce que Sofiane ait l’esprit nomade. Cet amour du voyage et de la liberté lui a été inoculé par ses parents. Avec une mère professeure de lettre à des migrants primo-arrivants en France, et un père directeur d’école de langue, forcément qu’on prend vite goût au mélange.
J’ai toujours aimé être au contact de cultures différentes. J’ai beaucoup voyagé grâce à la musique et depuis, je suis un globe-trotteur. Je ne sais pas rester en place. C’est un besoin et j’ai voulu mettre cette soif de voyage au service de ma musique.
En effet, plus qu’une merveille de composition, Planet est un véritable récit de voyage. Seulement, ne vous attendez pas à trouver un carnet de bord ou un appareil photo dans les bagages de Sofiane, son instrument seul et sa mémoire lui suffise pour s’inspirer et cristalliser les plus beaux moments de ses périples.
“Chaque voyage que je fais m’inspire et je compose en conséquence, en fonction de ce que je vois et ressens. C’est pour ça que je n’écris jamais de partitions. C’est beaucoup plus lent et ma manière de faire est plutôt fulgurante. Je compose d’oreille. C’est pour ça que j’essaye toujours d’avoir un piano avec moi pouvoir immortaliser mon ressenti sur le moment”.
En revanche, ne cherchez pas de linéarité géographique dans l’ordre de ses destinations, il n’y en a pas. Car, au-delà de la musique, Planet, c’est une retranscription musicale du monde tel que le pianiste le voit ou se l’imagine.
“Je ne voulais pas forcément créer un cheminement logique comme Christophe Colomb a pu le faire. Mon voyage n’est pas linéaire, mais artistique. Je voulais proposer un voyage qui raconte d’abord beaucoup de chose, et ensuite qui devient de plus en plus épuré. Du coup, j’ai d’abord choisi des morceaux de démonstration, avec beaucoup de fougue, de la hargne, pour aller ensuite vers quelque chose de plus allégé.
Un album visuel
Si je disais que Sofiane Pamart avait uniquement besoin de son piano pour voyager, ce n’est pas tout à fait vrai. Que serait-il sans son acolyte réalisateur Guillaume Héritier ? Déjà derrière l’imagerie des clips de l’univers Pleine Lune que le pianiste partage avec Scylla, c’est avec lui que Sofiane est parti capturer des images autour du monde. Histoire de donner à son aventure, une esthétique à la fois puissante, poétique, et cinématographique.
C’est ainsi que la planète telle que la voit Sofiane ne ressemble quasi en rien à la nôtre. La sienne est une Terre très peu peuplée. Autant dans la nature que dans les villes, seuls quelques privilégiés, hommes et animaux, ont la chance de vivre dans ce havre de paix bercée par ses notes de piano. C’est sans doute pour ça d’ailleurs, que celle-ci est restée aussi belle.
“Comme la musique, les images sont inspirées de ce que j’ai vécu durant mes voyages, mais aussi aux interprétations purement esthétiques que l’on se fait de nos destinations avec Guillaume. Tous les deux, on a la chance d’avoir cette même passion pour le voyage. Pour nous, la vraie vie, c’est l’improvisation, la liberté par rapport au quotidien et l’absence de routine. On décide les destinations au jour le jour. On peut partir n’importe où sur un coup de tête”. Parfois même, on allait tourner sans autorisation.
Suivons-les donc.
Planet : le récit de voyage de Sofiane Pamart
S’il n’est pas idiot de penser que le virtuose a visité tous les lieux dont il parle dans son album, dans les faits, il n’en est rien. Bien entendu, il s’est rendu dans toutes les villes dans lesquelles il a tourné, mais c’est tout. Et même en sachant ça, il confie que la majorité des morceaux ont été composés avant même qu’il ne mette les pieds dans les villes en question. Pour mieux façonner son univers fictif, il a préféré se baser principalement sur son imagination. Comme ce fut le cas par exemple pour La Havanne.
“Je suis allé là-bas, mais après avoir composé le morceau. J’en rêvais par rapport à l’histoire de Cuba. Ce pays, je l’ai d’abord imaginé en fumant un cigare. L’odeur m’a inspiré et plongé dans l’imaginaire du pays. Cette simple odeur m’a donné des indices : j’ai fait ressortir le côté latino et plein de vie que je pensais de la ville Une fois sur place, j’ai découvert une ville très élégante et de toutes les couleurs”.
Imaginer en amont pour mieux composer sur place, c’est bien, mais parfois, il est arrivé à Sofiane, que sa vision première ne corresponde pas totalement à la réalité du pays dans lequel il se rend. C’est ainsi qu’il se souvient avoir été stupéfait lorsqu’il s’est rendu à Séoul pour le tournage de son clip :
“J’avais bien cerné le côté asiatique des temples à la fois arrogants et majestueux, mais je n’avais pas pensé que le moderne et l’ancien se croisaient à ce point. Là-bas, il y a le côté ultra-traditionaliste des temples, opposé à des bâtiments lissés et futuristes. C’est étonnant”.
C’est justement ça le but d’un voyage : être surpris et s’attendre à l’inattendu. Mais en s’imaginant une ville avant d’y aller, n’y a t-il pas un risque d’être déçu une fois en face des réalités du terrain ? Aux sceptiques, le pianiste répond :
“J’ai beau m’imaginer certaines choses en amont, il y a toujours cette magie de la découverte. Chaque voyage me surprend par rapport à ce que je vis là-bas. Une rencontre imprévue, un événement dans un endroit particulier… En Egypte par exemple, j’ai composé le morceau avant d’y aller, mais une fois sur place, je n’avais pas prévu que j’irai nager dans le Nil.
“Le Caire” est le morceau le plus romantique de mon album. Je voulais que la romance ait lieu en dans un pays arabe, car ce peuple est connu pour avoir un côté très fleure bleue et kitch. Au final, je n’avais pas besoin d’avoir la compréhension totale du pays pour y parvenir. No besoin d’être sur place pour savoir que l’Egypte est un pays historique, fier et monumental”.
Les compositions de Sofiane Pamart, aussi sublimes et poignantes soient-elles sont donc en majorité, uniquement le fruit de son imagination. Il faut dire que douze voyages étalés sur les trois ans de conception, ça aurait fait long, et surtout cher en billets d’avion.
“Dans cet album, il y a beaucoup de destinations où je ne suis pas encore allé comme l’Alaska. Le morceau n’est donc pas tel que je l’ai vécu, mais totalement tel que je l’imagine. Pour moi, c’est un désert de glace. C’est pour ça que les sons sont beaucoup plus froids”.
Au final, la seule composition qu’il a réalisée en connaissant la destination en amont, c’est évidemment Paris. Et contrairement à ce qu’on pourrait croire, il s’agit de l’un des titres les plus difficiles que le pianiste a eu à composer :
“Il est plus difficile de composer sur une destination qui t’es familière que l’inverse. Pourquoi ? Parce que quand tu la connais moins, tu peux l’idéaliser. Au contraire, la vision que le monde a de Paris est très clichée. Dans ma compo, j’ai voulu mettre en avant le fait que Paris soit la ville lumière, mais aussi très speed. C’est un morceau introspectif. J’ai imaginé quelqu’un qui idéalise Paris, mais qui, une fois là-bas, en découvre un côté plus triste. Je pense que beaucoup de personne qui sont venus à Paris ont vécu ce sentiment de solitude et d’isolation”.
Ah non j’oubliais, il y a aussi le morceau “Planet”, qui donne son titre à l’album. Celui-ci fait écho au voyage personnel qu’il a entrepris au Maroc et dans le Sahara, avant même que l’idée de Planet ne germe dans sa tête. C’est justement grâce à cette escapade au cœur du désert que tout a commencé. C’est aussi là qu’a été prise la photo qui illustre la pochette de l’album.
“Je suis parti voir ma famille, j’ai fait le tour des villages, pour ensuite aller passer quelques nuits dans le désert. Là-bas, j’ai fait le vide et je n’ai jamais vu des étoiles aussi belles. J’ai l’oreille absolue et j’entends du bruit tout le temps, donc c’est un calme qui m’a fait un bien incroyable. C’est ce voyage qui m’a inspiré le morceau “Planet”. Je l’ai composé d’oreille parce que je n’avais pas de piano sur place”.
Dans le clip qui va avec, pas de désert cependant. Au lieu de ça, se succèdent des images inédites de tous les pays qu’il a traversés ces trois dernières années, pendant que le morceau passe une boucle. Comme pour symboliser que le voyage n’est en fait, rien d’autre qu’un éternel recommencement.
C’est aussi ça qui rend les compositions de Sofiane Pamart uniques et magnifiques : tel un aigle royal, il a cette capacité à s’envoler n’importe où et n’importe quand, tout en prenant une liberté totale partout où il se trouve.
Sofiane Pamart : “Piano King” autoproclamé
Ce droit d’exister comme il l’entend et d’être libre. il est allé le chercher et, maintenant qu’il l’a, l’entretient au fur et à mesure que sa carrière avance. Ambitieux comme pas deux, l’autoproclamé “Piano King” projette autant de faire prospérer son univers solo évasif, que de proposer toujours plus de collaborations avec des rappeurs. De plus, la musique de film et d’animation lui fait de l’œil.
Aux quatre coins du monde et sur tous les navires, il ne regarde jamais en arrière et ne perd jamais de vue son objectif. En effet, Sofiane Pamart aspire à être le meilleur pianiste, non pas seulement du rap français, mais du monde entier.
“Je veux aller encore plus loin dans mes prises de liberté. Ma priorité, c’est le solo, mais la place que j’ai atteinte dans le rap, je ne vais pas la lâcher et continuer à la développer. Construire un empire, ça se fait étape par étape. Même si je ne suis pas très patient, je suis obligé de l’accepter si je veux réussir.
Pour être le numéro 1, il faut durer, se renouveler. Être fort ne suffit pas, mais je suis serein, car je mets en place quelque chose de solide pour construire quelque chose d’immense. C’est une place difficile à atteindre, mais une fois que j’y serai, il sera difficile de me déloger”.