MC Solaar nous fait de la ”Géopoétique”

Grosse journée que ce 3 novembre. Après Davodka, place à ce qu’on pourrait appeler le Retour du Roi. MC Solaar revient en effet avec un nouvel album, 10 ans après son ”Chapitre 7”, qui était jusqu’à aujourd’hui son dernier projet. A 48 ans, le papa du rap français nous livre à nouveau son flow de crooner, avec son écriture très musicale, très technique, et cette douceur qui l’a toujours caractérisé.

La nouvelle avait été annoncée en avril dernier, et immédiatement, les fans très nombreux de MC Claude ont inondé les réseaux sociaux de messages impatients, preuve que le rappeur fait partie du patrimoine français. Mais justement, c’est là le risque dans le rap français, lorsqu’on fait partie du patrimoine : faire un rap de musée, pour les académiciens, complètement détaché des réalités de la musique actuelle, ou de l’état actuel des ghettos français, en terme de vocabulaire, d’état d’esprit.

Mais on s’en était vite rendu compte à la sortie de ”L’attrape-nigaud” : Solaar prendrait vraiment des risques sur ce projet. Des risques musicaux, bien entendu, car l’écriture du rappeur n’a toujours pas changé, elle est toujours aussi soignée, toujours aussi riche en vocabulaire, et technique. Ce genre de rap ne risque-t-il pas d’être anachronique à une époque où on n’a jamais été aussi loin du rap français originel ? Plongée dans ”Géopoétique”, un opus très varié qui a vraiment retenu notre attention.

Spiritualité et musicalité

Qu’on se le dise tout de suite : le rappeur a plutôt réussi le passage à la modernité. Comme il l’avait déjà fait dans tous ses albums précédents, il est allé chercher dans toutes les directions musicales. Beaucoup de sonorités jazz (et c’est bien normal), mais aussi pas mal d’electro, de pop, de la funk, et de la trap évidemment. Beaucoup d’univers musicaux dans le projet qui reste toutefois très cohérent, grâce aux thèmes abordés par le rappeur.

Des thèmes qui lui ressemblent : le temps qui passe, dans ”Sonotone”, l’amour, la lutte entre le bien et le mal, mais aussi d’autres beaucoup moins attendus. Dans ”I Need Gloves”, Solaar nous raconte par exemple l’histoire d’une jeune fille mannequin et des problèmes qu’elle rencontre dans ce monde si spécial. Avec toujours un côté très spirituel dans ses textes : Claude parle toujours autant des tentations qui nous entourent, nous éloignant de la bonne voie, même lorsqu’il parle des ”dérives” dans ”L’Attrape-nigaud”.

Là où le rappeur excelle, c’est dans le storty-telling, avec ce côté incroyablement, poétique, mais à la fois très précis, avec souvent une petite touche d’humour, ou de cynisme selon l’humeur, comme dans ”On se lève”. Ses histoires sont toujours très immersives, et ça tombe bien, car c’est ça que les fans attendaient. Au niveau des invités, on retrouve la chanteuse Maureen Angot, et le rappeur Bambi Cruz, lui aussi pionnier de la scène rap en France.

Globalement, on a donc un album très bien produit, avec beaucoup d’ambiances, toutes bien maîtrisées par MC Solaar. Des thèmes divers, avec des références actuelles (au niveau des marques, des loisirs, et ce genre de chose, il a vraiment actualisé son catalogue), et un rap toujours aussi doux à l’oreille. C’est d’ailleurs le seul gros reproche qu’on peut lui faire, toujours le même : son rap est beaucoup plus musical qu’impertinent. On sent que le MC veut avant tout livrer de la bonne musique, mais son rap n’est pas par essence dérangeant ou contestataire. Le message social est présent, mais pas hyper virulent. Et ça se ressent un peu quand il se met à la trap, un genre qui a été créé pour véhiculer une certaine violence, que Solaar a du mal à incarner. Mais après tout, ça serait peut-être trahir l’attitude qu’il adopte depuis le début de sa carrière, celle d’un rappeur qui cherche avant tout à adoucir les mœurs.

Rémi
Rémi

Dans la même rubrique

Recommandé pour toi