Retour sur le vécu d’une figure de légendaire du gangsta rap : Eazy-E. De ses débuts avec N.W.A, sa carrière de producteur, sa carrière solo et sa fin tragique.
Une fois n’est pas coutume, cette semaine sur Hip-Hop Corner sera marqué par nos traditionnelles rétrospectives concernant un élément clé de la culture hip-hop. Biographie de figures de proue du rap, grands événement dont on parle encore aujourd’hui avec des étoiles dans les yeux… Tant que le double H s’est vu marqué par ceci, alors sa place est entre ces lignes.
Les plus fidèles d’entre vous ont assurément déjà pris connaissance de notre rétrospective concernant Big L, ainsi que plus récemment lorsque je relatais la tournée mémorable The Up In Smoke Tour. A présent, c’est à nouveau une biographie qui se profile, mais évidemment pas celle de n’importe qui. Si la période des années 90 est considéré comme “l’Age d’Or” du rap, c’est surtout de par la pluralité de grands artistes qu’on peut affilier à l’époque. De ces artistes partis trop tôt, on ne pourra que se souvenir évidemment d’un nom en particulier: Eazy-E.
Petit projet deviendra grand
Eric Lynn Wright. Quant on emploie le véritable nom de nos MC’s favoris, forcément, cela sonne bien souvent moins familier. Pourtant, voilà bine la véritable identité de celui qui est appelé à devenir une figure mémorable de la West Coast. Un pur produit californien puisqu’il voit le jour dans le célèbre quartier défavorisé de Compton à Los Angeles, le 7 septembre 1963. Et si jusqu’à présent pour vous le nom de Eazy-E n’évoquait qu’un simple rappeur apparemment bon à l’époque, il est grand temps de réaliser qu’en réalité, son impact sur notre musique préféré à été bien au-delà de quelques rimes crachées au mic…
Si on reproche à beaucoup de rappeurs de s’inventer un quotidien de hustler qu’ils n’ont jamais connu ni même jamais vu, la règle ne peut visiblement pas s’approprier à l’ami E. Quittant le lycée et les études, Eric tente de gagner sa vie en dealant de la marijuana (mais jamais de cocaïne si l’on en croit la parole de Jerry Heller, son futur manager), influencé par son cousin. Et même si la morale réprouve évidemment ce genre d’activité, force est de reconnaitre que les affaires marchent plutôt bien pour lui.
A seulement 22 ans, il compte plus de 200 000$ à son actif ! Malheureusement, l’assassinat de son cousin l’incitera à stopper ses activités, et c’est ainsi qu’il préférera se tourner vers la musique. Plus précisément, la scène rap de LA qui alors ne faisait que prendre de l’ampleur. L’avantage pour Eazy-E, c’est qu’il est natif d’un quartier qui a connu des Dr. Dre et autres Snoop Doog, autrement dit: des petits gars qui ont bien su s’imposer et même mieux, façonner le rap à cette période. C’est d’ailleurs Andre Young qui lui propose de se lancer véritablement dans le son en montant un label. C’est ainsi que Ruthless Records est créé.
Malheureusement, en manque d’artistes à faire signer et n’étant pas rappeur lui-même, Eazy-E commence à voir son projet rapidement échouer. Dre propose alors de d’enregistrer les morceaux d’un certain Ice Cube, grand parolier. Vient ensuite une rencontre importante, celle de Jerry Heller, qui acceptera d’incarner le rôle de manager. Il faut dire que l’accord est plus qu’avantageux: la société appartenant à Wright, 80% des revenus lui reviennent, et les 20% restants à Heller. L’affaire se monte peu à peu et commence enfin à s’avérer solide, notamment grâce aux économies qu’Eric investit.
N.W.A, entre amour et haine
C’est effectivement avec ce label fraîchement né que le mythique groupe N.W.A peut se former et entamer sa brillante ascension. Le succès est d’ailleurs assez immédiat, la distinction de disque d’or rapidement atteinte et le crew commence à faire parler de lui, en bien comme en mal. Jerry Heller devient même manager de l’ensemble des artistes et Eazy-E, qui s’est finalement prit au jeu du rap, décide même de se lancer en solo avec un LP devenu aujourd’hui culte: “Eazy-Duz-It”. Très orienté gangsta rap, de par son vécu évidemment et la musique entretenue par Dre et les autres, cet album est surtout considéré par beaucoup comme celui qui aura ouvert la voie à un autre grand projet du rap californien: le fameux “Straight Outta Compton” des Niggas With Attitude. En tout cas, le succès est au rendez-vous pour l’ensemble des artistes, bien que tout ne pouvait pas rester au calme sous un ciel étoilé…
A la suite de quelques divergences, Ice Cube décide de quitter le groupe. S’ensuivra alors une sacrée guerre entre N.W.A et leur ancien membre, marqué par de violents clashes (“100 Miles and Runnin'”, “Real Niggaz” et surtout le fameux “No Vaseline” de Cube). Un son d’autant plus marquant qu’il s’en prend personnellement à chacun, Eazy-E étant d’ailleurs particulièrement visé avec la phase “I never have dinner with the President”. Effectivement, en mars 1991, Eric est convié à diner au Republican Senatorial Inner Circle par George H. W. Bush himself, et il se dit qu’au cours de la conversation, le rappeur aurait soutenu la Guerre du Golfe du Président des Etats-Unis…
Mais le pire reste à venir ! Car entre temps, N.W.A commence à accuser de sérieux problèmes en interne, au-delà du départ d’Ice Cube. Découvrant qu’Eazy-E est plus que privilégié par Jerry, le label se révèle en plus détenu par Eric ! Dès lors, Dre décide de rétablir les choses, intimant l’ordre à Eric d’abandonner son contrat. Evidemment, ce dernier refuse, et c’est alors qu’Andre viendra mêler à l’histoire Suge Knight (décidément toujours dans les sales affaires). Après de multiples menaces envers lui-même et sa famille, ainsi qu’un passage à tabac, Eazy-E cède enfin à la pression.
Les actions sont cependant allez évidemment trop loin et s’en est fini de l’amitié unissant les MC’s entre eux. Aussi la rivalité continue, les insultes fusant entre divers morceaux, de Dre comme de E, notamment avec le classique “Real Muthaphuckkin G’s”. le temps passe, sans que la paix ne revienne, bien que Eazy-E commence à nourrir le désir de reformer N.W.A comme au bon vieux temps. Il prend ainsi contact avec Ice Cube, qui s’avère séduit par l’idée, et décide donc de faire de même avec Dre. Le docteur est également ravi de ce beau geste de Eazy et accepte immédiatement. Le retour du groupe mythique est enfin en passe de se réaliser !
Un décès soudain et marquant pour le monde du hip-hop
Hélas, le destin est parfois bien cruel. Le jour même consacré à la réunion des anciens ennemis entre eux, Eazy-E est victime d’un malaise. Transporté à l’hôpital, le verdict des médecins est sans appel: si le rappeur se pensait simplement atteint d’une pneumonie, il est en réalité gravement malade puisqu’il se révèle positif au SIDA, il ne lui reste plus que 6 mois à vivre au maximum. Il faut dire que l’on touche là à un autre pan de la vie de Eazy-E.
Son addiction sexuelle et son comportement à risque (entendez par là de nombreuses relations non protégées) depuis la perte de sa virginité à l’âge de 12 ans lui auront été fatal. On estime qu’il est officiellement géniteur de neuf enfants nés de sept femmes différentes, bien qu’officieusement on est persuadé que les chiffres sont bien plus élevés. D’ailleurs, après son décès on lui découvre trois autres enfants (confirmés par tests ADN, pour un total de 12 progénitures).
Un mois à peine après son diagnostic, Eazy-E décède de complications liées au SIDA, le 26 mars 1995 à l’âge de 31 ans. Son enterrement regroupe 3 000 personnes parmi lesquelles des figures cultes du rap de la West Coast comme Tupac, Snoop Dogg, Ice Cube,… Moins d’un an après, son dernier album “Str8 off tha Streetz of Muthaphukkin Compton” est publié à titre posthume. C’est ainsi qu’on aura de cesse de lui rendre hommage à travers divers médias:
son visage est utilisé en 2004 pour modéliser le personnage de Ryder dans le jeu vidéo Grand Theft Auto San Andreas
il apparaît en 2013 en hologramme lors du festival “Rock The Bells” en Californie
l’acteur Jason Mitchell est choisit pour l’incarner en 2015 dans le biopic N.W.A Straight Outta Compton
On retiendra au final un bien triste destin pour un homme qui aura su marquer plus que jamais l’histoire du hip-hop. Au sein de N.W.A ou en solo, Eazy-E fut de ces MC’s qui savaient se distinguer, et même s’il était pas auteur de ses textes dans le groupe, sa verbe au micro est bien la preuve qu’il ne suffit pas de savoir écrire pour être un grand rappeur. R.I.P Eazy-E…