Khtek, nouveau visage féminin de la scène rap marocaine

À l’occasion de notre dossier sur le rap marocain, nous avons rencontré Khtek, une artiste accomplie et perfectionniste. 

Elle est le nouveau visage du rap marocain. Elle, c’est Khtek. En darija, la langue du Maroc, son nom de scène signifie “ta soeur”. Si les femmes sont encore peu présentes dans le devant de la scène, une nouvelle génération commence à se faire entendre, portée sans doute par les réseaux sociaux et l’émancipation de la femme marocaine.

Le rap libre et créatif de Khtek n’hésite pas à prendre le contre-pied des traditions du royaume. Son dernier clip, KickOff, a été vu plus de 1 million de fois sur Youtube. Elle y raconte les inégalités de la société et les aléas du rap marocain. Sans langue de bois et avec une facilité déconcertante.

Avec sa plume gorgée de punchlines et de métaphores bien senties, Khtek se réapproprie facilement des codes qui étaient jusque-là réservés aux rappeurs pour mieux les dénoncer. Entretien avec une artiste qui ne cesse de nous épater.

Hip Hop Corner : Tu rappes depuis quelque temps mais le grand public t’a découvert qu’en 2020. Comment tu l’expliques ? 

Khtek : Avant le OkWaitChallenge, je ne publiais pas mes freestyles sur les réseaux sociaux, je faisais ça pour le fun. Mais, après avoir reçu un feedback assez positif, je me suis retrouvée dans l’obligation de prendre le rap au sérieux. En postant des freestyles sur mon IG, ça m’a permis d’avoir de la visibilité ainsi qu’agrandir ma fanbase. 

Hip Hop Corner :  La scène rap marocaine est encore très masculine. Est-ce difficile d’y exister en tant que femme ? 

Khtek : Je me dis que puisque la société est assez patriarcale, donc c’est normal que le rap soit masculin, ce qui rend le fait d’être une femcee plus intéressant et compliqué. Perso, ce n’est pas le fait d’être une rappeuse qui est difficile mais plutôt d’être une femme tout court. Des fois, les messages qu’on reçoit peuvent être très décevants et ça m’affecte. Mais c’est important de rester forte.

HHC : Ton public est à ton avis composé de plus de femmes et d’hommes ? 

Khtek : Selon les statistiques de mon audience sur Instagram, je n’ai que 28% de followers femmes. Je crois qu’en général le public du rap est dominé par les hommes. Donc, malheureusement, le mien aussi.

HHC : Le morceau Hors-Série avec ElGrandeToto frôle les 15 millions de vues. Comment est né ce morceau et la collaboration avec tous ces artistes ? Peux-tu nous raconter une anecdote ? 

Khtek : La collaboration est née d’une façon très spontanée, on s’est retrouvés au DBF et on a fini par créer un vrai hit. L’anecdote est que Don Bigg est le premier rappeur que j’ai écouté à l’âge de 12 ans, ma mère était totalement contre. A 24 ans, je me retrouve avec lui dans le même son, ça m’a prouvé que des fois la vie est pleine de surprises. Il suffit de bosser et de croire en soi ! 

HHC : Ton nom de scène, Khtek, signifie en darija “Ta soeur”. Pourquoi ce choix de blaze ? 

Khtek : Au Maroc, Khtek est souvent utilisé comme une injure. J’ai choisi ce blaze pour m’approprier le mot et changer son sens. Donc là, on ne considère plus la soeur comme point faible, on l’écoute. 

HHC : J’ai l’impression qu’en choisissant ce nom, tu empêches tous les Marocains d’insulter la soeur de quelqu’un. Tu en penses quoi ? 

Khtek : C’est vrai. Khtek était quelque chose d’assez tabou. Là, j’ai réussi à créer un jeu de mot assez fun et provocateur. Une action directe mais implicite.

HHC : Pour le moment, tu as sorti des morceaux au compte-gouttes, mais ta popularité est toujours grandissante. Est-ce qu’un projet est en approche ? 

Khtek : Il y a pas mal de featurings qui vont sortir dans un futur proche. Mais j’essaie de bosser aussi sur mes singles et perfectionner mon style. Il y a deux singles qui sortent dans pas longtemps, dont MVP (Most Valuable Player) qui est du vrai égo-trip.

HHC : Comment tu expliques le succès du rap au Maghreb et la multiplication des collaboration des maroco-françaises ? 

Khtek : Je crois que le rap est le style musical le plus proche de notre quotidien, soit à travers le dialecte ou les expressions utilisées, on se retrouve dans le rap et ça nous parle. C’est aussi pour ça qu’il existe une multitude de rappeurs avec des styles assez différents. S’agissant des collaborations maroco-françaises, le fait qu’on soit deux pays assez proches géographiquement avec plus ou moins une histoire commune facilite les choses.

HHC :  A titre personnel, est-ce que tu pourrais collaborer avec un artiste français ? 

Khtek : Oui, j’aimerais bien collaborer avec un artiste français. Josman par exemple, j’adore ce qu’il fait et sa musique est assez polyvalente et riche.

HHC : Y’a t-il aussi une artiste féminine que tu apprécies et avec laquelle tu te vois collaborer ? 

Khtek : En grandissant, j’écoutais beaucoup Keny Arkana. Je me retrouve dans sa musique et j’ai beaucoup de respect pour elle. Il y a Ladea que je kiffe aussi. 

HHC : Il y a quelques jours, Universal Music a annoncé l’ouverture d’un de ses bureaux au Maroc, qu’en penses-tu ? 

Khtek : Ceci prouve que la scène rap marocaine est arrivée à un stade où elle ne passe plus inaperçue. Pour moi, c’est une façon de se dire qu’on peut faire une vraie carrière dans le rap et que l’industrie peut se se structurer.

HHC : A ton avis, que manque-t-il au Maroc pour avoir une industrie musicale bien structurée ? 

Khtek : Pour moi, il faut vraiment un encadrement pour les artistes, producteurs et toute personne qui contribue au cycle de production de cette musique. Ca pourrait vraiment aider les rappeurs à avoir une stratégie sur le long terme et pouvoir vivre de leur musique. 

HHC : Ton mot de la fin ? 

Khtek : Respect, honor and hiphop. C’est ma devise.

Badr Kidiss
Badr Kidiss

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