Retour vers les classiques avec Passi

Passi, MC et figure légendaire du Secteur Â, Bisso Na Bisso et du Ministère A.M.E.R est remonté sur scène au Demi Festival 2021. A cette occasion, nous l’avons rencontré pour une petite retro-nostalgie garantie 100 % classique.

Au Panthéon des plus grandes légendes historiques du rap français, Passi, ça se pose là. Considéré légitimement comme l’un des pères-fondateurs du genre, il fait partie de ces artistes grâce auxquels beaucoup ont découvert et aimé le rap. Avec un tel statut et un tel héritage musical, forcément que le rappeur d’origine congolaise a des classiques à ne plus savoir quoi en faire. Passi, c’est un total de six albums solos, deux albums avec le Ministère A.M.E.R, trois avec Bisso Na Bisso et autant avec le collectif Secteur Â, sans parler de ses nombreux hits et tous les projets qu’il a produits pendant sa longue carrière. Avec tout ça, on ne vous cache pas que se limiter à un peu plus d’une dizaine de titres n’était pas évident, mais c’est sur ceux-là que nous avons choisi de revenir avec le rappeur en personne. Si les écouter nous ravive de beaux souvenirs, c’est avec des étoiles dans les yeux que Passi à retracer avec nous ses plus grands classiques. En attendant les nouveautés.

Le monde est à moi

J’ai un grand souvenir de ma collaboration avec AKH à l’époque. Il m’avait produit plein de sons, y’en a un que j’ai pris en premier, c’était celui-ci. J’ai commencé à kicker sur la prod et quand il m’a entendu il a dit « Non non non, celui-là je vais rentrer dedans ! ». Il est arrivé, il a kické dessus et c’était magique. Après on a constitué le refrain, puis à tour de rôle une phrase et ça a fait mouche. Au final, on a gardé sept prods pour l’album.

Ce morceau me rappelle cette faim qu’ont les petits, les jeunes de quartiers qui veulent le monde à eux, qui veulent faire mieux que les anciens : « ok tu as été parfait et imparfait, maintenant c’est à mon tour », c’est ça le message de ce morceau.

Les flammes du mal

Grosse époque celle de Ma C-T va Kraker. C’est le côté Passi Ministère Amer, mon côté sacrifice de poulet. C’est une prod de malade signée White & Spirit. On entend leur côté cercle rouge engagé. C’est une période du rap où on était engagé. J’ai vu des extraits du film et ça a tilté, ça m’a inspiré ce morceau. J’en suis fier car cette BO est incroyable et légendaire dans l’histoire du rap. Une BO historique qui correspondait à la sortie de mon premier album donc c’était nickel.

79 à 97

La personne qui m’a inspiré ce titre-là, c’est Tonton David avec « Mon CV ». « Le Blues des Racailles » c’est un album de fou, qui nous a inspiré même nous rappeurs. Je me suis dit que moi aussi j’allais raconter ma vie et faire un son structuré comme le sien. 79 c’est quand je suis arrivé en France, donc j’ai voulu raconter mon parcours jusqu’à 97, à peu près les grandes dates et les grandes étapes de ce qu’il s’est passé dans ma vie.

Face à la mer

Je suis tellement fier de ce morceau. Etant fier de venir du Congo, du 9-5, du Ministère Amer, du Secteur A, c’est une époque où on avait déjà plus rien à prouver dans le rap. Je trouvais ça con qu’en France, on n’ait pas encore mélangé le rap et le rock. Je suis fan du rap américain et aux US ils rappaient déjà avec des rockeurs, des hard rockers depuis longtemps. Le morceau Run-DMC feat. Aerosmith par exemple, j’ai grandi avec ça et je voulais l’incarner en France. C’était un pari que je prenais et en acceptant l’invitation de Calogero, je savais qu’on allait faire un truc de dingue et que personne n’avait oser faire en mélangeant les genres. Ça a été un carton.

La connexion s’est faite petit à petit, on s’est connu, on s’est croisé en radio et en télé. Une fois, deux fois, parlé une fois deux fois et au bout de dix fois, on se disait qu’on accrochait bien et qu’il fallait unir nos forces. Il m’a proposé le clip et Olé !

Émeutes

C’est un morceau d’époque, mais qui fait aussi écho à laquelle nous vivons. Ça me rappelle un peu ce qui s’est passé avec les Gilets Jaunes à cause du Covid. Le morceau a même carrément été repris par les Gilets Jaunes dans leur lutte. Il y a un parallèle évident à faire avec aujourd’hui. Le peuple est en train de gueuler et l’État n’écoute pas tu vois ? On parle des émeutes et manifestations un jour et après on est tranquille ? Non non non! Parce que les émeutes et les manifs sont finies, on croit que les problèmes sont réglés, mais c’est faux. Ils sont toujours là et on n’en parle pas à la télé. Pour les Gilets Jaunes et beaucoup de gens qui râlent en France en ce moment, c’est ça.

Finalement, y’a pas grand-chose qui change, ça empire même plus qu’autre chose. C’est ça qui est triste.

Jardin du diable

ça c’est un vrai morceau ! C’était histoire de montrer le côté sheitan de ce monde. Il y a certains trucs… Tu vois quand on te parle de théories du complot ? Que tu y crois ou non, il y a quand même un truc assez diabolique, assez satanique du fait de vouloir nettoyer les gens, en faire une maladie et ainsi de suite. J’ai voulu jouer avec le diable dans son jardin. Tu vois, même aujourd’hui, il pourrait avoir une vraie résonance.

Sur la Sellette

C’est un morceau que j’avais fait avec Hamed Däye, un morceau posé dans lequel on disait qu’on était toujours sur la sellette. C’est-à-dire que quand tu deviens une personnalité publique et connue, tu dois toujours te justifier. Tu es souvent soupçonnée d’être faux, critiquée et quand tu connais le succès, il y en a toujours un qui va vouloir te faire tomber. On arrivait à une époque où on était au sommet. Toute la famille de Secteur A était prête, les albums des uns des autres étaient prêts, on était au top, mais forcément on faisait des envieux. On savait qu’on allait faire quelque chose de grand et l’Histoire a prouvé qu’on avait raison.

Bisso Na Bisso

Gros hymne, mais en même temps, il y a un côté familial avec ce titre. J’exalte mon pays d’origine et mon rapport avec l’Afrique. C’est que du bonheur. Mine de rien, ce morceau, c’est le papa de l’afro rap. On est content qu’aujourd’hui ça marche toujours, nos parents, nos enfants, plein de gens dansent dessus et depuis, la musique africaine a pris une grande place dans le rap avec notamment l’afro trap de MHD. On a été des précurseurs.

Les ratés aiment les lascars

Un classique du Ministère A.M.E.R sur l’album 95200. Le premier album rap de quartier et non pas de rap français. « Un été à la cité » par exemple, c’était vraiment un tableau de la vie des quartiers dans lesquels on vivait. C’était une sorte de témoignage brute, avec des mots crus d’une réalité du terrain. Comment les gens pouvaient s’insulter dehors par exemple. On est super content parce que cet album sème le son du Ministère Amer, c’est un classique !

Il fait chaud

Il chante* « Il fait chaaaud » ! Ce titre c’est mon côté west side quand j’ai fait Les Tentations tu sais ? Il y avait plein de titres west side au début, après l’album de Doc Gyneco est arrivé, très west side, celui de Stomy Bugsy aussi, même s’il était plus électro. J’ai voulu garder deux trois sons comme ça dont « Il fait chaud ». C’était un gros single, il a même été repris dans le film « Sex In The City ». Quand ils arrivent à Paris et que t’entend le morceau, j’étais content ! Ils m’ont demandé l’autorisation et j’ai accepté. ça fait plaisir d’avoir un tel crédit à l’époque.

Traître

C’est notre engagement avec le Ministère Amer quand on a commencé à faire du rap autour de nos 15-16 ans. On se demandait, on se posait des questions sur notre situation, sur ce qu’on allait devenir dans le futur. On regardait l’Afrique, on regardait l’Histoire. Une Histoire compliquée avec l’esclavage, la colonisation tout ça. « Traître », c’était notre façon de mettre le point sur certaines attitudes dans notre communauté qu’on ne trouvait pas constructives. Ceux qui reniaient leur couleur, les blacks qui ont du mal à dire qui sont blacks, certains présidents africains qui étaient corrompus… Brefs, tous ceux qui empêchaient la communauté d’avancer.

Hip Hop Crazy

C’est l’hymne à notre esprit hip-hop à nous : baskets blanches, quartiers… Et il y a beaucoup de gens dans le hip-hop en France qui au lieu d’afficher fièrement ses spécificités, courrait après l’attitude américaine, le style américain et la rime américaine. C’était bien, on aimait, mais l’idée ici c’était d’imposer notre truc à nous, notre identité hip-hop en France. Le message est toujours valable aujourd’hui d’ailleurs.

Jérémie Leger
Jérémie Leger

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