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Quand Tupac devient une superstar avec ”I Get Around”

L’ascension de Tupac dans le monde du hip hop n’aura pas été facile. La légende a bien galéré pour sortir ses premiers projets et devenir un véritable MC. Lorsqu’il revient en Californie en juin 88, à la fin de son lycée, personne ne le connaît, et il va finir par devenir un membre du crew Digital Underground pour leurs tournées, en 1990.

Vous connaissez l’histoire, c’est avec eux u’il va faire sa première apparition dans un titre de rap, sur le morceau ”Same Song” issu de la bande son du film ”Nothing But Trouble”. Il finit par lancer son premier album solo, ”2Pacalypse Now”, qui contient quelques singles comme ”Brenda’s got a baby”. Le projet sera un succès, mais un succès assez confidentiel quand même, puisque c’est celui qui se vend le moins bien de tous ses disques, malgré une qualité indéniable.

Pour casser les barrières et devenir la légende du hip hop qu’il est devenu aujourd’hui, il a dû remettre son art en question. Jusqu’à accepter de faire le B-boy pour Digital Underground et breaker sur scène lors des tournées. Le MC avait déjà beaucoup d’ambitions, et n’avait pas peur des sacrifices à faire pour parvenir à ses objectifs. Pourtant, il n’est pas dans le même trip que le groupe mené par Shock-G : dans leurs textes, il y a plus d’humour, plus d’egotrip, plus de chambrage, tandis que Tupac est alors plus politisé, et un peu plus violent.

Mais il va finir par comprendre que le hip hop doit aussi véhiculer de la bonne humeur, et va apprendre à coller un peu plus à l’univers West Coast, ce qui se voit notamment sur son deuxième album solo, ”Strictly 4 My Niggaz”, premier véritable gros succès de ‘Pac, contenant le single ”I Get Around” qui nous intéresse aujourd’hui. Le son est le deuxième single de l’album à être dévoilé, 5 mois après la sortie du disque. Le titre est amusant parce que justement, deux membres des Digital Underground sont présents dessus, et que l’ambiance s’en ressent : Tupac est beaucoup plus détendu, beaucoup plus relâché, il rappe et tout paraît alors tellement facile. Au point que ce morceau va accroître considérablement sa cote de sympathie et son charisme (pourtant déjà pas mal développé de base) auprès d’un public beaucoup plus large.

Beaucoup de monde pour un morceau

Ce morceau est véritablement un travail d’équipe, à tous les moments de la conception, même s’il est évident que Tupac, grâce à sa présence et son talent, éclipse un peu le reste de la team. Déja, l’excellent travail de Shock-G ne se limite pas à son couplet. Le MC d’Oakland est également membre du ”The D-Flow Production Squad”, une équipe de producteurs qui a beaucoup bossé pour Interscope, et qui est également derrière la prod du morceau ”I Get Around”.

Une prod mythique, qu’on doit bien décomposer, et qui est une des instrus mythiques de la West Coast, et une autre manière de faire de la G-Funk (ici, pas de sifflements, pas de plein d’autres bruitages proposés par NWA par exemple). On a donc, au programme, des percussions venues du morceau de funk de Zapp & Roger, ”Computer Love”, un classique des samples du hip hop californien. On a également quelques phrases samplées (et quelques scracths) depuis le titre ”Step in the Arena” de Gangstarr. Les influences East Coast sont donc bien présentes elles aussi. Des notes de piano du titre ”The Ladder” de Prince et The Revolution sont également présentes, ça c’est pour l’influence pop. On rajoute par dessus des percussions venues du titre ”Impeach the president” des Honey Drippers, et le tout, savamment orchestré (ralenti ou accéléré) par Shock-G, devient l’instru de ”I Get Around”.

La présence de tous ces ”vocals” aux origines diverses (funk, pop, et même d’une publicité américaine pour enfants) donne à tout le morceau une ambiance festive particulière, où on a presque l’impression qu’un public chante pour le refrain. Les scratchs, qui ne sont pourtant pas la spécialité West Coast, vont servir d’instrument à part entière. Et tout ça est sublimé par la complémentarité des trois MCs.

Un clip culte pour un titre classique

Les trois MCs, se sont Tupac, évidemment, Shock-G, et Money-B, lui aussi membre de Digital Underground. Sur ce morceau, l’élève dépasse les maîtres, devenant la rockstar, alors qu’il était jusqu’ici cantonné au rôle de second couteau. Le morceau lui fait d’ailleurs toute la place, et la manière dont il manie le thème (celui des filles, voire de la polygamie même…) avec légèreté et maîtrise va beaucoup jouer par la suite pour l’image de la légende.

Dès le début, il attaque fort: ”All respect to those who break their neck to keep their hoes in check, ‘Cause, oh, they sweat another brother majorly, and I don’t know why your girl keeps pagin’ me”. Le MC respecte ces renois fidèles qui se plient en quatre pour leur meuf, mais c’est avec ‘Pac qu’elles sont en train de coucher. Tant d’insolence, de manière si musicale dans la rime, avec un sens du tempo et de la pause parfaitement calculée, on ne peut qu’être conquis.

Un Tupac plus compliqué qu’il n’y paraît : pas amateur de la baise pour la baise, c’est la séduction qui lui plaît : ”Hate tou sound sleazy, but tease me, I don’t want it if it’s that easy”. Sans forcer, le rappeur met le doigt sur un aspect évident des relations entre les hommes et les femmes, et adopte une attitude du ghetto youth affamé, mais qui n’aime pas que ça lui tombe tout cuit dans l’assiette : le gars veut jouer un minimum ! Même s’il affirme deux lignes plus tard qu’il sera chez n’importe quelle fille en quelques instants si jamais elle est partante pour un ”quickie”, le ”5 à 7” de Mr. Pac.

Le deuxième couplet est assuré par la paire d’Oakland, Shock G et Money B, qui eux jouent beaucoup plus sur la nonchalance, alors que Tupac est toujours dans l’énergie, il se dépense quand il rappe. Les deux rappeurs vont se la jouer crooners du ghetto, et même maquereau pour Shock G : ”I’m Shock G, the one who put the satin on your panties, never knew a hooker that could share me”. Money B va arriver dans une attitude beaucoup plus kickeurs, avec l’instrumentale légèrement coupée au début de son couplet, pour laisser la place à son flow.

Après un refrain toujours aussi agréable même 25 ans après, 2Pac revient faire du sale à ce morceau et le conclure en beauté. Il nous raconte la suite de l’aventure, les jeux de regards, les coups de téléphone coquins, les jeux à deux dans le noir (Pac est vieille école). Il anticipe aussi la fin de l’histoire: la fille qui tombe amoureuse, se fait jetée, et fini par porter plainte pour viol pour venger son honneur. Tupac termine en se la jouant insaisissable : ”You Pick The Wrong Guy,baby if you’re too fly, You need to hit the dorr, search for a new guy. Cause i only got one night in town, Break out or be clowned, baby doll are you down ? I Get Around”. Si tu tombes amoureuse c’est mort, tu n’es plus celle qui lui faut. Il n’a qu’une nuit en ville, tu veux qu’il la passe avec toi, ou quelqu’un d’autre ?

Bref, un petit chef d’œuvre, avec beaucoup de cul, aidé par un clip où il y a aussi beaucoup de culs (y avait-il seulement déjà eu autant de filles dans un clip de rap avant lui ? Pas sûr), et beaucoup de légèreté. Quoi de mieux que vanter la légèreté et le libertinage, pour percer aux USA, autoproclamé ”pays où tout est possible” ? La chanson va rapidement devenir une sorte d’hymne des soirées hip hop, dans tous les États-Unis, et influencera toute une génération de rappeurs se la jouant Don Juan jusqu’à aujourd’hui encore. Et cette influence, c’est à ça qu’on reconnaît un classique !