Oui oui, vous avez bien lu le titre. Et non, il ne s’agit évidemment pas du morceau ”C.R.E.A.M.”, le titre référence du Wu-Tang Clan, qui a traversé les âges. Ici, il s’agit d’une démonstration micro en main d’une bonne partie des MC du Wu, bien loin d’être aussi engagé que ”C.R.E.A.M.”, qui parle de la manière dont l’argent contrôle tout dans nos vies. Ici, on a plutôt une sorte d’egotrip inquiétant sur lequel les rappeurs parlent des filles, un thème qu’ils n’abordent pas si souvent, plus portés d’habitude sur le ghetto, la rue,, la dure réalité de la vie.
Le son ”Ice Cream” est sorti en 1995, deux ans après le séisme causé par le premier album du Wu-Tang. A ce moment là, GZA ou encore Method Man, ainsi que d’autres artistes du groupe, ont tous tenté l’aventure en solo, avec un certain succès. Cette fois, Raekwon décide que c’est son tour, et il sort son projet ”Only Built 4 Cuban Linx…”. Un projet qui a rencontré un véritable succès, disque d’or en 2 mois, et classé 2ème au top R&B / Hip Hop à l’époque.
Beaucoup de membres du Wu ont été invités par The Chef, le surnom de Raekwon. On retrouve principalement GZA à la production, et Gosthface Killah est également très présent sur plusieurs morceaux. Sur ”Ice Cream”, on retrouve donc Raekwon, évidemment, GZA aux manettes, mais aussi Ghostface, Method Man et Cappadonna. Que des rappeurs très très proches, ce qui explique probablement que l’alchimie soit si parfaite sur le titre.
Un morceau ”all-stars”
On retrouve donc les principales têtes du Wu, qui répondent tous à l’appel avec la manière. A commencer par Gza, et sa prod hypnotique avec encore très peu de notes, très peu d’instruments, juste une boucle de piano et une ligne de percussions. Le style du WU dans son plus pur appareil, avec ce minimalisme vraiment caractéristique du rap East Coast. Et que dire du refrain de Method Man qui met directement dans l’ambiance : ”French-vanilla, butter-pecan, choclate-deluxe, Even caramel sundaes is getting touched”, faisant référence au types de filles qu’il aime en parlant de la couleur de leur peau, et les associant à des parfums de glace. Le thème du morceau ”Ice Cream”, c’est Method et ses potes en Mac (marchands de glaces) bien décidés à goûter toutes les saveurs.
Avec une préférence, partagée avec ses amis, pour le ”Chocolate-deluxe” et les ”caramel sundae”, le dernier parfum faisant aussi référence aux T-shirts qu’ils vendaient aux filles à l’époque. Ghostface pose ensuite un premier couplet anthologique, dans lequel il compare le mouvement de la fellation à celui d’un poulet qui bouge la tête. Toujours autant d’humour, mêlé à une attitude hyper irrespectueuse, aucun doute, le Wu est bien là. Il affirme qu’il ne peut as résister, que la fille le piège littéralement, avec son parfum de cannelle. Elle est tellement incroyable qu’il fini par se mettre en couple avec, avec comme seule condition de ne pas toucher à son argent :”You can gave anything in this world except C.R.E.A.M.”.
Cette manière de faire référence de manière évidente à d’anciennes chansons du Wu, c’est aussi ce qui a participé à construire la légende autour du groupe, à bâtir l’édifice de l’esprit Wu, autour de certaines valeurs, comme le respect du hip hop, la volonté de faire énormément de sous avec, tout en élevant les consciences de leurs frères. Le tout sans se priver des plaisirs simples de la vie comme les femmes par exemple, on le voit bien dans le morceau.
Raekwon, celui qui rappe le moins
Chose très curieuse, tout de même : Raekwon est celui qui rappe le moins de lignes dans ce morceau. D’ailleurs, c’est un peu l’histoire de sa carrière, le gars a été beaucoup trop sous-estimé par les auditeurs, et sous-utilisé par le groupe, surtout si on compare à ODB, Method Man ou Ghostface. Pourtant, il est aussi talentueux que les autres, même si sa personnalité détonne moins. Il débute de manière très technique avec ses rimes en ”ess”. Toujours dans le thème des filles, il nous confie son goût particulier pour les filles mixées à la sauce ”afro-asiatiques”, en tombant lui aussi amoureux, faisant de sa meuf al reine des abeilles, en référence aux fameux ”Killa bees” ces MCs et producteurs qui se sont placés directement sous l’influence du WU dans les années 90 : “Who’s that queen bee chick, eyes pearly black” . A peine voit-il la fille et ses yeux (deux perles noires) qu’il l’imagine déjà comme sa reine des abeilles.
Suit ensuite le couplet de Cappadonna, qui a lui une grosse préférence pour les afro-américaines aux formes prononcées : ”Black chocolate girl wonder, shake ground like Thunder”. Tout le génie du Wu en une punchline, où il fait référence, dans le même temps, aux formes de la jeune fille, qui font trembler le sol tel le tonnerre, tout en parlant de basket-ball et du joueur Darryl Dawkins, surnommée ”Chocolate Thunder”. Forçant le trait du renoi affamé de culs, surjouant les clichés (”I Love you like i love my dick size”), et affirmant qu’il est un des meilleurs coups de tout New-York.
C’est ensuite au maître Method Man de terminer le morceau, en commençant par dire : ”Wu-Tang in the cut, for real niggas, what ? It’s the afterparty and bitches wanna fuck”. Vous êtes prévenus, maintenant, le Wu est connu, et ils ont bien l’intention de profiter de toutes ces groupies qui leurs courent après. Un excellent morceau, rempli d’humour, contrairement à ce qu’on aurait pu penser au vu de la prod plutôt inquiétante. C’est justement là qu’est tout le génie : mettre une ambiance inquiétante, et lancer des paroles parfois plus que limites vis-à-vis des femmes, et passer pour des mecs instables et menaçants, alors que le morceau est juste un prétexte pour se taper un bon délire sur un sujet rigolo, et montrer qu’on maîtrise la rime mieux que les autres.
Et aujourd’hui encore, personne n’en doute !