Le Ministère A.M.E.R a marqué le rap français de son empreinte par ses paroles radicales, ses déboires avec la justice et son second album “95200”. L’œuvre du groupe est profondément marquée par l’environnement de Stomy Bugsy et Passi et leur expérience douloureuse avec la société française
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Le groupe a été formé par des potes de Garges-Sarcelles, bastion du rap à l’époque. Dès leurs débuts, les jeunes rappeurs marquent leur différence avec le reste du hip-hop. Pas d’entre-deux, de tournures poétiques à la Iam ou de rap cool à la Mc Solaar, le Ministère A.M.E.R débarque pour peindre le quotidien de sa cité, sans détours. “A.M.E.R” pour “Action Musique Et Rap” et “Agent du Ministère éloquent et Radical”. Le ton est donné.
Cloisonné dans une cité à grande majorité africaine, les deux rappeurs développent très vite une conscience de classe. Celle des gens d’en bas contre les riches, des jeunes voyous contre les flics, des noirs contre les racistes. Dès leur premier album “Pourquoi tant de haine” en 1992, le groupe se place comme l’incarnation d’un rap revendicateur, qui dénonce sans concession, quitte à choquer. “C’était important de dire qu’on existait. Qu’on ne voyait pas où était notre place. Que l’Histoire, pour nous, n’était pas bien écrite. Qu’il y avait une raison pour nos ancêtres de se retrouver en France. Il fallait le dire, l’expliquer.” se souvient Passi dans les Inrocks.
Le classique “95 200”
Ainsi, Passi et Stomy Bugsy dépeignent le quotidien de jeunes de banlieues, le leur. De la recherche du “savoir”, à la quête de la monnaie jusqu’à l’épreuve de la “Garde à vue”, le spectre est large mais représente des expériences vécues. Une description fidèle et plus révolutionnaire que fataliste. Une première ligne sur le CV qui va vite être suivie de leur second album “95200” en 1994. Le code postale de Sarcelles, de là d’où tout part. Toujours acides, ils ne sont pas non plus des porte-paroles politiques sans nuances. L’humour est ainsi une partie essentielle de leur musique. Comme sur le polémique “Brigitte Femme de flic”.
Cependant, ce qui ressort de leur texte, ce sont les attaques frontales envers à peu près tout le monde. Comme sur “Les nègres de la pègre” (“La France nous prend pour des cons, elle sera notre paillasson”) ou l’excellent “Flirt avec le meurtre” (“La police m’attaque et tous les PDs du mouvement H.I.P H.O.P français veulent me boycotter”). Le tout dans un style flamboyant et sûr de soi. Pour se rendre compte du danger qu’ils représentaient pour certains : le ministre de l’intérieur de l’époque Charles Pasqua voulait interdire leur premier album “Pourquoi tant de haine” pour leurs propos provocateurs et a fait interdire des dizaines de concerts. Une décision contre-productive puisque cela a contribué à construire la légende du Ministère A.M.E.R.
“Sacrifice de poulets”
https://www.youtube.com/watch?v=3nzdV38IQLA
Leur contribution à la bande-originale du film “La Haine” en 1995 est ce qui les fait définitivement connaitre du grand public. “Un sacrifice de poulets” en règle, véritable brûlot politique porté par un refrain mythique (“Pas de paix sans que Babylone paie, est-ce que tu le sais ? Sacrifions le poulet !”). Ils sont également du titre légendaire “11′30 contre les lois racistes.”. “On était tous derrière une cause commune, à montrer ce qu’était notre musique, à parler de la banlieue” souligne Passi, alors que le groupe est à l’époque en marge du rap français.
Le deuxième et dernier album en tant que groupe “95 200” est aujourd’hui considéré comme un véritable classique du rap français. Surtout, il a ouvert la porte pour nombres du rappeurs qui ont suivi la voie tracée par le Ministère A.M.E.R. Passi et Stomy Bugsy se sont ensuite tous deux dirigés vers une carrière solo avec succès.