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[Chronique] : Vin’s nous arrête à “23h59” avec son EP!

Malgré 12 ans de rap, certains rappeurs sont toujours vus comme des rookies. Ce qui n’est pas forcément négatif : un rookie, c’est nécessairement quelqu’un dont on attend quelque chose, dans lequel on perçoit un vrai potentiel. Vin’s fait partie de ces rappeurs, et il le doit un peu à son parcours, lui qui vient de la scène indépendante de Montpellier, en dessous des radars donc. La faute aussi à une “pause” de plusieurs mois pendant lesquels il s’est attelé à donner une nouvelle direction à son rap.

Depuis, après les vidéos Daymolition, des freestyles, et surtout, un score de vues qui monte assez vite sur les derniers clips publiés, notamment “#METOO”. Tous les voyants sont au vert pour que Vin’s sorte un nouveau projet, et c’est désormais chose faite avec cet EP de dix titres “23h59”. Un EP qui devrait prendre la forme de nouvelle carte de visite pour Vin’s, qui a voulu montrer qu’il maîtrisait autant le rap indé type “Scred” que des sonorités beaucoup plus modernes entendues dans ses derniers clips. Ce nom, “23h59”, n’est pas choisi au hasard: sans doute annonce-t-il qu’à partir de ce projet, ce sera un nouveau jour pour la carrière de Vin’s. A-t-il transformé l’essai? On va le voir avec vous.

Un Vin’s censé et hyper polyvalent

Lorsqu’on vient de la scène indé “traditionnelle” en France, c’est difficile de percer. Rares sont les élus comme par exemple Demi-Portion, qui est un des seuls à avoir rencontrer un tel succès en comptant uniquement sur lui-même et son équipe. La faute à un rap souvent trop “cloisonné”, trop “codifié”, et du coup, malheureusement, parfois trop répétitif. Vin’s s’acharne donc à montrer qu’il sait faire autre chose, ou même mieux: que l’univers qu’il a mis en place depuis dix ans est parfaitement compatible avec des sonorités nouvelles. On peut faire du rap “authentique” sur de la trap, un rap où on ne s’invente pas forcément des vies de grossiste agressif. Même s’il commence quand même par un banger egotrip avec “Bête Noire”, il joue plus sur la technique et le flow que sur les punchlines gores comme d’autres.

Ça nous fait plaisir de retrouver le son “La Haine”, qui avait disparu de Youtube, un exemple de trap réfléchie comme le rappeur sait bien en faire. On va passer rapidement sur “Disquette”, puisque le clip est sorti il y a seulement quelques semaines. Et on va arriver à un morceau très intéressant, “Kremlin”, un morceau très ambitieux où le rappeur navigue entre kickage, chant, et même un peu d’autotune, tassez bien maîtrisé. On est assez friand de ce genre de tentatives, et Vin’s y est très à l’aise. Puis il nous prend à rebours avec le titre “Marianne”, où il retourne kicker sur un bon vieux sample à l’ancienne avec des lyrics très politiques et engagés. Avant de revenir à un autre morceau beaucoup plus expérimental, “S.L.T.”. Et là, on se dit vraiment que le rappeur tient quelque chose de très fort, avec ce son noir, insolent et irrévérencieux, hyper bien foutu, avec des gimmicks, des flows saccadés bien maîtrisés et des accélérations très bien placées.


Pour les thèmes, le rappeur s’attaque à des thèmes très modernes, comme le harcèlement évidemment avec “#METOO”, mais aussi l’impasse politique dans laquelle on est plongés, ou les méfaits des réseaux sociaux (“Hors Ligne”), de la télévision, de ce qui est trop virtuel, mais un peu aussi d’amour, de trahison. Quelque chose qui revient très souvent, c’est une sorte de dégoût que Vin’s éprouve vis à vis de certains comportements de ses contemporains, rappeurs ou non. Et il y a même un petit morceau format single à la fin du projet. “23h59” est un EP dans lequel Vin’s se livre un peu plus, se découvre, sort de sa zone de confort, et il le fait vraiment bien. Un petit album “entre-deux” pour tourner une page et prendre le route qui lui semble destinée: celle des meilleurs kickeurs français. On attendra donc son prochain véritable gros album avec impatience !