Davodka, l’interview : “Le public le plus important c’est pas le premier mais le dernier”

Davodka vient de sortir son nouvel album “À juste titre”. Le rappeur parisien, grâce à sa productivité et à son authenticité, a réussi à réunir un public toujours plus large et plus fidèle à travers les années.

Fidèle à lui-même, il se montre toujours aussi à l’aise sur ses terrains de jeux préférentiels que sont le fast flow, la rime technique et les jeux de mots. Mais Davodka, ce n’est pas que ça. Que cela soit au niveau des sonorités ou des thèmes, l’artiste explore de plus en plus dans cet album, sans aucun doute le plus mature de sa carrière. Interview.

– Tout d’abord, es-tu satisfait des premiers retours sur ton album ?
Oui je suis très satisfait car globalement mon public a très bien reçu le Davodka dans sa diversité et j’ai même réussi à faire aimer mon projet aux plus réticents vis à vis des sonorités plus modernes.

– Tu dis dès l’introduction “pour rester vrai faut rester en chien comme avant”, le public un peu trop fermé, ce n’est pas un peu le problème du rap underground auquel on t’affilie ?
Non, le rap underground comme signifie son blaze doit être discret voire sous terrain. Le fait que je suis un peu plus en lumière ne ravit pas certains alors qu’ils devraient être contents pour moi. Quand on aime un artiste, on ne veut pas le voir limiter à une seule discipline, et ça ne l’empêche pas d’être authentique même si il est dans la lumière. Les gens se méprennent parce que le public le plus important c’est pas le premier mais le dernier, celui qui t’accompagne jusqu’à la fin.

– Tu prônes le travail artisanal, j’imagine que tu as déjà été approché par des maisons de disque, tu ne conçois pas ton art sans être en indépendant ?
J’ai été approché par des labels etc. Mais pas de grandes maisons de disque. Faut dire que le discours leur annonce un peu la couleur. Aujourd’hui je suis en indé à la création et avec le recul ça ne me dérangerait pas d’être mis en lumière par un producteur ou une distribution du moment que je reste maître de ce que je fais. C’est le cas aujourd’hui, je suis distribué par Universal Music par le biais de Caroline/GrandLine. Et pourtant l’album a été produit dans ma cave comme les précédents, de l’écriture à l’enregistrement.

“L’album a été produit dans ma cave comme les précédents, de l’écriture à l’enregistrement”

– On parle souvent de “L’école du 18e”. Selon toi, il y a-t-il un fil qui lie les artistes du 18e arrondissement parisien ?
Ouais il y a l’engagement et le texte qui est fondamental, que tu passes de Flynt à Assassin, le TSR ou même la Scred. Comme le dit Flynt c’est “Un pour la plume”. Après le quartier, l’environnement, la diversité, c’est une source d’inspiration commune et inépuisable pour l’école du 18.

– On sent (un peu) plus de lumière dans tes propos par rapport aux projets précédents. Est-ce dû aussi à ton changement d’environnement puisque tu as quitté Paris pour Strasbourg ?
Non, c’est juste qu’il est arrivé des événements positifs dans ma vie. J’suis toujours parisien dans l’âme et je passe beaucoup de temps chez moi. Ce laps de temps en Alsace m’a permis aussi de prendre du recul sur le stress de la capitale.

– On garde tout de même une certaine mélancolie, par exemple sur “point de rupture”. Beaucoup de rappeurs disent qu’il écrivent lorsqu’il sont tristes, c’est aussi ton cas ?
J’ai beaucoup plus de facilités à écrire quand je suis triste, mélancolique. Mais j’écris surtout selon l’humeur du jour. Mais ma mélancolie m’aide à aborder des sujets sensibles, comme sur « Enfant du Monde » ou « Point de Rupture ».

– “Petit miroir” est pour moi un des plus beaux titre de l’album, comment s’est déroulé le morceau ?
Dooz Kawa et moi on s’est rencontré sur nos tournées précédentes en 2017/18, on a partagé pas mal de scènes et le feeling est vite passé. On s’apprécie autant artistiquement qu’humainement, ce qui nous a amené à croiser la plume. Pour ma part connaissant la plume de DK, je voulais l’emmener sur un terrain qui nous serait propice et le thème est tombé rapidement parce qu’on a beaucoup échangé sur nos familles et nos expériences de père. En plus petite anecdote, nos fils ont pratiquement le même prénom, c’est la coïncidence qui a confirmé qu’on marchait sur le bon terrain.

– On sent aussi une certaine amertume sur la société actuelle avec l’importance des réseaux sociaux notamment, tu n’a pas peur d’élever ton enfant dans cette société ?
J’ai pas peur de l’élever dans ce monde, mais j’ai envie de lui donner une voie à suivre avec de bonnes valeurs et de le mettre à l’abri et le préserver. Mais il faut aussi qu’il fasse sa route, qu’il fasse ses choix et malgré mes avertissements il fera ce qu’il veut comme nous on l’a fait.

“On a trop mis en avant le fait de représenter son quartier”

– Que penses-tu du fait que beaucoup d’auditeurs n’acceptent pas que chaque rappeur ait un vécu propre et qu’il fasse en fonction de sa vie personnel plutôt que de sa crédibilité dans le rap “game” ?
J’suis pas un acteur, sinon j’aurais fait du cinéma. Mes écrits ont toujours été fidèles à mon vécu, le rap étant mon exutoire. C’est pas parce que j’ai déménagé d’un endroit que j’ai oublié ce que j’y ai vécu. On a trop mis en avant le fait de représenter son quartier, moi j’ai pas envie de représenter que le 18ème mais toutes les personnes qui se reconnaissent dans ma musique.

– Cet album sonne comme une transition vers une proposition un peu différente, Davodka après “A juste titre”, ça sera quoi ?
Je sais pas encore de quoi sera fait la suite, la transition est encore en cours mais j’ai pas envie de refaire ce que j’ai déjà fait. Après 15 ans de rap t’as besoin de nouveaux challenges. Davodka va pas changer, il va coupler son rap avec des nouvelles prises de risque. J’ai jamais fait du rap que pour moi même mais je me fie pas à ce qu’on me dit de faire. Je fais ce que j’aime c’est tout.

Sim
Sim

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