La première saison de Rhythm + Flow vient de s’achever et D Smoke, le rappeur originaire d’Inglewood en est sorti vainqueur. Portrait.
Ne nous mentons pas, on était tous un peu dubitatif à l’annonce du projet Rhythm + Flow. Il faut dire qu’un concours musical type “La Nouvelle Star”, en version hip-hop, sur le papier, ça fait peur. Allait-il s’agir une fois encore d’un énième show caricaturant la culture hip-hop pour le grand public, ou Netflix va-t-il nous proposer un véritable curateur de talents ? La saison 1 est désormais terminée et après visionnage, force est d’admettre dans un soupir de soulagement que c’est la deuxième option qui prime.
Parmi les candidats venus concourir, on trouvait des MC’s venus de partout aux US, des rappeurs comme des rappeuses, et surtout, des artistes de talent et au fort potentiel. Mais dans le lot, il y en a un qui s’est démarqué plus que les autres.
Celui qui est parvenu à triompher de ses trente autres adversaires. Celui qui jusqu’au bout, aura impressionné les juges T.I., Chance The Rapper et Cardi B avec des textes réfléchis. Celui qui d’entrée de jeu, a tenu tête à Snoop Dogg qui l’intimidait. Celui qui en plus de savoir jouer de plusieurs instruments, rappait à la fois en anglais et en espagnol. Celui qui a remporté le pactole de 250 000 dollars en récompense de ce concours musical. Je veux bien sûr parler de D Smoke.
D Smoke, MC, musicien et érudit
Avant même de participer à Rhythm + Flow, D Smoke, 33 ans et de son vrai nom Daniel Farris avait déjà un sacré CV. Depuis longtemps mûr et réfléchi, il avait en plus d’être bilingue anglaispagnol, de réelles prédispositions pour la musique. Issu d’une famille de musiciens, le rappeur a une mère professeure de piano et chanteuse professionnelle. Vous vous en doutiez au vu de ses performances à la télé ? Et bien saviez-vous qu’il avait également un frère musicien bien connu ? En effet SiR, le chanteur de R&B signé chez TDE, le label de Kendrick Lamar est son frangin. On comprend alors très vite d’où il vient et quelles sont ses influences. D’ailleurs, qui ne s’est pas dit en regardant l’émission : “Tiens, il a des airs de Kendrick lui !“
Quoi qu’il en soit, il y a plus de dix ans, D Smoke avait déjà remporté des prix musicaux. Avec son autre frère, Davion Farris, il a été récompensé par la Société Américaine des Compositeurs, Auteurs et Editeurs (ASCAP) pour avoir co-écrit la chanson “Never” de Jaheim sortie en 2007. Un titre qui s’est positionné à la 12e place du Billboard Hot 100 tout de même. Egalement, il est crédité co-auteur pour quelques chansons des Pussycat Dolls et de Ginuwine.
Mais ce n’est pas tout. En plus d’écrire pour d’autres artistes, il a bien entendu travaillé sur ses propres mixtapes ainsi que celles du groupe qu’il formait avec ses frères The Woodworks. Ce même groupe qui avait fait la première partie de Kendrick Lamar au Whiskey a Go Go, un night-club de West Hollywood en 2011. Pour promouvoir ses projets musicaux, D Smoke a aussi co-fondé Woodworks Records, un label indépendant avec son oncle.
Malgré tout, il n’a jamais fait de musique à plein temps. S’il a en a fait son principal hobby, il était avant tout professeur d’espagnol à la Inglewood High School. Il a d’ailleurs confié dans une interview donnée à TV Guide : “J’ai vraiment attrapé le virus de l’enseignement. C’était enrichissant tous les jours et je pense qu’enseigner m’a insufflé beaucoup d’énergie positive, ce qui a inspiré ma musique”.
Très vite alors, il décida de lier ses deux passions, le professorat et la musique. C’est ainsi qu’il sera rappeur, mais aussi prof d’ingénierie musicale, d’anglais et de littératie financière à la High School For Recording Arts de Los Angeles.
“J’ai posé beaucoup de questions avant d’accepter de faire la série. Je voulais m’assurer que cela permettrait aux vrais artistes de briller. Au final, j’ai aimé leur approche. Le fait qu’ils nous apprennent à avoir confiance en nous, de nous mettre en condition réelle de studio avec un producteur, et aussi qu’ils nous incitent à représenter notre ville natale”.
S’il a d’abord été perplexe à l’idée de participer aux auditions de Rhythm + Flow, par peur d’une émission médiocre et superficielle, il a déclaré que c’était ses élèves qui l’avaient motivé à passer le pas. “Quand j’ai appris pour les auditions, j’étais en classe et j’ai partagé l’idée avec mes élèves qui m’ont encouragé à y aller”. Aurait-il alors imaginé à cet instant qu’il irait jusqu’au bout ?
Rhythm + Flow : un parcours quasi-sans faute
Il a gravi les échelons un à un. Sans plus attendre, revenons sur le parcours parfait de D Smoke dans l’émission produite par John Legend. Adoubé par le jury dès les premières auditions à Los Angeles, Daniel est très vite passé l’étape supérieur, et ce malgré la tentative d’intimidation de Snoop Dogg. Bilingue, il s’est démarqué grâce à ses capacités à rapper à la fois en anglais et en espagnol. Mais pas seulement.
Une fois venue l’épreuve des cyphers, il a montré sa supériorité par rapport à ses acolytes de mic. Peu sont en effet capables d’être technique, tout en sachant raconter des histoires poignantes. D Smoke est de ceux-là. En plus d’être un pur produit californien dans ses sonorités, il est un excellent storyteller. Difficile de ne pas voir l’influence de Kendrick Lamar dans son rap.
A l’épreuve suivante des battles, il a éliminé l’excentrique, mais non moins talentueux Old Man Saxon. Un adversaire, mais surtout un ami envers lequel il n’a pas manqué d’exprimer son respect après sa victoire. “Quand il n’y a plus de caméra, ce type reste droit et garde la tête froide et il a tout mon respect. Tu viens à Inglewood quand tu veux”. Ne soyez donc pas surpris si vous voyez ces deux-là bosser ensemble à l’avenir.
Au sujet de D Smoke, Cardi B avait déclaré pendant l’émission : “Tu es très intellectuel, tu sais ce que tu dis et ton rap est très mature”. Quelque chose qu’il n’a encore une fois pas manqué de prouver lors des échéances suivantes. Dans son clip poignant pour “Let Migo” par exemple. Un visuel tournée chez lui a Inglewood, qui dénonce les violences policières.
A suivre, l’épreuve des samples. Pour cet exercice, il n’a pas eu la même approche que ses concurrents. Avec l’aide du producteur Denaro Love, il a samplé le classique funky de George Clinton “Atomic Dog” et l’a transformé en une ballade jazzy contemplative intitulé “When The Kids Pull Up”. Face au rap souvent exubérant des autres candidats et en dépit d’un faux pas surprenant, il a pris le jury à contre-pied en proposant quelque chose d’à la fois soigné et réfléchi. Un morceau à son image tout simplement.
“Je savais que c’était basé sur la compétition et que beaucoup de mes concurrents allaient opter pour quelque chose d’énergique. Pour ma part, je savais qu’une chanson lente allait être un avantage créatif à la fin, car elle se démarquerait”.
Bingo, sa lucidité et son talent lui ont permis d’obtenir un ticket pour l’étape suivante : une collaboration rêvée avec Miguel sur son hit “Skywalker“. Ensemble, les deux artistes ont brillé et leur marquant “pierre, papier, ciseau” a eu raison des autres concurrents. Le triomphe de D Smoke est finalement arrivé grâce à sa performance live exceptionnelle sur son titre “The Last Super”.
Alors que tout le monde était déjà impressionné par ses talents de lyricist engagé, c’est à ce moment-là qu’il a dévoilé sa carte maîtresse. Il a bouleversé autant le jury que le public en révélant à la dernière minute qu’il pouvait jouer du piano. Sa mise en scène était également grandiose puisqu’il a reproduit le dernier repas de Jésus avec ses danseurs. Dans le texte, son morceau de la victoire livre un message d’amitié et de loyauté envers ceux qui luttent pour aller au-delà de leur propre condition. Tel est le combat de D Smoke depuis toujours.
Et maintenant ?
Bien évidemment, après sa victoire, tous les médias spécialisés se le sont arraché. La question qui est forcément revenue le plus souvent : “Que vas-tu faire avec tes 250 000 dollars ?” Ce à quoi il a répondu en toute humilité :
“Je vais investir. Je vais donner quelques bourses à des jeunes de mon lycée et participer à des événements dédiés au développement de la jeunesse et bien sûr, des enfants. Evidemment, je vais aussi investir dans mon métier, en donner une part à ma maman et je vais m’acheter une maison à Inglewood”.
Concernant sa musique, il a justement sorti ce vendredi 25 octobre, son nouvel EP, Inglewood High. Un projet de 7 titres forcément très prometteur tant tous les projecteurs sont actuellement braqués sur lui. En attendant de le voir s’élever encore plus haut, son frère SiR et tout Inglewood peuvent être fiers de lui.