Retour sur un des morceaux les plus brillants de la carrière de Notorious B.I.G. Dans “Gimme The loot”, le rappeur livre un storytelling haletant tout en modulant sa voix pour camper deux personnages différents.
“Gimme The Loot” fait partie des premières chansons que Biggie a écrites pour son album “Ready To Die” en 1994. Celles qu’il écrivait le plus naturellement : des histoires sombres et fleuves. Loin des sons radio-friendly (et non moins excellents) Big Poppa et Juicy que Puff Daddy l’a poussé à sortir afin que le projet connaisse un succès mainstream.
Dans “Gimme The Loot”, qui est la deuxième piste de l’album après l’intro, Biggie campe deux personnages qui braquent dans les rues sans scrupule. Un a l’assurance des voyous qui ont de la bouteille, avec la voix grave qui va avec. C’est Biggie. L’autre est moins expérimenté, avec une élocution plus juvénile. C’est un premier tour de force de parvenir à changer de voix une dizaine de fois dans le morceau pour aboutir à un vrai dialogue, alors qu’il se répond à lui-même ! L’ambiance en cabine pendant l’enregistrement devait être lunaire. Si on ne prête pas l’oreille avec attention, on peut penser que Notorious B.I.G a invité un autre très bon rappeur en featuring, il n’en est rien.
Un storytelling magistral
L’autre grande qualité du morceau est le storytelling, Biggie parvenant à faire monter l’auditeur en tension et à l’embarquer dans son périple. Certains considèrent que le second personnage est Biggie plus jeune, mais cela peut tout à fait être nous, simples fans de Biggie, happés par le récit et acteur/spectateurs d’un drame en plusieurs actes.
Une plongée violente dans le ghetto new-yorkais, accentuée par l’utilisation de la première personne. Biggie ne décrit pas une scène, il l’a déroule devant nos yeux. Il annonce à son pote qu’il n’a pas besoin de gilet part-balles, agresse tout le monde (“Rien à foutre si t’es enceinte”) et tue (“Laisse moi pas vider mon chargeur sur ton dos et ta tête”). Son complice, bien que moins serein est tout aussi téméraire (“Quand je crève la dalle, je vole et braque / Parce que ma mère me file que dalle”). L’histoire est évolutive et la scène finale et un modèle du genre. Quand après avoir braqués, les deux font face au regard insistant d’un flic, qui semble alors ignorer leur méfait. Biggie Smalls se prépare à tirer…
En 5 minutes, Notorious B.I.G a fait mieux que de nombreux films sur 2 heures. Une entrée parfaite dans l’album classique qu’est “Ready To Die” et encore à ce jour un des meilleurs storytelling de l’histoire du rap américain.
https://www.youtube.com/watch?v=ZzvL4O3uomg