Retour vers les classiques avec Sniper

Aketo et Tunisiano, les deux membres du mythique groupe Sniper sont remontés sur scène ensemble au Demi Festival 2021. L’occasion pour nous de leur offrir une petite retro-nostalgie garantie 100 % classique.

Avec ou sans Blacko, force est d’admettre que le groupe Sniper a marqué le rap français au fer rouge, en plus d’avoir son blase gravé dans roche. Depuis ses débuts tonitruent dans le game avec l’album « Du Rire aux Larmes » en 2001, le crew originaire de Deuil-la-Barre et aujourd’hui porté par les géants Aketo et Tunisiano continue de graviter autour de la planète rap français.

Avec cinq albums studio à leur actif, dont le dernier en date, Personnalité Suspecte Vol. 1 est sorti en 2018, S.N..I.P.E.R a gravé façonné et mené jusqu’à nos oreilles, toute une flopée de classiques. Des titres qu’on aime écouter et réécouter depuis de nombreuses années.

On a beau les connaître par cœur, c’est toujours mieux quand ce sont les artistes eux-mêmes qui nous racontent leurs morceaux. C’est pourquoi à l’occasion du Demi Festival, on s’est posés avec Aketo et Tunisiano pour se remémorer avec eux, des souvenirs d’une discographie légendaire.

Sans (Re)pères

Tunisiano : Sans (Re)pères, on l’a composé avec Blacko et moi-même car on est tous les deux issus de parents divorcés. C’est d’ailleurs pour ça qu’Aketo ne pose pas sur le morceau, car il n’est pas concerné par le sujet. C’est un morceau très introspectif dans lequel on se livre à 100 %. C’est sincère et on y raconte vraiment notre vraie vie, notre vraie histoire.

Aketo : J’ai une petite anecdote sur ce morceau. Je n’ai pas participé, mais j’ai été témoin de sa création et il faut savoir qu’il existait déjà bien avant sa sortie. Je me souviens que Blacko avait déjà la prod au moment de la sortie du premier album, Du rire aux larmes. On l’a mis dans le projet suivant, mais à cette époque, il y avait déjà l’idée du morceau, de la prod et du refrain. On avait déjà l’air et la mélodie, mais le morceau n’a pas été terminé dans les temps pour être sur le premier album, du coup il a fini dans « Gravé dans la roche ».

Sur scène, c’est aussi un moment fort et particulier pour nous. Personnellement, je suis toujours spectateur de ce morceau-là, car je remarque que peu importe les concerts, ça touche toujours autant le public malgré les années. Il y a énormément de gens qui ont vécu ça et tu vois dans leur regard que ça les affecte profondément. Toujours le même effet à chaque fois

Gravé dans la roche

Aketo : C’est quelque chose qui arrive rarement dans une carrière, mais pour nous, c’était comme une évidence. Je me souviens du moment quand on a reçu la prod, on n’avait même pas encore écrit et elle nous avait déjà rendu dingue. On savait que ça serait un morceau de fou. Bizarrement, c’est aussi un morceau qu’on a fait très rapidement, en un après-midi. Une fois fait, on n’arrêtait pas de le réécouter et on se disait « ce morceau est chanmé ». C’était le single sûr, avant même qui sorte, on a senti quelque chose.

Tunisiano : oui c’est vrai, à chaque fois qu’on revenait en séance, on faisait que l’écouter. C’est l’un des morceaux dont je suis le plus fier. Par rapport à comment ça s’est passé et au kiffe que ça m’a procuré de le faire et au plaisir que j’ai encore à le réécouter. Je crois vraiment qu’il y a aucun autre titre qui m’a fait cet effet-là. C’est un truc magique qui n’arrive qu’une fois, c’était un alignement de planètes incroyable.

Trait pour trait

Tunisiano : Ce morceau je vais te dire la vérité…

Aketo : je sais ce que tu vas dire !

Tunisiano : On sort de « Gravé dans la roche », on arrive et on est matrixé par la maison de disques et par tout le monde qui nous demande de refaire une espèce de « Gravé dans la roche bis ». On est pris dans une spirale et en fait, vulgairement on se retrouve à faire une espèce de truc… Pas un copier coller, mais presque. Les accords, le beat, le tempo… Tout est similaire et en fait il y a une grosse ressemblance et ça nous gênait.

Attention, j’en suis très content, mais je dois admettre qu’il y a un côté très calqué sur « Gravé dans la roche ». ça m’a appris une leçon, qu’un hit ça ne se calcule pas et que ça sert à rien de faire un numéro 2.

Aketo : Je sais pourquoi on a fait ça. « Gravé dans la roche », on savait que c’était chaud, ça a pris une ampleur qui nous a mis une énorme pression sur les épaules. Fatalement, on s’est dit, si on revient avec un autre album, il faut qu’on ait un morceau meilleur ou aussi fort que celui-là. On s’est mis une pression de fou donc. A l’époque, on n’avait pas le recul nécessaire pour savoir qu’un morceau comme ça, ça n’arrive qu’une fois dans une carrière. On a quand même essayé à l’époque et malgré tout, ce qui est dingue, c’est que le morceau « Trait pour trait » a bien marché.

La France

Tunisiano : Thématique un peu plus dure. C’est un morceau que j’ai écrit quand j’avais seize ans. Pour tout dire, je l’ai écrit alors que j’étais encore avec M Group (son premier groupe en 1996 ndlr). J’avais un pied dans Sniper, un pied dans M Group. C’est un titre que j’ai écrit en sortant de garde à vue. C’est-à-dire que vas-y je suis pas bien et énervé. A seize ans, tu en veux à la Terre entière et tu crois que tu vas changer le monde. Sauf que tu vas rien changer du tout. Au final, j’ai ça qui me vient et ça me sort instinctivement. Je me rappelle je fais ce titre-là pour la compil «Cool et Radical » à la base et c’est une version à trois couplets, différente de celle qui est sur l’album.

Après, le morceau a tellement eu d’impact et a tellement pris qu’il me suivait. Et comme c’était sur une prod du Desh qui était notre producteur pour Sniper, je décide de le refaire et de rajouter un quatrième couplet pour l’album de Sniper.

Sablier

Tunisiano : pour moi, c’est un morceau assez fort, que je kiffe. C’est le morceau du comeback !

Aketo : En réalité ce morceau veut dire beaucoup de choses. On l’a fait assez naturellement, mais en vrai il représente beaucoup de choses. Il symbolise le moment où on se remet ensemble…

Tunisiano… On se remet ensemble, le temps est passé, on a grandi et c’est pour ça que forcément, on fait référence au temps avec le sablier. On est là et on dit : « on a grandi, à l’époque on était des minots et maintenant ça y est on est des anciens. Tu vois, on remet un pied dans le game donc forcément on a tout l’aspect nostalgique de Sniper qui remonte.

Aketo : je pense que Bachir me contredira pas, mais c’est un morceau dont on est très fiers

Tunisiano : De ouf clairement !

Du Rire aux larmes

Tunisiano : C’est l’un des hymnes du premier album. En plus de ça, c’est le titre éponyme du premier skeud. Je trouve que symboliquement, c’était une belle signature, une belle définition par rapport à l’esprit du groupe. C’est-à-dire que sur le premier album, à la fois on était en mode très gol-ri avec des morceaux comme « La Rumba » et « Aketo Vs. » et des morceaux plus profonds et mélancoliques. «Du rire aux larmes », franchement, c’est le genre de son qui s’est fait tout seul.

Aketo Vs. Tunisiano

Tunisiano : Ce titre, c’est propre à nous et à notre amitié. Dans la vie, on a tendance à se charier et se taquiner.

Aketo : Oui et d’ailleurs Bachir, je sais pas si tu te souviens, ça nous a été suggéré par notre producteur Goergio car quand on faisait les séances studio pour notre premier album, Bachir et moi on passait notre temps à se vanner en off. « Ces clashs, pourquoi vous en faites pas un titre ? » qu’il a dit… Et on l’a fait.

Tunisiano : on l’a fait et je suis très fier de ce titre-là, car limite, c’est devenu l’un de nos classiques.

Aketo : c’est un son qui nous suit à vie alors qu’à la base, c’est juste un truc pour rigoler.

Tunisiano : au final, je pense que tout le monde se l’est approprié car tout le monde a un nez fourchu et tout le monde à un pote avec des chicos niquées. Ça a suivi tout le monde et ça s’est fait tout seul.

Fait divers

Tunisiano : c’est un peu dans la continuité de « La France ». Je parle de ma garde à vue, de ce qui m’est arrivé etc. C’est sorti aussi très naturellement. Je m’en rappelle, j’ai proposé mon couplet et Aketo et Blacko ont suivi.

Aketo : Aussi, ça correspond à une époque où on était encore dans notre ville, dans nos quartiers. Une époque où on se faisait contrôler quotidiennement. Quand on voyait la BAC, c’était l’angoisse et ce morceau reflète tout ça. Aujourd’hui, ça a changé, ça m’arrive de prendre des selfies avec des policiers. Il y a aussi des gars cools dans la police.

Tunisiano : Oui, on ne fait pas de généralité, nous à l’époque les keufs qu’on kiffait pas, c’était vraiment les gars de la BAC de Dreuik. Je m’en rappelle le keuf s’appelait Labrosse et il avait une équipe, c’était vraiment des chiens. Eux, on les détestait. Tu vois les keufs qui arrivent et qui t’appellent par ton nom de famille tellement ils te connaissent ? C’était ça ! Après les autres on les croisait, on tapait la discute et zéro problème avec eux.

Aketo : aujourd’hui on a grandi et y’a des keufs d’aujourd’hui qui travaillent et qui ont écouté Sniper. Ils sont plus jeunes que nous et on tape des selfies avec eux. Tiens la dernière fois, je te jure, c’est vrai : je suis à Auber avec des amis en voiture. On est surchargé, ils sont quatre derrière sur les genoux et le keuf me reconnaît. Il me dit quoi ? « Aketo ? Même si t’as un kilo sur toi, je te laisse passer ! ». Évidemment, j’avais absolument rien, mais ce sont des jeunes qui nous écoutaient.

Faut d’tout pour faire un monde

Tunisiano : un morceau créé de façon très simple, en studio. En fait, je me rappelle, on avait la fin du titre : « Et si tu te demandes pourquoi on te raconte tant de choses immondes
C’est qu’apparemment il faut de tout pour faire un monde
Y a des mecs comme moi ou des mecs comme lui
Y a même des mecs comme toi … Ça donne le monde ou l’on vie …. Tout ce passage on l’avait au début et on a dû créer le titre autour de ça. Chacun aurait pu faire un couplet, mais en fait on a choisi que chacun enchaînait les interventions.

Aketo : c’est ce qui fait la magie du morceau !

Tunisiano : oui, mais malheureusement, un morceau comme ça on pourra plus jamais le faire sur scène. C’est trop technique, trop relou. On a essayé de le faire on s’est loupé vingt fois. C’est du one shot et c’est difficile à refaire. Pourtant, c’est un son que j’aurais tellement aimé rejouer en live. Je trouve que l’énergie, le message, tout ça, c’est poignant. Il est long, c’est devenu trop dur.

Aketo : après le morceau en tant que tel, c’est une réussite, on en est fiers.

Pris pour cible

Tunisiano : C’est Jimy Sissoko qui nous propose une instru. Nous à la base on la détestait, mais le producteur a insisté pour qu’on fasse un morceau dessus. Il a tellement forcé en nous disant «Les gars, faites-moi confiance, j’ai de l’expérience, le son va avoir un impact de dingue ! » Du coup on l’a fait et au final ça a porté ses fruits. Aucun regret, mais l’idée ne venait pas de nous. Si c’était nous, on l’aurait jamais mis dans l’album.

Fuck Sniper

Tunisiano : Ah génial ! Le meilleur pour la fin ! (Rires) Blague à part, ça c’est un morceau qui fait mal clairement. Tu vois, on a fait l’album Personnalités Suspectes Vol. 1 et ce morceau était censé appartenir au volume 2. Le volume 2 n’est pas sorti, mais il existe. On a plus d’une dizaine de titres, mais vu qu’entre temps, Blacko a chié dans la colle et a quitté le groupe, on a abandonné l’idée de le sortir sur le moment. Mais saches qu’on a plus d’une dizaine de titres terminés et qui sait peut-être qu’un jour ça sortira.

Jérémie Leger
Jérémie Leger

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