Tout amateur de Hip Hop connaît le rappeur, beaucoup connaissent l’homme et ses frasques mais Tupac en tant qu’acteur semble finalement bien méconnu du grand public. C’est pourtant son premier amour, qu’il a ravivé en jouant dans 6 films et ce, seulement jusqu’à 25 ans et sa mort tragique. On revient donc ici sur son rapport au cinéma, les rôles joués dans ses films et le type d’acteur qu’il était.
Tupac a toujours eu l’âme d’un acteur
Tupac grandit dans une famille pauvre mais très ouverte et attachée à la culture et à l’art. Ainsi, le jeune Amaru s’inscrit dès l’âge de 12 ans dans un groupe de théâtre à Harlem. Il déménage ensuite à Baltimore. Là-bas, il rejoint le lycée Baltimore School of Arts pour y étudier la jazz, la poésie ainsi que le théâtre, jouant dans des pièces de Shakespeare. C’est aussi le moment où il côtoie John Cole, son meilleur ami à l’époque. Celui-ci témoigne de la passion qu’avait 2pac pour jouer la comédie : « On pouvait regarder un film à la télévision et là il commençait à inventer des dialogues. Il pouvait devenir un vieil alcoolique ou Tony Montana ».
« Jouer a été
mon premier amour »
Mais la vie de Pac étant faite de mouvement constant, il se voit une fois de plus contraint de déménager en Californie et y délaisse quelque peu le théâtre. Il s’exprimera d’ailleurs sur ses (non) opportunités : « Je sens que j’ai toujours été un acteur et jouer a été mon premier amour. Je suis allé à l’école pour étudier l’art. Je voulais être acteur, mais à cause de la pauvreté et de circonstances qui m’ont stoppées, j’ai été pauvre, sdf et tout ça. Je n’ai jamais eu la chance d’étudier tranquillement avec de bons professeurs et d’apprendre mon métier. »
Juice, son premier film
Petit saut dans le temps. 1991. Tupac est désormais un rappeur des Digital Underground et se présente un peu au hasard pour le casting de Juice. En effet, il accompagne Money B, un membre de son crew, qui avait une audition pour le rôle. Celui-ci raconte le moment pour le média Rollingstone : « J’y suis allé et j’ai totalement échoué. J’ai été nul. Je ne vais pas mentir. Ils étaient genre “um, OK, suivant” et je suis parti. Tupac est entré dans la salle d’audition et tout d’un coup, on entendait applaudir. » C’est ainsi qu’il décroche son premier rôle à 20 ans à peine.
Il faut dire que le personnage qu’il interprète, Bishop, lui sied parfaitement. Un gamin des rues comme il a pu être à certains moments et comme il en a côtoyé des centaines. “Mon personnage est Roland Bishop, un psychotique, très violent”. Tupac est le plus déterminé de son petit gang de 4, et le scénario raconte une descente aux enfers irrémédiable de ces gosses. Plus que l’interprétation d’un simple kid qui devient un gangster, Tupac considère l’attitude de son personnage comme étant une conséquence des dérives de la société. Il ne peut s’empêcher de projeter quelque chose de plus profond en lui, et c’est d’ailleurs surement ça qui fait son talent d’acteur : “Le père de mon personnage est en prison et c’est quelque chose qui le poursuit tout au long du film. Ça bousille son esprit. Bishop veut juste se faire respecter. Il veut le respect que son père n’a pas eu.”
Un extrait de Juice :
2pac multiplie les rôles
A la suite du succès d’estime et commercial de Juice, Tupac devient connu du grand public et se révèle en tant que star du hip hop. Malgré tout, entre ses albums et ses voyages en prison, il met un point d’honneur à poursuivre sa carrière d’acteur. Dans tous les rôles qu’il interprète, il a toujours un côté voyou ou débrouillard. Malgré ça, il ne joue pas que le gangster. Ainsi, pour sa seconde apparition au cinéma, on le découvre dans un film romantique aux côtés de Janet Jackson pour Poetic Justice (1993).
« qui peut jouer un flic mieux que moi ? »
Même si il joue deux rôles de gangsters bête et méchant dans Above the Rim (1994) et Bullet (1996), c’est pour Gang Related (1997) – Flics sans scrupules pour le titre français – qu’il surprend tout le monde. Le créateur de la Thug Life va jouer le rôle d’un flic, et ça fait beaucoup parler.
Pourtant, pour 2pac c’est un rôle qui va de soi :« Qui peut jouer un flic mieux que moi ? J’ai vu leur côté sombre quand ils croient que personne ne les regardent. J’ai vu la compassion, j’ai vu la colère, la jalousie, la peur, le respect. Et j’ai vu la haine des flics plus que n’importe qui d’autres. J’ai été arrêté douze fois l’an dernier. […] Quelle que soit la raison, j’ai vu la police plus souvent que je l’aurais voulu. Donc pour cette raison, je le suis le rôle parfait. Le bon point, c’est que nous faisons voir le côté humain des flics qui font ce qu’ils ont à faire. Je pense que les flics ne sont juste qu’un gang : avec le bien et le mal. » En effet Pac s’attache comme toujours à mettre de la profondeur dans son personnage. Le détective Rodriguez est certes un flic ripoux, mais se questionne énormément, est empli de remords. Tout est question de choix, bons ou mauvais, et non de bien ou de mal. Dans le même esprit, il joue le rôle de Spoon dans Gridlock’d (1997), un junkie qu’il veut montrer en tant qu’homme, drôle, débrouillard et déterminé à s’en sortir (film qu’on conseille d’ailleurs).
« Je suis un acteur, je rappe juste
sur mon temps libre »
Quand Tupac décède en 1996, il a déjà joué un rôle important dans 6 films et a tourné aux côtés d’acteurs d’envergures (Mickey Rourke, Tim Roth, Leon Robinson). Nul doute que la star aurait continué sur ce chemin. Il aimait jouer la comédie plus que tout et voulait qu’on le considère dorénavant comme acteur : « Avant que je fasses ces autres films, c’était juste un loisir. Maintenant, je suis un acteur et je ne veux que personne ne m’enlève ça et disent “Tu es un rappeur qui joue dans des films” […] Donc je suis un acteur. Ça m’arrive juste de rapper sur mon temps libre ». Par une assurance qui le caractérise, Tupac confie :« Je peux être le meilleur acteur que personne n’a jamais vu, la chance m’étant donnée, l’opportunité, l’expérience et les leçons des gens, je peux être le meilleur. Mais pour l’instant je ne souhaite pas être le meilleur, je veux juste être un d’entre eux [un acteur]».
Quand on est considéré par beaucoup comme le meilleur rappeur de l’histoire, en tout cas le plus iconique, la déclaration peut paraître étonnante. Cependant si l’on étudie bien le personnage qu’était Shakur, ça fait sens. On finit cet article par cette déclaration de l’intéressé qui selon ses dires, et l’observation de ses textes le confirme, abordait sa musique comme un film : « Je pense que je traite mes albums comme des films, et j’écris comme si j’étais un personnage qui écrit une histoire. Pour tous les albums, peu importe ce que je traverse, je le fais par étape et je le fais avec vigueur, action, description et avec un début, un milieu et une fin ».
